SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 21 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 520 F-D
Pourvoi n° Q 22-18.984
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 MAI 2025
Mme [V] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-18.984 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Assistance synthèse ingéniérie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [U], de la SCP Boullez, avocat de la société Assistance synthèse ingéniérie, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022) et les productions, la société ASI (la société) a été placée en redressement judiciaire le 9 novembre 2016.
2. Mme [U] a été engagée à compter du 1er mars 2017, puis licenciée le 31 juillet 2017, pendant la période d'observation.
3. Un plan de redressement par voie de continuation a été adopté le 7 novembre 2017, M. [M], mandataire judiciaire chargé des créances salariales, ayant été maintenu en fonction.
4. La salariée a saisi, le 20 décembre 2017, la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre la société pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, de frais de transport, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son
contrat de travail, alors :
« 1°/ que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances prud'homales en cours à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur ; qu'aucune disposition ne prévoit cette mise en cause dans l'instance prud'homale introduite par le salarié postérieurement au jugement homologuant le plan de cession, contre son ancien employeur redevenu in bonis, peu important que son contrat de travail ait été conclu et/ou rompu avant ou après le jugement d'ouverture ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action intentée par une salariée, postérieurement au jugement homologuant le plan de continuation, que "les sommes éventuellement dues par l'employeur en
exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou continuation, au régime de la procédure collective ; il s'ensuit que même en présence d'un plan de continuation le demandeur, doit, à peine d'irrecevabilité, mettre en cause dans la procédure prud'homale les organes de la procédure et l'AGS", la cour d'appel a violé par fausse application les articles 31 et 369 du code de procédure civile, L. 625-3 du code de commerce, ensemble l'article 6 §.1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le commissaire à l'exécution du plan, qui ne représente pas le débiteur après l'arrêté du plan, ne peut agir que dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action intentée par une salariée, postérieurement au jugement homologuant le plan de continuation, contre le débiteur redevenu in bonis que : "les sommes éventuellement dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou continuation, au régime de la procédure collective ; il s'ensuit que même en présence d'un plan de continuation le demandeur, doit, à peine d'irrecevabilité, mettre en cause dans la procédure prud'homale les organes de la procédure et l'AGS" la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une atteinte à l'intérêt collectif des créanciers, a violé l'article L. 626-25 du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
3°/ que les dispositions de l'article L. 626-25, alinéa 3, du code de commerce suivant lesquelles les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan, ne concernent pas les instances introduites postérieurement à l'homologation du plan de continuation ; qu'après le jugement arrêtant le plan de redressement, l'action en paiement est valablement engagée contre le débiteur redevenu maître de ses biens, sans que le commissaire à l'exécution du plan ait qualité pour défendre à cette action ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action intentée par une salariée, postérieurement au jugement homologuant le plan de continuation, que : "les sommes éventuellement dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou continuation, au régime de la procédure collective ; Il s'ensuit que même en présence d'un plan de continuation le demandeur, doit, à peine d'irrecevabilité, mettre en cause dans la procédure prud'homale les organes de la procédure et l'AGS" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 626-25 du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
4°/ que le salarié qui, sans s'être vu opposer un refus de prise en charge
d'une créance figurant sur un relevé des créances salariales établi par le mandataire judiciaire, agit contre l'employeur redevenu in bonis pour contester le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et obtenir sa condamnation au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts n'est pas tenu, dès lors qu'il ne sollicite pas sa garantie, d'attraire l'AGS en la cause ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action intentée
par une salariée, postérieurement au jugement homologuant le plan de continuation, que : "les sommes éventuellement dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou continuation, au régime de la procédure collective ; il s'ensuit que même en présence d'un plan de continuation le demandeur, doit, à peine d'irrecevabilité, mettre en cause dans la procédure prud'homale les organes de la procédure et l'AGS", la cour d'appel a violé par fausse application l'article L.625-4 du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
5°/ que toute décision de justice doit être motivée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a retenu, pour déclarer irrecevable l'action intentée par une salariée,
postérieurement au jugement homologuant le plan de continuation, que : "les sommes éventuellement dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou continuation, au régime de la procédure collective ; il s'ensuit que même en présence d'un plan de continuation le demandeur, doit, à peine d'irrecevabilité, mettre en cause dans la procédure prud'homale les organes de la procédure et l'AGS" ; qu'en statuant de la sorte sans préciser ni la date du jugement d'ouverture, ni celle du jugement homologuant le plan de continuation, ni la nature et l'origine des "sommes éventuellement dues par l'employeur", la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 3253-19, 4°, du code du travail que les créances salariales nées d'un contrat de travail conclu et rompu en période d'observation doivent être portées sur le relevé des créances vérifiées par le mandataire judiciaire et visées par le juge commissaire.
7. Selon I'article L. 622-17 du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du code de commerce. Le paiement des créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail intervient en premier.
8. Aux termes de l'article L. 625-1 du code de commerce, après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-17 (devenu L. 3253-19) du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale. Le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.
9. Il en résulte que le mandataire judiciaire a qualité pour défendre, même après l'homologation du plan, à une action en contestation du relevé des créances salariales.
10. Il ressort de l'arrêt et des productions que l'action engagée par la salariée contre la seule société en paiement de créances se rapporte à l'exécution et la rupture du contrat de travail conclu au cours de la procédure de redressement judiciaire.
11. Il en résulte que, le litige portant sur des créances salariales nées pendant la période d'observation et qui restent soumises à la discipline collective, l'absence de mise en cause du mandataire judiciaire, demeuré en fonction le temps nécessaire à la vérification et à l'établissement définitif des créances, affecte la recevabilité de cette action.
12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er , et 1015 du code de procédure civile,
la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare les demandes de la salariée irrecevables.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.