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28/05/2025 | FRANCE | N°23-18.760

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation de section, 28 mai 2025, 23-18.760


COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 285 FS-B

Pourvoi n° S 23-18.760




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025

Mme [G] [V], domiciliée [Adresse 3], a for

mé le pourvoi n° S 23-18.760 contre l'arrêt n° RG 21/18508 rendu le 19 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au direct...

COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 285 FS-B

Pourvoi n° S 23-18.760




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025

Mme [G] [V], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-18.760 contre l'arrêt n° RG 21/18508 rendu le 19 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 4], domicilié pôle contrôle fiscal et affaire juridique, pôle juridictionnel judiciaire, [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de Mme [V], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mme Ducloz, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2023) et les productions, Mme [V] a déclaré à l'actif de sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) les sommes portées sur un compte ouvert auprès de la société Bernard L. Madoff Investment Securities LLC (la société BLMIS).

2. Poursuivie par le liquidateur judiciaire de la société BLMIS ayant engagé une procédure de restitution des virements perçus en provenance de ce compte, elle a, le 2 juin 2017, conclu avec ce dernier un accord transactionnel.

3. Le 25 septembre 2017, soutenant que cet accord transactionnel avait eu pour effet de faire définitivement disparaître la créance qu'elle détenait dans la liquidation de la société BLMIS pour la remplacer par une dette de 7 500 000 dollars US, elle a formé auprès de l'administration fiscale une réclamation contentieuse afin de solliciter la restitution de l'ISF selon elle indûment acquitté à hauteur de la somme de 1 546 634 euros au titre des années 2003 à 2008 et de la somme de 32 772 euros au titre des années 2009, 2010 et 2012.

4. Le 11 avril 2018, en l'absence de réponse, la contribuable a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la restitution de ces impositions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen




Enoncé du moyen

5. Mme [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution de l'ISF au titre des années d'imposition 2003 à 2008, alors :

« 1°/ qu'un événement, au sens de l'article R*. 196-1, alinéa 1, du livre des procédures fiscales, ne peut pas résulter de la seule volonté du contribuable requérant, en jugeant que l'accord transactionnel, signé le 2 juin 2017 entre le mandataire judiciaire de la liquidation de la société BLMIS et Mmes [D] et [G] [V] aux termes duquel ces dernières ont restitué au trustee l'ensemble des sommes perçues depuis le 11 décembre 2006 en échange de la renonciation par le mandataire de poursuivre toute demande en indemnisation, résultait de la volonté des parties et ne répondait pas à la condition d'externalité, sans relever que l'acte transactionnel du 2 juin 2017 ne résultait pas de la seule volonté de la contribuable requérante mais était une convention, ayant entre les parties autorité de la chose jugée et stipulant des engagements réciproques interdépendants, qui constituait le mode de résolution de l'assignation en "claw-back" engagée par le seul trustee, qui était extérieure à la contribuable requérante, devant le tribunal des faillites de New York, de sorte que l'accord transactionnel ne pouvait pas être considéré comme découlant de la seule volonté et maîtrise de la contribuable requérante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

2°/ que seul un fait de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition peut constituer l'événement qui motive la réclamation au sens de l'article R*. 196-1) c) du livre des procédures fiscales, en jugeant que l'accord transactionnel du 2 juin 2017, qui a fixé la dette était sans effet rétroactif, n'a emporté aucune conséquence sur le principe et le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune contesté, sans relever que ledit accord confirmait de manière définitive la fictivité des actifs Madoff, et surtout de ceux de ces actifs dont le foyer fiscal de la contribuable requérante a cru obligatoire de les déclarer en qualité de biens relevant de l'ISF, de sorte qu'il est venu modifier le principe et le montant de cet impôt de solidarité sur la fortune au titre des années litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales et du principe fraus omnia corrumpit ;

3°/ que les impositions litigieuses fondées sur des actifs, dont la fictivité a été dissimulée au jour du fait générateur de l'impôt et révélée postérieurement par l'accord transactionnel du 2 juin 2017, devaient être modifiées dans leur principe et leur montant, en jugeant que l'accord transactionnel du 2 juin 2017 qui a fixé la dette était sans effet rétroactif et n'avait emporté aucune conséquence sur le principe et le montant de l'impôt contesté sur la période litigieuse, la cour d'appel a violé l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales et le principe fraus omnia corrumpit ;

4°/ qu'en jugeant que la créance à l'encontre de la société BLMIS n'était pas litigieuse au jour du fait générateur de l'imposition en cause, soit au 1er janvier de chacune des années en cause, sans relever que la société BLMIS était insolvable en ce sens que la valeur de son actif était inférieure à celle de son passif, qu'elle n'aurait pas pu honorer ses obligations en matière de remboursement des clients si ceux-ci en avaient fait la demande, et qu'au moment des transferts, BLMIS ne disposait plus de capitaux suffisants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R*. 196-1du livre des procédures fiscales et du principe fraus omnia corrumpit ;

5°/ qu'en estimant que la requérante détenait des comptes ouverts dans la société BLMIS et que la créance à l'encontre de la société BLMIS n'était pas litigieuse au jour du fait générateur de l'imposition, soit au 1er janvier de chacune des années en cause, sans tenir compte, d'une part, des éléments produits par la requérante confirmés par l'accord transactionnel du 2 juin 2017, selon lesquels il n'existait en fait aucun "compte" et que les sommes placées avaient bien été dissipées vers la société familiale BMSIL, et ceci dès leur mise à disposition de la société BLMIS, et, d'autre part, sans tenir compte des éléments de la plainte selon lesquels les fonds versés par la requérante n'ont jamais été investis ni même laissés à leur disposition sur un compte quelconque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales et du principe fraus omnia corrumpit. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article R*. 196-1, c, du livre des procédures fiscales que seul un fait de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition peut constituer l'événement susceptible de faire courir un nouveau délai de réclamation. La découverte de l'existence d'une fraude n'est pas, en soi, constitutive d'une situation nouvelle de nature à influencer le principe ou le quantum de l'imposition.

7. Par motifs propres et adoptés, l'arrêt, après analyse des termes de l'accord transactionnel du 2 juin 2017, retient que la créance de Mme [V] détenue à l'encontre de la société BLMIS n'était pas litigieuse au 1er janvier de chacune des années en cause, que la circonstance que celle-ci ait renoncé à la réclamer n'a pas eu pour incidence d'annuler rétroactivement l'existence des actifs déclarés au titre des années litigieuses et qu'il n'est pas établi que les sommes placées ont été dissipées dès leur mise à disposition de la société BLMIS, la plainte du syndic faisant au contraire état de sommes importantes transférées sur le compte de Mme [V] sur la seule période de 2006 à 2008 et des retraits ayant été opérés sur ce compte. Il retient ensuite qu'ayant été fixée au 2 juin 2017, sans effet rétroactif, la dette de 7 500 000 dollars US n'a emporté aucune conséquence sur le principe et le montant de l'impôt contesté sur la période de 2003 à 2008.

8. De ces constatations et appréciations souveraines, dont il résulte qu'aucun fait n'était de nature à exercer une influence sur le bien-fondé des impositions en litige, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer les recherches invoquées par les deuxième, quatrième et cinquième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, a exactement déduit que l'accord transactionnel du 2 juin 2017 ne constituait pas un événement au sens de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales et, partant, ne permettait pas d'ouvrir un nouveau délai de réclamation.

9. Inopérant en sa première branche qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution de l'ISF au titre des années 2009 et 2010

Enoncé du moyen

10. Mme [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années d'imposition 2009 et 2010, alors « que pour être déductible de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, et qu'une dette incertaine, du fait d'une contestation, est rétroactivement déductible pour le montant ultérieurement arrêté par la décision mettant fin à la contestation, en jugeant que la dette née de l'accord transactionnel du 2 juin 2017 ne pouvait pas être prise en compte aux 1er janvier 2009, 2010 et 2012, dès lors qu'elle était sans effet rétroactif quand ledit accord transactionnel est venu fixer de manière définitive le montant de la dette devenue rétroactivement déductible pour le montant arrêté par l'accord mettant fin à la contestation, la cour d'appel a violé les articles 768 et 885 E du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de la combinaison des articles 768, 885 D et 885 E du code général des impôts que, pour être déductibles au titre de l'ISF, les dettes doivent exister au 1er janvier de l'année d'imposition.

12. Ayant retenu que la dette, née de l'accord transactionnel du 2 juin 2017, n'existait pas au 1er janvier des années 2009 et 2010, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être prise en compte comme un passif déductible au titre de l'ISF des années 2009 et 2010.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais, sur le moyen en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution de l'ISF au titre de l'année 2012

Enoncé du moyen

14. Mme [V] fait le même grief à l'arrêt au titre de l'année 2012.

Réponse de la Cour

Vu les articles 768, 885 D et 885 E du code général des impôts, alors applicables :

15. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour être déductible de l'assiette de l'ISF, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l'impôt, soit au 1er janvier de l'année d'imposition, et qu'une dette, incertaine du fait d'une contestation, est rétroactivement déductible pour le montant ultérieurement arrêté par la décision mettant fin à la contestation.

16. Pour rejeter la demande de restitution de l'ISF au titre de l'année 2012, l'arrêt retient que la dette, née de l'accord transactionnel du 2 juin 2017, n'existait pas au 1er janvier des années 2009 à 2012.

17. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que, par une plainte du 12 novembre 2010, signifiée le 8 mars 2011, le syndic chargé de la liquidation de la société BLMIS avait engagé à l'encontre de Mme [V] une procédure de restitution des virements qu'elle avait perçus et que cette procédure s'était achevée par l'accord transactionnel conclu le 2 juin 2017, homologué par ordonnance d'un tribunal de la faillite des Etats-Unis du 23 juin 2017, ayant reçu exequatur le 14 octobre 2020, de sorte que la dette invoquée par Mme [V], incertaine du fait d'une contestation, était rétroactivement déductible pour le montant de 7 500 000 de dollars US arrêté par l'accord transactionnel au titre de l'ISF de l'année 2012, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de restitution de l'ISF au titre de l'année 2012, l'arrêt rendu le 19 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-18.760
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris J1


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation de section, 28 mai. 2025, pourvoi n°23-18.760, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.18.760
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