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28/05/2025 | FRANCE | N°23-20.093

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 28 mai 2025, 23-20.093


CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 513 F-B

Pourvoi n° R 23-20.093






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

La société C2R, exerçant sous l'enseigne [3], société à

responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-20.093 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2023 par la cour d'appel de Nancy (cinquième chambre commerciale), ...

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 513 F-B

Pourvoi n° R 23-20.093






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

La société C2R, exerçant sous l'enseigne [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-20.093 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2023 par la cour d'appel de Nancy (cinquième chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Assurances du crédit mutuel IARD, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société C2R, les observations écrites et orales de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Assurances du crédit mutuel IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 mai 2023), la société C2R (l'assurée), qui exploite un fonds de commerce de restaurant, café, bar, a souscrit auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l'assureur) un contrat d'assurance multirisque professionnelle dénommé « Acajou Signature » incluant une garantie « pertes d'exploitation ».

2. Un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, a édicté, notamment, l'interdiction pour les restaurants d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020. Par décret du 29 octobre 2020, il a de nouveau été fait interdiction aux restaurants d'accueillir du public à partir du 30 octobre 2020. Cette interdiction a pris fin le 19 mai 2021.

3. Soutenant avoir subi des pertes d'exploitation du fait de ces interdictions, l'assurée a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur, qui a refusé sa garantie.

4. L'assurée l'a assigné devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. L'assurée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de condamnation de l'assureur à l'indemniser dans le respect des stipulations contractuelles et de condamnation à titre provisionnel à lui payer la somme de 75 000 euros à valoir sur l'indemnité définitive, alors :

« 2°) que lors de la réalisation du risque, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat ; que les mesures prises par les autorités administratives durant la pandémie de Covid-19 ont eu pour effet d'interdire l'accès à certains établissements, parmi lesquels les restaurants et débits de boisson, pour les périodes allant du 15 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre 2020 au 18 mai 2021, une dérogation strictement encadrée étant accordée aux établissements ayant une activité de livraison et de vente à emporter ; qu'il en résulte que le principe pour les restaurants n'ayant pas d'activité de livraison et de vente à emporter était celui de l'interdiction totale de l'accès à l'établissement, tandis que l'autorisation d'accueillir du public n'était autorisée que de manière dérogatoire ; que, pour dire non-applicable la garantie souscrite au titre des pertes d'exploitation du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à l'activité ou aux locaux dans lesquels elle est exercé, l'arrêt retient que « les mesures de restriction prises par les dispositions réglementaires n'étaient pas constitutives de mesures d'interdiction d'accès aux locaux de ces restaurants, puisque l'accès était toujours possible pour les exploitants, le personnel et les fournisseurs et par ailleurs elles permettaient à la clientèle de se rendre dans ces établissements pour prendre livraison des commandes préalablement passées » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 113-5 du code des assurances et 1103 du code civil ;

3°) que lors de la réalisation du risque, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat ; que les mesures prises par les autorités administratives durant la pandémie de Covid-19 ont eu pour effet d'interdire l'accès à certains établissements, parmi lesquels les restaurants et débits de boisson, pour les périodes allant du 15 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre 2020 au 18 mai 2021, une dérogation strictement encadrée étant accordée aux établissements ayant une activité de livraison et de vente à emporter ; qu'il en résulte que le principe pour les restaurants n'ayant pas d'activité de livraison et de vente à emporter était celui de l'interdiction totale de l'accès à l'établissement tandis que l'autorisation d'accueillir du public n'était autorisée que de manière dérogatoire ; que, pour dire non-applicable la garantie souscrite au titre des pertes d'exploitation du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à l'activité ou aux locaux dans lesquels elle est exercé, l'arrêt retient qu'« il importe peu sur ce point que la société C2R indique qu'elle ne réalisait pas auparavant de vente à emporter et n'a pas mis en œuvre cette possibilité durant la période en cause et que par ailleurs la vente à emporter aurait nécessairement entraîné un manque à gagner » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 113-5 du code des assurances et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. L'assureur conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.

8. Cependant, le moyen, qui est né de la décision attaquée, est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1103 du code civil :

9. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

10. Pour rejeter les demandes présentées par l'assurée, après avoir rappelé que les conditions générales du contrat prévoient la garantie des pertes d'exploitation que pourrait subir l'assurée du fait de l'interruption ou de la réduction de son activité « résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l'exercez », l'arrêt énonce que la mise en oeuvre de cette garantie est subordonnée à une interdiction d'accès, notion claire, qui consiste en une défense absolue de pénétrer dans les locaux assurés et ne peut donner lieu à interprétation.

11. Il constate, ensuite, qu'en application des arrêtés et décrets, adoptés successivement à compter du 14 mars 2020, puis du 29 octobre 2020, les restaurants et débits de boisson n'ont plus pu recevoir du public à compter du 15 mars 2020 jusqu'au 1er juin 2020, puis à compter du 30 octobre 2020, mais que les activités de livraison et de vente à emporter restaient toutefois autorisées.

12. Il ajoute, d'une part, que les mesures de restrictions prises n'étaient pas constitutives de mesures d'interdiction d'accès aux locaux des restaurants puisque cet accès était toujours possible pour les exploitants, le personnel et les fournisseurs, et que la clientèle pouvait s'y rendre pour prendre livraison des commandes préalablement passées, d'autre part, qu'il importe peu que l'assurée indique qu'elle ne réalisait pas auparavant de vente à emporter, qu'elle n'a pas mis en oeuvre cette possibilité durant la période en cause et que la vente à emporter aurait nécessairement entraîné un manque à gagner, et en déduit, enfin, que la garantie pertes d'exploitation sollicitée n'est pas mobilisable.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les décrets du 15 mars 2020 et du 29 octobre 2020 avaient interdit aux restaurants d'accueillir du public, ce qui constituait, au sens de la stipulation contractuelle, une mesure d'interdiction d'accès aux locaux dans lesquels l'assurée exploitait son fonds de commerce émanant des autorités administratives, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Assurances du crédit mutuel IARD et la condamne à payer à la société C2R la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-20.093
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 28 mai. 2025, pourvoi n°23-20.093, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.20.093
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