CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 22 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 482 FS-B
Pourvoi n° K 23-12.659
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025
La société [13], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-12.659 contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile - surendettement des particuliers), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [O], domicilié [Adresse 8],
2°/ à la société [15], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [14], société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la trésorerie de [Localité 18], dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la société [12], société anonyme, dont le siège est [Adresse 20],
6°/ à la société [17], société anonyme, dont le siège est [Adresse 19],
7°/ à la société [10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
8°/ à la société [21], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
9°/ à la société [11], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
10°/ à la société [16], société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [13], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mme Grandemange, M. Delbano, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Techer, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 décembre 2022), M. [O] a saisi une commission de surendettement des particuliers d'une demande de traitement de sa situation de surendettement.
2. Par un jugement du 14 décembre 2021, un juge des contentieux de la protection, statuant sur contestation de la société [13] (la société), a ordonné le rééchelonnement du paiement des dettes pendant 84 mois, avec effacement du solde des créances à l'issue.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 2284 et 2287 du code civil, L. 733-1, 1°, L. 733-3, L. 733-4, L. 733-7 et L. 733-13, alinéa 1er, du code de la consommation :
4. Aux termes du premier de ces textes, quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir.
5. Selon le deuxième, les dispositions du livre IV ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d'ouverture d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.
6. Selon le dernier, le juge saisi de la contestation des mesures imposées par la commission prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.
7. Selon le troisième, le juge peut notamment, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer le rééchelonnement du paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours.
8. Selon le quatrième, la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années. Les mesures peuvent cependant excéder la durée de 7 ans lorsqu'elles concernent le remboursement de prêts contractés pour l'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d'éviter la cession ou lorsqu'elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale.
9. Selon le cinquième, le juge peut prévoir :
1° En cas de vente forcée du logement principal du débiteur, grevé d'une inscription bénéficiant à un établissement de crédit ou à une société de financement ayant fourni les sommes nécessaires à son acquisition, la réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement après la vente, après imputation du prix de vente sur le capital restant dû, dans des proportions telles que son paiement, assorti d'un rééchelonnement calculé conformément au 1° de l'article L. 733-1, soit compatible avec les ressources et les charges du débiteur. La même mesure est applicable en cas de vente amiable dont le principe, destiné à éviter une saisie immobilière, et les modalités ont été arrêtés d'un commun accord entre le débiteur et l'établissement de crédit ou la société de financement.
2° L'effacement partiel des créances combiné avec les mesures mentionnées à l'article L. 733-1.
10. Le sixième dispose enfin que le juge peut imposer que les mesures prévues aux articles L. 733-1 et L. 733-4 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
11. Dans sa décision du 17 novembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en adoptant les dispositions de la loi dont sont issus les articles L. 733-4, L. 741-1 et L. 741-2 du code de la consommation, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général de règlement des situations de surendettement et que, par conséquent, compte tenu de l'objectif poursuivi et des garanties prévues, le législateur n'a pas, par les dispositions contestées, porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété (Cons. const., 17 novembre 2016, n° 2016-739 DC, § 75 et 79).
12. Il résulte de la combinaison de ces textes que la commission ne peut imposer une mesure d'effacement partiel des créances ou le juge du surendettement ordonner une telle mesure, sans la subordonner à la vente préalable par le débiteur du bien immobilier dont il est propriétaire.
13. Par exception, lorsque le bien immobilier appartenant au débiteur constitue sa résidence principale, un tel effacement peut ne pas être subordonné à la vente préalable du bien lorsque le débiteur établit qu'il se trouverait dans l'impossibilité manifeste, au regard de sa situation personnelle et professionnelle, de faire face au coût d'un éventuel relogement, sous réserve que sa situation ne soit pas irrémédiablement compromise au sens du premier alinéa de l'article L. 724-1 du code de la consommation.
14. Pour dire que la situation de surendettement du débiteur sera traitée par le rééchelonnement du paiement des dettes du débiteur sans intérêt pendant 84 mois, avec effacement du solde des créances à l'issue de cette période, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé que l'endettement, de 162 814 euros, est supérieur à la valeur de l'immeuble, estimée à 120 000 euros, que la vente de ce dernier, qui constitue la résidence principale du débiteur, ne permettrait pas d'apurer toutes les dettes et engendrerait le paiement d'un loyer et une augmentation significative des charges du débiteur. Il en déduit que la vente de l'immeuble ne serait pas opportune et ajoute que, compte tenu de l'importance de l'endettement et de la faiblesse de la capacité de remboursement du débiteur, les dettes ne pourront être apurées en totalité sur la durée maximale prévue par la loi de 84 mois.
15. En statuant ainsi, par des motifs étrangers aux dispositions des articles L. 733-1, 1°, L. 733-3, L. 733-4, L. 733-4, 2°, L. 733-7 et L. 733-13 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il fixe la capacité de remboursement de M. [O] à 360,88 euros, et dit que la situation de surendettement de M. [O] sera traitée par le rééchelonnement des créances sans intérêt pendant 84 mois, avec effacement du solde des dettes à l'issue de cette période prenant fin le 15 janvier 2029, entraîne la cassation des autres chefs de dispositif de l'arrêt, à l'exception de celui déclarant recevable la contestation de la société, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la contestation de la société [13] à l'encontre des mesures imposées par la commission, l'arrêt rendu le 22 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. [O], la société [15], la société [14], la trésorerie de [Localité 18], la société [12], la société [17], la société [10], la société [21], la société [11] et la société [16] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-deux mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.