CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 363 F-D
Pourvoi n° B 23-23.898
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 octobre 2023 .
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
M. [Z] [B], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° B 23-23.898 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2023 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société France pac environnement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société S21y, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [V] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société France pac environnement,
4°/ à Mme [K] [L], épouse [B], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 mars 2023), le 1er mai 2017, par contrat conclu hors établissement, M. [B] (l'acquéreur) a commandé à la société France pac environnement (le vendeur) la fourniture et l'installation d'un chauffe-eau thermodynamique et de panneaux photovoltaïques, avec prise en charge par l'installateur des démarches de raccordement au réseau d'électricité, à un prix de 29 900 euros financé par un crédit souscrit le même jour, avec Mme [B] son épouse, auprès de la société Cofidis (la banque).
2. Par acte du 5 janvier 2018, l'acquéreur a renoncé à toute demande, action ou procédure future au titre de la livraison et de l'installation du matériel, le vendeur s'engageant à lui verser une somme de 900 euros à titre de « geste commercial ».
3. Le 30 mai 2018, invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreur et son épouse ont assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté et en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du bon de commande du 1er mai 2017, de déclarer valable la convention du 5 janvier 2018 et de rejeter sa demande d'annulation du contrat de crédit, alors « que le bon de commande doit comporter, à peine de nullité, une mention sur la possibilité donnée au consommateur de recourir à un médiateur de la consommation ; qu'en rejetant la demande d'annulation du bon de commande au motif que les époux [B] n'indiquaient pas leur volonté ou leur besoin d'y avoir recours, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1, L. 221-9, alinéa 2, L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, et l'article L. 111-1, 6°, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 :
5. Aux termes du premier de ces textes, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
6. En application du deuxième, ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
7. Selon le troisième, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
8. Le dernier texte dispose que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
9. Il résulte de ces textes qu'un contrat conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du code de la consommation.
10. Pour rejeter la demande d'annulation des contrats, l'arrêt retient que l'acquéreur n'a pas intérêt à se prévaloir de l'absence de mention, sur le bon de commande, de la possibilité de saisir un médiateur, et qu'il n'a pas manifesté sa volonté d'y recourir.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. L'acquéreur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il n'y a pas transaction lorsqu'une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement inexistante ; qu'en déclarant valable la transaction du 5 janvier 2018 par laquelle M. [B] renonçait à toute demande et action contre le vendeur contre une somme de 900 euros, cependant que la vente portait sur un matériel d'une valeur de 29 900 euros, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2044 du code civil :
13. Selon ce texte, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
14. Pour dire que la convention du 5 janvier 2018 était valable, l'arrêt énonce que la contre-partie de 900 euros n'est pas inexistante et que l'acquéreur, qui n'explique pas les circonstances entourant sa conclusion, n'invoque aucun vice de consentement.
15. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence de concessions réciproques des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
16. L'acquéreur fait le même grief à l'arrêt, alors « que la confirmation d'un acte entaché de nullité suppose que soit rapportée la preuve de la volonté non équivoque de ratifier le contrat en toute connaissance des vices l'entachant ; qu'en se bornant à énoncer que la convention du 5 janvier 2018 avait été signée plusieurs mois après l'exécution du contrat de vente en connaissance de cause et valait confirmation du contrat en complément de la signature de l'attestation de livraison du 18 mai 2017, sans caractériser la connaissance qu'avait son signataire de toutes les irrégularités entachant le contrat au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article 1182 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1182 du code civil :
17. Selon ce texte, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
18. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que l'acte du 5 janvier 2018, signé en connaissance de cause plusieurs mois après l'exécution du contrat principal de vente et d'installation du matériel, vaut confirmation de ce contrat, en complément de la signature de l'attestation manuscrite et circonstanciée du 18 mai 2018.
19. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance que l'acquéreur aurait eu des irrégularités alléguées du bon de commande, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
20. L'article 615 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties le pourvoi de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance de cassation. Dans le même cas, le pourvoi formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
21. Mme [B], partie à l'instance, n'a pas formé de pourvoi en cassation. Toutefois, en ce qu'il porte sur la validité du contrat de crédit affecté conclu par M. et Mme [B] et le droit de la banque d'obtenir le remboursement du capital prêté en cas d'annulation de ce contrat, le litige est indivisible. Il s'ensuit que la cassation prononcée produit nécessairement effet à l'égard tant de M. [B] que de Mme [B].
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cofidis à payer à la SARL Cabinet Rousseau et Tapie la somme de 3 000 euros et rejette le surplus des demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.