CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 524 F-D
Pourvoi n° B 23-21.644
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société L'Équité, société d'assurances et de réassurances contre les risques de toute nature, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-21.644 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à l'Union départementale des associations familiales de Martinique, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité de tutrice légale de M. [D] [I],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société L'Équité, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 juin 2023), le 19 août 2008, alors qu'il était passager d'une motocyclette assurée par la société L'Équité, M. [I] a été grièvement blessé dans un accident de la circulation impliquant également un véhicule automobile assuré par la société Axa France IARD (la société Axa).
2. En exécution d'un jugement rendu le 30 juillet 2012 par un tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils et ayant condamné in solidum les conducteurs des deux véhicules à payer à M. [I] la somme de 3 517 727,06 euros en réparation de ses préjudices, provisions déduites, chacun des assureurs a versé à ce dernier la somme de 1 758 863,53 euros.
3. Par un arrêt infirmatif du 13 décembre 2013, le montant de cette condamnation in solidum a été réduite à la somme de 1 128 754,82 euros.
4. En 2018, la société Axa a assigné l'Union départementale des associations familiales de Martinique (l'UDAF), en sa qualité de tutrice de M. [I], et la société L'Équité, aux fins d'obtenir la restitution par la victime des sommes indûment perçues en exécution du jugement du 30 juillet 2012 et la condamnation de l'autre assureur à lui rembourser toutes les sommes versées à la suite de l'accident, au titre de son recours en contribution à la dette.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société L'Équité fait grief à l'arrêt de la condamner à régler à la société Axa la somme de 858 925,32 euros, alors « que le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'obligation, ne peut, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés L'Équité et Axa "ont réglé chacune 1 758 863,53 euros à la victime" en exécution du jugement du 30 juillet 2012 ; que la société L'Équité expliquait qu'à la suite de l'infirmation de ce jugement par l'arrêt du 13 décembre 2013, l'UDAF lui avait remboursé la somme de 1 233 486,12 euros ; qu'après avoir évalué à 85 % la part de la dette incombant à la société L'Équité et à 15 % la part incombant à la société Axa, la cour d'appel a retenu que "la société Axa justifie avoir versé les sommes de 1 758 863,53 euros + 40 000,00 euros = 1 798 863,53 euros", que "sa contribution à la dette est de 1 798 863,53 euros x 15 % = 269 829,53 euros", qu' "elle peut prétendre à la restitution d'une somme de 1 798 863,53 euros - 269 829,53 euros = 1 529 034,00 euros, de laquelle se déduit la somme de 670 108,87 euros restituée par l'UDAF le 21 septembre 2022, soit un montant de 858 925,32 euros restant dû par la société L'Équité à la société Axa" ; qu'en statuant ainsi, quand il convenait, pour calculer les sommes dues par la société L'Équité au titre de sa contribution à la dette, d'appliquer le taux de 85 % au montant de la dette, soit 1 128 754,63 euros, et non au montant payé en partie indûment par la société Axa, avant de soustraire les sommes versées par la société L'Équité à M. [I] et conservées par lui, la cour d'appel a violé l'article 1214 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1214, 1251 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
7. Il résulte des deux derniers de ces textes que la contribution à la dette de réparation du dommage subi par la victime d'un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l'accident et un autre coobligé fautif, a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives.
8. Selon le premier, le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d'eux.
9. Pour condamner la société L'Équité à payer une certaine somme à la société Axa au titre de son recours en contribution, l'arrêt retient que les conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident ont chacun commis une faute ayant contribué à l'accident à hauteur de 85 % et 15 %.
10. L'arrêt calcule ensuite la contribution à la dette de la société Axa en appliquant la part de 15 % sur la somme totale versée par cet assureur à la victime, en exécution du jugement du 30 juillet 2012, puis en évaluant le montant des restitutions auxquelles la société Axa pouvait prétendre en tenant compte des sommes déjà restituées par la victime à cet assureur.
11. En statuant ainsi, alors que, saisie d'un recours en contribution à la dette de responsabilité et d'une demande de répétition, il lui appartenait d'appliquer les parts de responsabilité retenues sur la somme définitivement allouée à la victime pour déterminer la dette de chaque assureur et statuer sur la demande de remboursement présentée par l'un d'eux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société L'Équité à payer à la société Axa France IARD la somme de 858 925,32 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.