CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 15 mai 2025
Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 443 FS-D
Pourvoi n° Y 22-17.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025
La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 22-17.290 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [E] [B], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de Mme [B], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Reveneau, Hénon, conseillers, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mars 2022) et les productions, Mme [B] (la praticienne), docteur en médecine, exerçant en France une activité de médecin spécialiste à titre libéral, a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) à être autorisée à exercer son activité en secteur à honoraires différents (dit secteur 2).
2. Par décision du 10 octobre 2017, prise après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, la caisse lui a opposé un refus au motif qu'ayant exercé une activité d'assistante au sein d'un hôpital italien, sous statut libéral, elle n'avait pas « exercé à temps plein, pendant deux ans, dans des fonctions publiques hospitalières ».
3. Par un jugement du 3 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a dit que la praticienne a exercé par équivalence de titre le poste d'assistant des hôpitaux, lui donnant ainsi accès au secteur à honoraires différents.
4. Par un arrêt du 31 mars 2022, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement.
5. Pour accueillir la demande de la praticienne, l'arrêt énonce que le ressortissant d'un État membre, qui revendique le titre d'assistant des hôpitaux, doit justifier de l'expérience professionnelle correspondante, à savoir de l'exercice effectif et licite de la profession concernée dans l'État membre, peu important la nature de la relation de travail. Il relève que la praticienne avait, comme assistante à temps complet, effectué, pendant plus de deux années, des consultations et des interventions chirurgicales au sein d'un établissement hospitalier public italien, sous l'autorité d'un directeur, avec les mêmes contraintes que les assistants sous statut déjà en place et que si elle avait été recrutée en tant que professionnel libéral par « contrat autonome de type profession libérale », c'est en raison de l'absence de place ouverte au concours pour des motifs de restrictions budgétaires. Il en déduit que la praticienne a exercé dans les mêmes conditions qu'un assistant sous contrat de travail subordonné, peu important les termes du contrat.
6. Le 3 juin 2022, la caisse a formé un pourvoi en cassation (pourvoi n° 22-17.290) contre cet arrêt.
7. Elle lui fait grief de dire que la praticienne a exercé par équivalence de titre le poste d'assistant des hôpitaux, lui donnant ainsi accès au secteur à honoraires différents.
8. En premier lieu, la caisse conteste toute application au litige de la directive 2005/36/CE. Elle soutient qu'il résulte du considérant 38 de la directive que les règles relatives à l'accès des médecins conventionnés au secteur à honoraires différents, qui portent sur la tarification et la prise en charge des actes par l'assurance maladie, échappent à son domaine d'application.
9. En second lieu, elle soutient qu'en tout état de cause, la directive n'assimile pas, dans tous les cas, l'exercice d'une profession indépendante et l'exercice d'une profession salariée, et qu'il est exclu qu'un travailleur ayant exercé des activités médicales à titre indépendant puisse prétendre à l'équivalence d'un titre devant être acquis par un médecin lié par un contrat de travail à l'hôpital qui l'emploie.
Rappel des textes
Le droit de l'Union européenne
10. Selon l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. »
11. Par ailleurs, les différentes directives visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (directives 75/363/CEE du 16 juin 1975 et 93/16/CEE du 5 avril 1993) ont été remplacées par un instrument unique, la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui met en place un régime de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles dans l'Union européenne, notamment.
12. Il résulte des articles 1er et 4 de cette directive que l'objet essentiel de la reconnaissance mutuelle est de permettre au titulaire d'une qualification professionnelle d'accéder, dans l'État membre d'accueil, à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l'État membre d'origine et de l'y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux (CJUE, arrêt du 8 juillet 2021, Lietuvos Respublikos sveikatos apsaugos ministerija, C-166/20, point 25).
13. Le titre III de la directive 2005/36/CE prévoit trois grands régimes de reconnaissance :
- un régime de reconnaissance automatique s'appliquant aux professions dont les conditions minimales de formation sont harmonisées, à savoir notamment la profession de médecin (articles 21 et suivants),
- un régime de « reconnaissance de l'expérience professionnelle » instituant une reconnaissance automatique pour certaines professions artisanales, commerciales et industrielles (articles 16 et suivants),
- un « régime général de reconnaissance des titres de formation » (articles 10 et suivants) s'appliquant à toutes les autres professions et prévoyant les cas résiduels par référence à un « motif spécifique et exceptionnel ».
14. Au considérant 38 de la directive 2005/36/CE, il est précisé toutefois que « Les dispositions de la présente directive n'ont pas d'incidence sur la compétence des États membres en ce qui concerne l'organisation de leur régime national de sécurité sociale et la détermination des activités qui doivent être exercées dans le cadre de ce régime. »
Le droit national
15. Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis, aux termes de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes.
16. Depuis l'adoption de la convention nationale du 29 mai 1980, approuvée par arrêté du 5 juin 1980, les médecins adhérents à la convention peuvent exercer leur activité dans deux secteurs différents : le secteur 1, dans lequel ils s'engagent à pratiquer, hormis les dépassements pour contraintes particulières, des tarifs opposables et le secteur 2 (appelé secteur à honoraires différents), dans lequel ils peuvent, sous réserve de respecter la notion de tact et mesure, s'affranchir des tarifs réglementés, les patients n'étant remboursés que sur la base de la convention médicale de l'assurance maladie. On ajoutera qu'il existe également un secteur 3, plus résiduel, hors convention, où les honoraires sont libres mais où les patients ne sont pas remboursés par l'organisme social.
17. La convention nationale fait l'objet d'une approbation par un arrêté interministériel, ce qui lui confère le caractère d'un acte réglementaire, dont il appartient au juge civil de faire application (2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi n° 10-18.797, Bull. 2011, II, n° 111, ECLI:FR:CCASS:2011:C200931).
18. La convention nationale applicable au litige est la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, conclue le 25 août 2016 entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, d'une part, la [5], dite « [7] », la [4] et le syndicat [6], d'autre part, approuvée par un arrêté ministériel du 20 octobre 2016 (JORF n° 0248 du 23 octobre 2016, NOR : AFSS1629881A). Cette convention fixe notamment les conditions dans lesquelles l'exercice libéral de l'activité de médecin en secteur 2 est autorisé.
19. Elle énonce, en son article 38.1.1 que peuvent demander à être autorisés à pratiquer des honoraires différents, les médecins qui s'installent pour la première fois en exercice libéral dans le cadre de la spécialité qu'ils souhaitent exercer et sont titulaires de l'un des titres qu'il énumère, dont le titre hospitalier public d'« ancien assistant des hôpitaux dont le statut est régi par les articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique ».
20. Selon l'article 38.1.2 de cette convention, les médecins disposant de « titres acquis à l'étranger dans les établissements hospitaliers situés sur un territoire concerné par le régime de reconnaissance des qualifications professionnelles de l'Union européenne mise en place par la directive 2005/36 », peuvent également accéder au secteur à honoraires différents sous réserve, notamment, de la reconnaissance de l'équivalence de ces titres avec les titres hospitaliers publics définis à l'article précédent. Cette équivalence est reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie du lieu d'implantation du cabinet principal du médecin, après avis du Conseil national de l'ordre des médecins.
21. Les articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique définissent les conditions dans lesquelles les assistants des hôpitaux publics exercent leurs fonctions, moyennant émoluments forfaitaires mensuels.
22. L'article R. 6152-501 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur du 16 mars 2017 au 17 décembre 2021, issue du décret n° 2017-326 du 14 mars 2017 (art. 11 ; JORF n° 0063 du 15 mars 2017 ; NOR : AFSH1628932D), applicable au litige, précise que les médecins peuvent être recrutés en qualité d'assistant des hôpitaux dans les établissements publics de santé « dans les conditions définies par la présente section : 1° Dans les établissements publics de santé ; 2° Dans les établissements publics mentionnés au I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles. »
23. L'article R. 6152-504 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur depuis le 12 octobre 2015, issue du décret n° 2015-1260 du 9 octobre 2015 (art. 4 ; JORF n° 0236 du 11 octobre 2015 ; NOR : AFSH1519880D), précise que les assistants généralistes et les assistants spécialistes des hôpitaux exercent à temps plein ou à temps partiel des fonctions de diagnostic, de soins et de prévention ou assurent des actes pharmaceutiques ou biologiques au sein de l'établissement, sous l'autorité du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou de toute autre structure interne dont ils relèvent.
24. L'article R. 6152-510 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er avril 2015, issue du décret n° 2015-320 du 20 mars 2015 (art. 2 ; JORF n° 0069 du 22 mars 2015 ; NOR : AFSH1430302D) dispose que les assistants sont recrutés par contrat écrit passé avec le directeur de l'établissement public de santé.
25. Enfin, aux termes de l'article R. 6152-537 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur du 28 août 2014 au 1er septembre 2020, issue du décret n° 2014-963 du 22 août 2014 (art. 1 ; JORF n° 0197 du 27 août 2014 ; NOR : AFSH1412265D), pour porter le titre d'ancien assistant spécialiste des hôpitaux ou d'ancien assistant généraliste des hôpitaux, il est nécessaire de justifier de deux années de fonction effective respectivement en l'une ou l'autre de ces qualités.
26. La Cour de cassation exerce un contrôle des critères d'équivalence et procède à une interprétation stricte des dispositions qui régissent la distinction des secteurs tarifaires (Soc., 13 janvier 2000, pourvoi n° 98-14.078, Bulletin civil 2000, V, n° 23, ECLI:FR:CCASS:2000:SO00254 ; 2e Civ., 14 juin 2005, pourvois n° 04-30.540, 04-30.623, Bull. 2005, II, n° 153, ECLI:FR:CCASS:2005:C200978 ; 2e Civ., 8 novembre 2006, pourvoi n° 05-14.352, Bull. 2006, II, n° 306, ECLI:FR:CCASS:2006:C201739 ; 2e Civ., 22 septembre 2011, pourvoi n° 10-25.253, ECLI:FR:CCASS:2011:C201569 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.772, Bull. 2016, II, n° 157, ECLI:FR:CCASS:2016:C201011 ; 2e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.756, ECLI:FR:CCASS:2017:C200884 ; 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-20.498 ECLI:FR:CCASS:2022:C200374).
Motifs justifiant le renvoi préjudiciel
Sur le champ d'application de la directive 2005/36 CE
27. En premier lieu, la procédure de reconnaissance automatique de la directive 2005/36 CE s'applique aux titres de formation des médecins, dont la liste est fixée à son annexe V. Cependant, le titre d'assistant des hôpitaux n'est pas mentionné à cette annexe.
28. Par ailleurs, les dispositions des articles 16 et suivants de la directive, figurant dans le chapitre II « reconnaissance de l'expérience professionnelle » portent sur les activités énumérées à l'annexe IV, laquelle ne concerne pas les médecins.
29. Se pose, dès lors, la question de savoir si le titre d'assistant des hôpitaux correspond à un « titre de formation » ou à une « expérience professionnelle » au sens de la directive.
30. En second lieu, se pose la question de savoir si le considérant 38 de la directive 2005/36/CE, rappelé au paragraphe 14, est de nature à exclure toute application de la directive dans un litige en matière de sécurité sociale mettant en jeu l'application d'une convention nationale portant sur les conditions d'accès à un secteur tarifaire pour l'exercice de l'activité libérale de médecin.
31. La Cour de cassation a jugé, en se référant à un considérant, rédigé dans les mêmes termes, de la directive 93/16 du 5 avril 1993 visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, qu'était « mal fondé le moyen tiré de la violation de cette directive, en tant qu'il est dirigé contre des décisions refusant d'admettre au bénéfice d'un régime particulier de tarification et de prise en charge par l'assurance maladie les actes accomplis en France par un médecin ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne » (2e Civ., 3 avril 2003, pourvoi n° 01-21.266, Bull. 2003, II, n° 101 ECLI:FR:CCASS:2003:C200429).
32. Le litige pose ainsi une question sérieuse relative à l'interprétation de la directive 2005/36/CE quant à son champ d'application.
33. La réponse n'apparaît pas dans la jurisprudence des juridictions de l'Union européenne.
34. Il y a lieu, en conséquence, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur ce point.
Sur l'article 49 du TFUE
35. Dans l'hypothèse où la directive 2005/36/CE ne trouverait pas à s'appliquer au litige, la Cour de cassation s'interroge également sur les conséquences qui devraient être tirées de l'application des dispositions de l'article 49 du TFUE.
36. Par décision du 1er octobre 2004, le Conseil d'État a jugé que la fixation par des autorités publiques du tarif des actes des professionnels de santé conventionnés n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, par elle même, à la libre prestation de service et à la liberté d'établissement garanties par le Traité instituant la Communauté européenne (CE, 1re et 6e sous-sections réunies, 1er octobre 2004, n° 261746, 262084, 262085, 262095, M. [D] et autres). Il a également précisé, par une décision du 30 novembre 2005, que l'obligation de respecter les tarifs opposables est justifiée par l'objectif de maintien d'une médecine libérale accessible à tous et assurant un juste équilibre entre la qualité des soins et leur coût, dans un but de protection de la santé (CE, 1re et 6e sous-sections réunies, 30 novembre 2005, n° 278291, 278869, 279320, 279345, 279439, 279515, 279536, Syndicat des médecins d'[Localité 2] et région et autres).
37. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, il résulte de l'article 49 du TFUE qu'il incombe aux autorités d'un État membre, saisies d'une demande d'autorisation, présentée par un ressortissant communautaire, d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d'expérience pratique, de prendre en considération l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé, en procédant à une comparaison entre, d'une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d'autre part, les connaissances et qualifications exigées par la législation nationale (CJCE, arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89, point 16 ; CJCE, arrêt du 14 septembre 2000, Hocsman, C-238/98, points 23 et 35 ; CJUE, arrêt du 8 juillet 2021, Lietuvos Respublikos sveikatos apsaugos ministerija, C-166/20, points 34 et 38 ; CJUE, arrêt du 3 mars 2022, Sosiaali- ja terveysalan lupa- ja valvontavirasto C-634/20, point 38), même lorsqu'une directive relative à la reconnaissance mutuelle des diplômes a été adoptée pour la profession en cause, mais que l'application de cette directive ne permet pas d'aboutir à la reconnaissance automatique du ou des titres du demandeur (CJCE, arrêt du 22 janvier 2002, Dreessen, n° C-31/00, point 31).
38. Par ailleurs, la Cour de justice a dit pour droit que le droit de l'Union européenne s'oppose à une réglementation nationale refusant de reconnaître les qualifications professionnelles sur la seule base de la fonction ou du statut de l'intéressé tel que défini par la législation nationale (CJUE, arrêt du 17 décembre 2020, Onofrei, C-218/19, points 31 à 38 ; CJUE, arrêt du 10 septembre 2015, Commission c. Lettonie, C-151/14, point 73 ; CJUE, arrêt du 15 mars 2018, Commission c. République tchèque, C-575/16, point 56).
39. Elle a également dit pour droit que le droit de l'Union européenne s'oppose à toutes les mesures qui, même applicables sans discrimination tenant à la nationalité, interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice de la liberté qu'il garantit (CJUE, arrêt du 11 juillet 2024, [8], C-598/22, point 48) et que de telles mesures ne peuvent être admises qu'à la condition qu'elles poursuivent un objectif d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi (CJUE, arrêt du 20 décembre 2017, Simma Federspiel, C-419/16, points 38, 40 et 42 ; CJUE arrêt du 28 janvier 2016, Casta e.a., C-50/14, EU:C:2016:56, points 60 et 61 ; CJUE, grande chambre, arrêt du 1er juin 2010, [G] [S] et [C] [W], C-570/07, point 122).
40. La question se pose, dès lors, de savoir si l'article 49 du TFUE s'oppose à ce qu'une réglementation nationale aboutisse à refuser, à un médecin ayant obtenu une qualification dans un établissement hospitalier d'un autre État membre de l'Union européenne, l'accès au secteur à honoraires différents de sécurité sociale, au motif que l'activité professionnelle de ce médecin dans cet établissement hospitalier a été exercée à titre libéral et non sous le statut d'agent contractuel de droit public exerçant des fonctions dans des établissements publics de santé.
41. La réponse à cette interrogation ne s'imposant pas avec une évidence telle qu'elle ne laisserait place à aucun doute raisonnable, il convient de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un renvoi préjudiciel en application de l'article 267 du TFUE.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :
1°/ La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles doit-elle être interprétée en ce sens qu'entre dans son champ d'application la réglementation nationale prévoyant les modalités d'accès au secteur à honoraires différents de sécurité sociale d'un médecin ayant obtenu une qualification dans un établissement hospitalier d'un autre État membre de l'Union européenne ?
2°/ Si une telle réglementation ne relève pas de la directive 2005/36/CE, l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'oppose-t-il à ce que cette réglementation aboutisse à refuser à un médecin ayant obtenu une qualification dans un établissement hospitalier d'un autre État membre de l'Union européenne, l'accès au secteur à honoraires différents de sécurité sociale (secteur 2), au motif que l'activité professionnelle de ce médecin dans ledit établissement hospitalier a été exercée à titre libéral ?
SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Renvoie la cause et les parties à l'audience de formation de section du 10 décembre 2025 ;
DIT qu'une expédition du présent arrêt ainsi que le dossier de l'affaire, comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le quinze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.