SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 619 F-D
Pourvoi n° B 23-18.171
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [F] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-18.171 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Patrelle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Patrelle, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2023), M. [Y] a été engagé le 15 mars 1999 par la société Patrelle en qualité de responsable commercial et export, statut cadre, classification 340.
2. Le 19 avril 2018, le salarié a déposé une plainte pour harcèlement moral qui a été classée sans suite le 14 mai 2019. En juin 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen d'une action en résiliation judiciaire, mais la procédure a été radiée, faute pour le salarié de s'être présenté à l'audience de jugement.
3. Le 18 septembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau pour obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
4. Déclaré inapte le 23 novembre 2018, le salarié a été licencié le 28 décembre 2018 pour inaptitude.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Patrelle la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que seule une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice est susceptible d'engager la responsabilité de celui qui exerce ce droit ; que pour condamner M. [Y] au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu qu' "il résulte des pièces de la procédure en particulier de l'enquête pénale et des procédures engagées en vain devant les juridictions prud'homales normandes devant lequel le salarié ne s'est pas rendu que la société Patrelle a subi un préjudice particulier" ; qu'en statuant ainsi sans caractériser la moindre faute du salarié de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice, ni au demeurant préciser quel était le préjudice particulier qu'avait bien pu subir l'employeur la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
7. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
8. Pour condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces de la procédure en particulier de l'enquête pénale et des procédures engagées en vain devant les juridictions prud'homales, devant lesquelles le salarié ne s'est pas rendu, que la société Patrelle a subi un préjudice particulier différent des frais irrépétibles pour la présente affaire.
9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif condamnant le salarié à payer à l'employeur une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant le salarié aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [Y] à payer à la société Patrelle la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Patrelle aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.