CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 15 mai 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 447 F-D
Pourvoi n° Z 23-13.799
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-13.799 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [U] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 4], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 26 janvier 2023), M. [E] (l'assuré), qui a cotisé au régime général et a versé des cotisations au régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac prévu à l'article 59 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 (le RAVGDT), a demandé au régime des travailleurs indépendants de [Localité 3] (le RSI) la prise en compte des trimestres cotisés dans ce régime avant le 1er janvier 2018, pour le calcul de ses droits à pension de retraite.
2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 4] (la CARSAT), venant aux droits du RSI, ayant rejeté sa demande, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La CARSAT fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de l'assuré, alors « que, selon les articles 42 et 78 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire, pour l'application du code des pensions civiles et militaires de retraite, du code rural et de la pêche maritime et du code de sécurité sociale, le régime additionnel obligatoire d'allocations viagères aux gérants de débits de tabac prévu à l'article 59 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 pour 1963 ; que sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, cette disposition s'applique à compter du 1er janvier 2018 ; qu'il en résulte qu'à compter du 1er janvier 2018, la durée d'assurance validée par le RAVGDT au titre des cotisations versées avant le 1er janvier 2018 ne doit pas être prise en compte dans l'examen du droit à pension de l'assuré dans son régime de base obligatoire, sauf décisions passées en force de chose jugée admettant le contraire à cette date ; qu'en l'espèce, pour décider que les cotisations versées par l'assuré au titre du RAVGDT antérieurement au 1er janvier 2018, sur la période de 2002, 2003, 2006, 2007 et 2008, devaient être traitées comme ayant été versées au titre d'un régime de retraite de base obligatoire, l'arrêt énonce que c'est à partir du 1er janvier 2018 que s'appliquent les dispositions selon lesquelles le RAVGDT ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire et qu'antérieurement à cette date, il était considéré comme tel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 42 et 78 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 42 et 78 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 :
4. Selon ces textes, ne constitue pas un régime de retraite de base obligatoire, pour l'application du code des pensions civiles et militaires de retraite, du code rural et de la pêche maritime et du code de la sécurité sociale, le régime additionnel obligatoire d'allocations viagères aux gérants de débits de tabacs prévu à l'article 59 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963. Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, cette disposition s'applique à compter du 1er janvier 2018.
5. Il en résulte que la durée d'assurance validée par le RAVGDT ne doit pas être prise en compte dans l'examen du droit à pension de l'assuré dans son régime de base obligatoire.
6. Pour décider que les cotisations versées par l'assuré au RAVGDT au titre de l'année 2002 (pour un trimestre) et des années 2003, 2006, 2007 et 2008 (pour quatre trimestres chacune) doivent être prises en compte dans le calcul du droit à pension de l'assuré, l'arrêt énonce que les cotisations versées au titre de ce régime, antérieurement au 1er janvier 2018, doivent être traitées comme ayant été versées au titre d'un régime de retraite de base obligatoire.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4 et 5 que l'assuré doit être débouté de sa demande de prise en compte, pour le calcul de ses droits à pension de retraite, des cotisations versées avant le 1er janvier 2018 au titre du RAVGDT.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement et déclare recevable la demande de M. [E] à l'encontre de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail de [Localité 4], venant aux droits du régime social des indépendants de [Localité 3], l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉBOUTE M. [E] de sa demande de prise en compte, au titre du calcul de ses droits à pension de retraite, des cotisations versées avant le 1er janvier 2018 au titre du régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac, prévu à l'article 59 de la loi de finances pour 1963 ;
Condamne M. [E] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de [Localité 4], venant aux droits du régime des travailleurs indépendants de [Localité 3], et celle formée par M. [E] devant la cour d'appel ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le quinze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.