CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 348 FS-B
Pourvoi n° B 24-14.679
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
1°/ M. [Z] [E],
2°/ Mme [R] [N], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 24-14.679 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2024 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige les opposant à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Champalaune, président de chambre, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du premier président, du président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 mars 2024), par offre préalable acceptée le 8 juin 2020, la société Cofidis (la banque) a consenti à M. et Mme [E] (les emprunteurs) un crédit à la consommation affecté à l'acquisition d'une pompe à chaleur.
2. A la suite de la défaillance des emprunteurs dans le paiement des échéances, la banque a prononcé la déchéance du terme et les a assignés en remboursement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en déchéance de la banque de son droit aux intérêts, alors « qu'il résulte de l'article L. 312-21 du code de la consommation qu'afin de permettre l'exercice du droit de rétractation par l'emprunteur un formulaire détachable, conforme au modèle type fixé réglementairement doit être joint à l'offre de crédit à la consommation adressé par le prêteur à l'emprunteur ; qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et qu'une clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ; que nul ne pouvant se préconstituer de preuve à soi-même, l'existence de tels indices complémentaires ne saurait ressortir de la seule production de l'exemplaire du dossier de financement conservé par la banque, à défaut de production d'une copie de celui conservé par les emprunteurs ; qu'en se déterminant en considération des seules mentions figurant sur le dossier de financement conservé par la société Cofidis après avoir constaté qu'elle produisait "la reconnaissance par les emprunteurs du fait qu'ils sont restés en possession d'un exemplaire du contrat de crédit doté d'un formulaire détachable de rétractation", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la société Cofidis avait remis aux époux [E] un formulaire détachable permettant l'exercice du droit de rétractation par des indices complémentaires émanant d'eux ; qu'ainsi, elle a violé la disposition précitée, ensemble l'article 1363 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 312-21 et L. 341-4 du code de la consommation :
5. Le premier texte dispose que, afin de permettre l'exercice du droit de rétractation mentionné à l'article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à l'exemplaire du contrat de crédit de l'emprunteur.
6. Selon le second texte, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant à la condition fixée à l'article L. 312-21
est déchu du droit aux intérêts.
7. En application de ces dispositions, il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles. La signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971, publié). Un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt (1re Civ., 7 juin 2023, pourvoi n° 22-15.552, publié).
8. Pour retenir que la banque prouvait avoir exécuté son obligation de joindre à l'offre de crédit un formulaire détachable permettant l'exercice du droit de rétractation et rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par les emprunteurs, l'arrêt retient que la clause par laquelle ceux-ci ont reconnu s'être vu remettre une offre préalable dotée d'un tel formulaire est corroborée par la production, par la banque, de la liasse contractuelle relative au crédit en cause et que ce dossier de financement complet comprend les deux exemplaires préremplis de l'offre de crédit à laquelle est joint un bordereau de rétractation. Il ajoute que la banque n'est pas tenue de conserver l'original de l'offre destinée aux emprunteurs.
9. En statuant ainsi, alors que ces documents émanant de la banque n'étaient pas de nature à corroborer la clause type de l'offre de crédit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article R. 312-10 du code de la consommation que le contrat de crédit doit mentionner le taux de l'intérêt de retard ainsi que le taux de l'indemnité de remboursement anticipé ; qu'en abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles les emprunteurs ont soutenu que la société Cofidis devait être déchue du droit au paiement des intérêts, à défaut de mentionner dans le contrat de crédit le taux d'intérêt de retard, ni l'indication du mode de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux
conclusions constitue un défaut de motifs.
12. Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par les emprunteurs, l'arrêt retient que la banque prouve leur avoir remis une offre de crédit dotée d'un formulaire de rétractation ainsi qu'une fiche d'informations précontractuelles reprenant toutes les caractéristiques du crédit affecté, mentionnant « un crédit vous engage » et comportant les informations relatives aux conséquences d'une défaillance dans le remboursement, aux conditions de la rétractation et à celles du remboursement anticipé, à la nature fixe du taux d'intérêt et aux modalités de calcul du taux annuel effectif global. Il ajoute que la banque prouve avoir vérifié la solvabilité des emprunteurs et leur avoir remis une notice d'assurance.
13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui soutenaient que l'offre de crédit était irrégulière en ce qu'elle ne comportait pas les mentions, prévues à l'article R. 312-10 du code de la consommation, relatives aux indemnités de retard et aux conditions et mode de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [E] contre la société Cofidis, fondée sur une faute de celle-ci lors de la libération du capital du crédit, l'arrêt rendu le 14 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.