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28/05/2025 | FRANCE | N°23-13.796

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation de section, 28 mai 2025, 23-13.796


CIV. 2

LC12



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 510 FS-B

Pourvoi n° W 23-13.796





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

Mme [S] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le p

ourvoi n° W 23-13.796 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Axa France vie, société anonyme,...

CIV. 2

LC12



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 28 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 510 FS-B

Pourvoi n° W 23-13.796





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

Mme [S] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-13.796 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Axa France vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France vie, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, M. Gervais de Lafond, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Salomon, conseillers, M. Ittah, Mme Philippart, M. Riuné, conseillers référendaires M. Grignon Dumoulin, premier avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2023), du 1er février au 22 juillet 2016, Mme [H] a été salariée d'une société qui avait souscrit un contrat collectif de prévoyance auprès de la société Axa France vie (l'assureur). Après la cessation de la relation de travail, Mme [H] a conservé le bénéfice de ce régime de prévoyance jusqu'au 22 janvier 2017, terme de la période de portabilité des garanties.

2. Placée en arrêt maladie en octobre 2016, Mme [H] a perçu des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie du 17 octobre 2016 au 14 mars 2018, puis du 21 septembre 2018 au 29 août 2019, avant d'être placée en invalidité à compter du 17 octobre 2019. Entre le 15 mars et le 20 septembre 2018, elle a perçu des indemnités de chômage.

3. L'assureur lui a versé des indemnités au titre de la garantie « incapacité temporaire de travail » pour la période courant jusqu'au 14 mars 2018 mais a refusé de garantir l'incapacité postérieure à cette date ainsi que l'invalidité subséquente.

4. Mme [H] l'a assigné devant un tribunal judiciaire en exécution de ces garanties.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, pris en leur première branche, réunis

Enoncé des moyens

5. Par un premier moyen, Mme [H] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à faire condamner l'assureur à lui régler les sommes lui restant dues en application de la garantie incapacité, alors « que lorsque des salariés sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la cessation de la période de portabilité des droits consécutive à celle du contrat de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation de travail ou pendant la période de portabilité des droits ; qu'il ne peut être dérogé à ce principe par une stipulation contractuelle ; qu'il en résulte que l'assureur de prévoyance collective est tenu de prendre en charge, au titre des prestations différées, les indemnités journalières dues à la suite d'un arrêt de travail intervenu après la période de portabilité des droits, dès lors que cet arrêt de travail est la suite d'un premier arrêt de travail consécutif à une pathologie découverte pendant la période de garantie et ayant donné lieu au versement de prestations de la part de l'assureur ; que, pour débouter Mme [H] de sa demande tendant au versement d'indemnités journalières dues en application de la garantie incapacité de travail sur la période du 21 septembre 2018 au 16 octobre 2019, la cour d'appel a retenu, d'une part, que Mme [H] avait été de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 21 septembre 2018 et que cet arrêt de travail, quelle qu'en soit la raison et le lien avec la pathologie qui avait motivé l'arrêt de travail sur la période du 16 octobre 2016 au 14 mars 2018, était survenu après la fin de la période de portabilité fixée au 22 janvier 2017, d'autre part, que le contrat d'assurance n'assurait pas la survenance d'une maladie mais, en l'espèce, le risque d'incapacité temporaire de travail ; qu'en statuant ainsi, au lieu de rechercher, comme cela lui était demandé, si l'arrêt de travail du 21 septembre 2018 au 16 octobre 2019 n'était pas consécutif à la pathologie dépistée le 17 octobre 2016 pendant la période de portabilité des droits et ayant donné lieu au versement de prestations par l'assureur au titre de l'arrêt de travail du 16 octobre 2016 au 14 mars 2018, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale. »

6. Par un second moyen, Mme [H] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à faire condamner l'assureur à lui régler les sommes lui restant dues en application de la garantie invalidité, alors « que lorsque des salariés sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la cessation de la période de portabilité des droits consécutive à celle du contrat de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation de travail ou pendant la période de portabilité des droits ; qu'il ne peut être dérogé à ce principe par une stipulation contractuelle ; qu'il en résulte que l'assureur de prévoyance collective est tenu de prendre en charge, au titre des prestations différées, les sommes dues à la suite d'un placement en invalidité après la période de portabilité des droits, dès lors que ce placement est la suite d'une pathologie découverte pendant la période de garantie et ayant donné lieu au versement de prestations de la part de l'assureur ; que, pour débouter Mme [H] de sa demande formée sur le fondement de la garantie invalidité, la cour d'appel a retenu que le risque invalidité permanente prévu au contrat d'assurance s'était réalisé le 17 octobre 2019, soit après la fin de la portabilité fixée au 22 janvier 2017 ; qu'en statuant ainsi, au lieu de rechercher, comme cela lui était demandé, si le classement de Mme [H] en invalidité 1ère catégorie à compter du 17 octobre 2019 n'était pas consécutif à la pathologie dépistée le 17 octobre 2016 pendant la période de portabilité des droits et ayant donné lieu au versement de prestations par l'assureur au titre de l'arrêt de travail du 16 octobre 2016 au 14 mars 2018, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 911-2 et L. 911-8 du code de la sécurité sociale :

7. Selon le premier de ces textes, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale ont notamment pour objet de prévoir, à leur profit, la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité et des risques d'inaptitude.

8. Le second permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale contre ces risques de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon les conditions qu'il détermine. Ce dispositif de maintien des garanties de frais de santé et de prévoyance au bénéfice des salariés ayant quitté l'entreprise est désigné par l'expression de « portabilité des garanties ».

9. La Cour de cassation juge depuis 2008, au visa du premier de ces textes, que lorsque les salariés sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la cessation de la relation de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation (2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.064, publié ; 2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.088, publié). Il ne peut être dérogé à ce principe par une disposition contractuelle (2e Civ., 5 mars 2015, pourvoi n° 13-26.892, publié).

10. Le moyen pose la question de savoir si cette règle peut être étendue aux prestations immédiates ou différées, nées ou acquises durant la période de portabilité des garanties.

11. Le dispositif de portabilité des garanties, issu de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, modifié par un autre accord du 11 janvier 2013, a été consacré par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui a créé l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

12. Le seul libellé de ce texte ne permettant pas de donner une portée certaine à la notion de maintien des garanties qu'il édicte, il convient de rechercher l'intention du législateur.

13. Il ressort de l'exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à l'adoption de la loi précitée que ses dispositions visent à sécuriser les parcours professionnels grâce à des droits nouveaux qui profitent à tous les salariés, en particulier aux plus précaires.

14. L'accord national interprofessionnel précité, à l'origine de ce texte législatif, avait en effet prévu un dispositif de portabilité afin d'éviter une rupture de tout ou partie du bénéfice de certains droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, entre le moment où il est mis fin au contrat de travail du salarié et celui où ce dernier reprend un autre emploi et acquiert de nouveaux droits. Ce dispositif avait pour objectif, notamment, d'encourager les mobilités et de sécuriser les transitions professionnelles.

15. Il ressort des débats parlementaires que la création de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale donne une valeur législative au dispositif de portabilité des droits à la couverture « complémentaire santé » et « prévoyance » au profit des anciens salariés, ce qui a eu pour effet de l'étendre aux entreprises hors du champ de l'accord de 2008 et de son avenant.

16. Il en résulte que le législateur a entendu, sous certaines conditions et pendant une période déterminée, permettre à l'ancien salarié, pris en charge par le régime d'assurance chômage, de bénéficier de la même couverture que lorsqu'il était salarié au titre, notamment, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité.

17. Afin de tenir compte de la mise en place de la portabilité des garanties, le législateur a, par le même texte de loi, procédé à l'harmonisation d'un certain nombre de dispositions de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. En particulier, les dispositions de l'article 2 de cette loi, relatif à la prise en charge des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou de l'adhésion à ceux-ci, ont été rendues applicables au titre des anciens salariés garantis en application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

18. Dès lors, afin de donner leur plein effet aux objectifs poursuivis par le législateur, l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale doit être interprété en ce sens que la cessation de la période de portabilité des garanties est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées pendant la relation de travail ou durant la période de portabilité des garanties.

19. Pour rejeter les demandes présentées par Mme [H] au titre de la garantie « incapacité » pour la période courant du 21 septembre 2018 au 16 octobre 2019 et au titre de la garantie « invalidité » à compter du 17 octobre 2019, l'arrêt énonce que lorsque l'intéressée est placée en arrêt de travail à compter du 21 septembre 2018, cet arrêt, quels qu'en soient la raison et le lien avec la pathologie qui avait motivé l'arrêt de travail pour la période du 16 octobre 2016 au 14 mars 2018, survient après la fin de la période de portabilité et que, de surcroît, le contrat d'assurance n'assure pas la survenance d'une maladie mais le risque d'incapacité temporaire de travail. Il ajoute que le risque « invalidité permanente » prévu au contrat d'assurance s'est réalisé le 17 octobre 2019, soit après la fin de la période de portabilité.

20. Il en déduit que l'assureur est fondé à refuser sa garantie au titre de l'incapacité temporaire de travail pour la période considérée ainsi que sa garantie au titre de l'invalidité permanente.

21. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'arrêt de travail de Mme [H] du 21 septembre 2018 au 16 octobre 2019 et son classement en invalidité à compter du 17 octobre 2019 n'étaient pas consécutifs à la pathologie ayant justifié le premier arrêt de travail prescrit au cours de la période de portabilité des garanties et ayant donné lieu au versement de prestations sociales, condition requise par le contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [H] de sa demande au titre de la garantie « incapacité temporaire de travail » entre le 15 mars 2018 et le 20 septembre 2018, l'arrêt rendu le 8 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Axa France vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France vie et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-13.796
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris G8


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation de section, 28 mai. 2025, pourvoi n°23-13.796, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.13.796
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