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27/05/2025 | FRANCE | N°24-16.119

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai 2025, 24-16.119


SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 27 mai 2025




Cassation


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 555 F-D

Pourvoi n° S 24-16.119


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025

Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pour

voi n° S 24-16.119 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Clinique [3], société anonym...

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 27 mai 2025




Cassation


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 555 F-D

Pourvoi n° S 24-16.119


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2025

Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-16.119 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Clinique [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Clinique [3], après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présentes Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2024), Mme [I] a été engagée en qualité de secrétaire administrative à compter du 1er octobre 2007 par la société Clinique [3], puis promue assistante de direction.

2. Le 5 décembre 2019, la salariée a été licenciée pour faute grave.

3. Le 26 mai 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité au titre du préjudice moral résultant du caractère vexatoire des circonstances entourant la notification du licenciement, alors « que même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, sans rechercher si, comme le soutenait la salariée, les conditions de la rupture n'avaient pas été vexatoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

6. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non payées, outre congés payés afférents et d'indemnités pour travail dissimulé et au titre de la contrepartie obligatoire en repos, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que les juges du fond ne peuvent, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié et doivent examiner les éléments objectifs que l'employeur est tenu de leur fournir ; qu'en l'espèce, en retenant, pour la débouter de ses demandes, que la salariée versait aux débats un tableau difficilement lisible faisant état d'un nombre global d'heures effectuées par mois et distinguant les heures réalisées, les heures supplémentaires payées et celles dont elle réclamait le paiement pour les années considérées ainsi que des attestations peu précises indiquant une présence importante et ses grandes qualités professionnelles, que ces éléments dans leur imprécision ne permettaient pas d'estimer établi le nombre d'heures supplémentaires non payées alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

8. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

9. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

11. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que la salariée soutient avoir été contrainte de multiplier les dépassements d'horaires afin d'assumer ses fonctions et celles qui lui ont été confiées pendant l'absence de l'attachée de direction et verse aux débats un tableau difficilement lisible faisant état d'un nombre global d'heures effectuées par mois et distinguant les heures réalisées, les heures supplémentaires payées et celles dont elle réclame le paiement pour les années considérées ainsi que des attestations peu précises indiquant une présence importante et ses grandes qualités professionnelles.

12. Il ajoute que ces éléments dans leur imprécision ne permettent pas d'estimer établi le nombre d'heures supplémentaires non payées d'autant que les feuilles de paie indiquent bien les heures supplémentaires versées chaque mois et qu'il est également établi, d'une part, que l'employeur a mis en place un système de décompte du temps et que, d'autre part, il est clairement indiqué dans le règlement intérieur que toute modification des horaires s'impose également au personnel concerné, y compris si elle entraîne l'exécution des heures supplémentaires ou de récupération, seule la direction pouvant décider de l'exécution d'heures supplémentaires.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. La salariée fait grief à l'arrêt de juger son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue dès lors que l'employeur avait eu connaissance des griefs formés à son encontre à l'occasion du contrôle effectué le 11 octobre 2019 et qu'il n'avait engagé la procédure de licenciement que le 21 novembre 2019, soit près d'un mois et demi plus tard, sans que cela ne soit justifié par des investigations complémentaires ; qu'en retenant la qualification de faute grave sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail :

15. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

16. Pour juger le licenciement de la salariée fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que les griefs de l'employeur sont établis et que le fait de s'affranchir des règles internes de fixation et de contrôle du temps de travail en profitant d'une délégation donnée pendant l'absence d'une autre salariée est constitutif d'une faute grave.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après la constatation par l'employeur des faits imputés à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Clinique [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Clinique [3] et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-16.119
Date de la décision : 27/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris K3


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 27 mai. 2025, pourvoi n°24-16.119


Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.16.119
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