SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 4 juin 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 579 F-D
Pourvoi n° Y 23-16.581
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
M. [Y] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-16.581 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2023 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la société Arthur Welter France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [U], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Arthur Welter France, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 28 mars 2023), M. [U], gérant et unique associé de la société Transport [U], a cédé l'intégralité de ses parts à la société Arthur Welter France (la société). Aux termes de ce contrat de cession, M. [U] s'est engagé à rester à son poste de gérant, sans indemnité, pendant une durée de 5 ans. Il a, par ailleurs, été engagé en qualité de gestionnaire de transport à compter du 1er juin 2015 par la société.
2. Par lettre du 1er février 2016 prenant effet au 31 mars 2016, le salarié a démissionné de son poste de gérant de la société et a saisi la juridiction prud'homale afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que la société soit condamnée à lui payer les indemnités résultant de cette rupture, ainsi qu'un rappel de salaire pour la période allant du 31 mars 2016 à la date du jugement.
3. Par jugement du 12 mars 2019, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et dit que le contrat de travail se poursuivait.
4. Le salarié a repris son poste de travail le 7 juin 2019 après que son employeur lui a adressé, le 3 juin 2019, une mise en demeure lui enjoignant de reprendre son poste.
5. Convoqué le 9 août 2019 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, avec mise à pied conservatoire, le salarié a été licencié pour faute grave le 23 août 2019.
6. Il a, de nouveau, saisi la juridiction prud'homale aux fins, notamment, d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019, des congés payés afférents, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premier et deuxième moyens réunis
Enoncé des moyens
8. Aux termes du premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire concernant la période allant du 1er avril 2016 au 12 mars 2019, alors :
« 1°/ que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; que pour débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a relevé que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé" ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'employeur avait satisfait à son obligation de fournir du travail au salarié et que celui-ci avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à disposition, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;
2°/ que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; que pour débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a relevé que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur reconnaissait que le salarié s'était présenté à son poste de travail dès lors que, le 3 juin 2019, il l'avait mis en demeure de le faire, ce dont il résultait que M. [U] se tenait à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;
3°/ plus subsidiairement, que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; qu'en déboutant M. [U] de sa demande de rappel de salaire, aux motifs que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé", sans rechercher si, comme le soutenait le salarié, il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant même au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par une lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ plus subsidiairement, que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; que le salarié soutenait qu'il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant même au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait sienne la réponse de l'employeur selon laquelle il n'aurait pas reçu ce courrier, en statuant de la sorte, cependant que ce courrier ne démontrait pas moins la volonté du salarié de se tenir à la disposition de son employeur, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ plus subsidiairement, que le salarié soutenait qu'il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant même au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait sienne la réponse de l'employeur selon laquelle il n'aurait pas reçu ce courrier, en statuant de la sorte, cependant qu'il s'agissait d'un courrier officiel d'avocat à avocat, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, partant a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ plus subsidiairement, que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; qu'en ne recherchant pas si la circonstance que l'employeur avait délivré à M. [U] un reçu pour solde de tout compte au 31 mars 2016 n'établissait pas qu'il n'entendait plus donner de travail à son salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
9. Aux termes du deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de dire sa demande recevable mais non fondée et de le débouter de sa demande de rappel de salaire concernant la période allant du 13 mars 2019 au 7 juin 2019, alors :
« 1°/ que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; que pour débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a relevé, par motifs propres, que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé" et, par motifs éventuellement adoptés, que M. [U] "n'avait jamais fait grief à son employeur de ne plus lui fournir de travail et de ne plus lui verser de rémunération", et que "malgré la décision à le débouter de ses demandes et à juger que le contrat de travail se poursuivait, M. [U] a continué par son attitude à démontrer sa volonté à ne plus fournir la moindre prestation de travail en tant que gestionnaire de transport au sein de la société Arthur Welter France et à se rendre sur son lieu de travail ; qu'il ne démontre pas plus qu'il se serait tenu à la disposition de son employeur durant cette période ; que dès lors qu'il ne fournissait plus aucune prestation de travail sans justifier d'une quelconque manière son absence au poste de travail, la société Arthur Welter France était fondée à ne pas lui verser de rémunération" ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'employeur avait satisfait à son obligation de fournir du travail au salarié et que celui-ci avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à disposition, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;
2°/ quel'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; que pour débouter M. [U] de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a relevé, par motifs propres, que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé" et, par motifs éventuellement adoptés, que M. [U] "n'avait jamais fait grief à son employeur de ne plus lui fournir de travail et de ne plus lui verser de rémunération", et que "malgré la décision à le débouter de ses demandes et à juger que le contrat de travail se poursuivait, M. [U] a continué par son attitude à démontrer sa volonté à ne plus fournir la moindre prestation de travail en tant que gestionnaire de transport au sein de la société Arthur Welter France et à se rendre sur son lieu de travail ; qu'il ne démontre pas plus qu'il se serait tenu à la disposition de son employeur durant cette période ; que dès lors qu'il ne fournissait plus aucune prestation de travail sans justifier d'une quelconque manière son absence au poste de travail, la société Arthur Welter France était fondée à ne pas lui verser de rémunération" ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur reconnaissait que le salarié s'était présenté à son poste de travail dès lors que, le 3 juin 2019, il l'avait mis en demeure de le faire, ce dont il résultait que M. [U] se tenait à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil ;
3°/ que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; qu'en déboutant M. [U] de sa demande de rappel de salaire, aux motifs propres que celui-ci "ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'a réintégré son poste que le 7 juin 2019. Le salaire versé par l'employeur étant la contrepartie à l'exécution d'une prestation de travail par le salarié, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, l'employeur était en droit de ne plus exécuter son obligation de paiement pendant la période du 1er avril 2016 au 7 juin 2019 au cours de laquelle le salarié n'a pas travaillé" et aux motifs éventuellement adoptés que M. [U] "n'avait jamais fait grief à son employeur de ne plus lui fournir de travail et de ne plus lui verser de rémunération", que "malgré la décision à le débouter de ses demandes et à juger que le contrat de travail se poursuivait, M. [U] a continué par son attitude à démontrer sa volonté à ne plus fournir la moindre prestation de travail en tant que gestionnaire de transport au sein de la société Arthur Welter France et à se rendre sur son lieu de travail ; qu'il ne démontre pas plus qu'il se serait tenu à la disposition de son employeur durant cette période ; que dès lors qu'il ne fournissait plus aucune prestation de travail sans justifier d'une quelconque manière son absence au poste de travail, la société Arthur Welter France était fondée à ne pas lui verser de rémunération", sans rechercher si, comme le soutenait le salarié, il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par une lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que le salarié soutenait qu'il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant même au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait sienne la réponse de l'employeur selon laquelle il n'aurait pas reçu ce courrier, en statuant de la sorte, cependant que ce courrier ne démontrait pas moins la volonté du salarié de se tenir à la disposition de son employeur, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ que le salarié soutenait qu'il s'était toujours tenu à la disposition de son employeur, son conseil écrivant même au conseil luxembourgeois de la société Arthur Welter France, par lettre officielle du 21 mai 2019, pour lui indiquer que M. [U] demeurait dans l'attente des instructions de la société quant au travail à accomplir ; qu'à supposer que la cour d'appel ait fait sienne la réponse de l'employeur selon laquelle il n'aurait pas reçu ce courrier, en statuant de la sorte, cependant qu'il s'agissait d'un courrier officiel d'avocat à avocat, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, partant a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition ; qu'en ne recherchant pas si la circonstance que l'employeur avait délivré à M. [U] un reçu pour solde de tout compte au 31 mars 2016 n'établissait pas qu'il n'entendait plus donner de travail à son salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte des articles L. 1221-1 du code du travail et 1315, devenu l'article 1353, du code civil que l'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition et qu'il appartient à l'employeur d'établir que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.
11. La cour d'appel a constaté, par motifs propres, que le salarié ne s'était plus présenté sur son lieu de travail à compter du 1er avril 2016 et n'avait réintégré son poste que le 7 juin 2019 et, par motifs adoptés, que, malgré le jugement du 12 mars 2019 déboutant le salarié de ses demandes et décidant que le contrat de travail s'était poursuivi, le salarié avait continué par son attitude à démontrer sa volonté de ne plus fournir la moindre prestation de travail en tant que gestionnaire de transport et de ne plus se rendre sur son lieu de travail. Elle a ensuite relevé que, dès lors qu'il ne fournissait plus aucune prestation de travail sans justifier d'une quelconque manière son absence au poste de travail, la société était fondée à ne pas lui verser de rémunération.
12. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que le salarié ne s'était plus tenu à la disposition de son employeur du 1er avril 2016 au 7 juin 2019, elle a exactement déduit qu'il ne pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre de cette période.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.