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14/05/2025 | FRANCE | N°24-11.639

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai 2025, 24-11.639


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 317 F-D

Pourvoi n° X 24-11.639







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025

1°/ Mme [M] [S],

2°/ M. [X] [B],

tous d

eux domiciliés [Adresse 2],

3°/ M. [O] [B], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° X 24-11.639 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1...

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 317 F-D

Pourvoi n° X 24-11.639







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025

1°/ Mme [M] [S],

2°/ M. [X] [B],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ M. [O] [B], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° X 24-11.639 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.



Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [S] et de MM. [X] et [O] [B], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2023), les 7 et 21 novembre 2018, [G] [B] a conclu avec l'Association pour le développement des initiatives citoyennes et européennes (ADICE), bénéficiant d'un agrément délivré par l'Agence du service civique (ASC), une convention pour la réalisation, au titre du service civique, d'un projet de mobilité internationale au sein de l'association marocaine Issaaf Jerada solidarité et développement qui devait se dérouler du 21 novembre 2018 au 20 mai 2019 et un contrat d'engagement pour une mission d'appui aux activités pédagogiques, culturelles et artistiques organisées par cette association au profit d'enfants et de jeunes marocains. Le 23 novembre 2018, un accord de partenariat a été conclu entre l'ADICE, l'association Issaaf Jerada solidarité et développement et [G] [B] qui, à son arrivée au Maroc, a été hébergée dans un logement mis à disposition par l'association marocaine.

2. Le [Date décès 1] 2018, [G] [B] est décédée dans ce logement, son décès ayant été attribué à une intoxication au monoxyde de carbone.

3. Après avoir saisi la juridiction administrative d'une demande de condamnation de l'Etat au paiement de différentes sommes en réparation de leurs préjudices, laquelle s'est par jugement du 27 mai 2019, déclarée incompétente, ses parents, Mme [M] [S] et M. [X] [B], sa grand-mère, Mme [I] [S] et son frère, M. [O] [B] (les consorts [B]-[S]) ont, le 24 juillet 2019, assigné en responsabilité et indemnisation l'Etat, pris en la personne du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. L'Agent judiciaire de l'Etat (l'AJE) est volontairement intervenu à l'instance.

Examen du moyen


Enoncé du moyen

4. Les consorts [B]-[S] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors :

« 1°/ que le volontaire qui accomplit, dans le cadre du service civique, une "mission d'intérêt général reconnue prioritaire pour la Nation", consistant à appuyer l'équipe pédagogique d'une association marocaine, dans le cadre d'"activités pédagogiques", culturelles et artistiques auprès d'enfants et de jeunes marocains », notamment à travers "l'organisation et la mise en oeuvre de cours de français", ainsi que la "participation au suivi et à l'évaluation finale des bénéficiaires", participe à une mission de service public d'enseignement, en vue de favoriser la diffusion de la langue et le rayonnement de la culture françaises ; qu'en retenant le contraire, pour refuser la qualification de collaborateur du service public à [G] [B], la cour d'appel a violé l'article L. 120-1 du code du service national, ensemble la règle de droit public suivant laquelle la responsabilité de la puissance publique peut être mise en cause - toute recherche d'une faute étant exclue - lorsque le collaborateur occasionnel d'un service public ou ses ayants droit ont subi un dommage ;

2°/ que le volontaire qui accomplit, dans le cadre du service civique, une "mission d'intérêt général reconnue prioritaire pour la Nation", consistant à appuyer l'équipe pédagogique d'une association marocaine, dans le cadre d' "activités pédagogiques, culturelles et artistiques auprès d'enfants et de jeunes marocains", notamment à travers "l'organisation et la mise en oeuvre de cours de français", ainsi que la "participation au suivi et à l'évaluation finale des bénéficiaires", participe à une mission de service public d'enseignement en vue de favoriser la diffusion de la langue et le rayonnement de la culture françaises ; que, pour refuser la qualification de collaborateur du service public à [G] [B], la cour d'appel a affirmé que l'enseignement du français à de jeunes étrangers, sur un territoire étranger et en dehors du cadre scolaire, au sein d'une association privée de droit étranger, certes agréée pour l'accueil de volontaires du service civique mais non sous la tutelle d'un ministère français, et non au sein d'une école, un collège, un lycée ou un établissement d'enseignement supérieur français, seuls établissements relevant des missions de service public du ministère de l'éducation nationale, est indépendant du service public de l'enseignement ; qu'en statuant ainsi, quand une mission relevant du service public de l'enseignement peut être exécutée, à l'étranger, au sein d'une structure associative locale, dès lors que celle-ci est soumise à l'agrément de l'autorité administrative française, qui contrôle qu'elle dispose "d'une organisation et des moyens compatibles avec la formation, l'accompagnement et la prise en charge des volontaires qu'ils envisagent d'accueillir ou de mettre à disposition" (art. R. 121-33 du code du service national), et qui peut lui retirer son agrément si elle constate que cette structure fait courir "un danger immédiat pour la santé ou la sécurité" du jeune en service civique (art. R. 121-45 du code du service national), la cour d'appel a violé l'article L. 120-1 du code du service national, ensemble la règle de droit public suivant laquelle la responsabilité de la puissance publique peut être mise en cause - toute recherche d'une faute étant exclue - lorsque le collaborateur occasionnel d'un service public ou ses ayants droit ont subi un dommage ;

3°/ que l'Autorité du service civique délivre un agrément aux organismes d'accueil du volontaire en service civique, après avoir contrôlé - notamment - que ceux-ci "proposent des missions d'intérêt général reconnues prioritaires pour la nation et justifient de leur capacité à les exercer dans de bonnes conditions", qu'ils "disposent, y compris lorsque les missions se déroulent à l'étranger, d'une organisation et des moyens compatibles avec la formation, l'accompagnement et la prise en charge des volontaires qu'ils envisagent d'accueillir ou de mettre à disposition" et qu'ils "présentent un budget en équilibre et une situation financière saine dans la limite des trois derniers exercices clos […]" (art. R. 121-33 du code du service national) ; que "les organismes agréés rendent compte à l'autorité administrative ayant délivré l'agrément, pour chaque année écoulée, de leurs activités au titre du service civique et, le cas échéant, de celles de leurs associations, syndicats ou mutuelles membres selon le cas ou de leurs établissements secondaires ou de personnes morales tierces qui ont bénéficié d'une mise à disposition de volontaires" (art. R. 121-43 du code du service national) ; que "l'autorité administrative ayant délivré l'agrément peut à tout moment contrôler les conditions d'exercice de la mission […]" et "les organismes doivent tenir à cet effet à la disposition de cette autorité les documents probants ou les pièces justificatives nécessaires" (art. R. 121-44 du code du service national) ; qu'enfin, les agréments peuvent faire l'objet d'un retrait, notamment "lorsque l'une des conditions relatives à sa délivrance n'est plus satisfaite", "en cas d'atteinte à l'ordre public ou à la moralité publique ou de non-respect des obligations générales qui incombent à l'organisme", "ou pour un motif grave tiré de la violation du contrat d'engagement de service civique ou de volontariat associatif conclu avec une personne volontaire ou de conditions d'accueil ou d'exercice des activités constituant un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers" (art. R. 121-45 du code du service national) ; qu'en affirmant néanmoins que, "si l'Autorité du service civique contrôle la mise en oeuvre du service civique, elle n'a pas compétence pour contrôler l'organisation des missions accomplies par les volontaires ni le fonctionnement des organismes agréés", pour en déduire que l'activité de [G] [B] restait mise en oeuvre et contrôlée par l'Adice et l'association locale marocaine qui l'accueillait, "hors le contrôle des pouvoirs publics français" et qu'"aucune de ces associations ne [relevait] des pouvoirs publics français au-delà de leur agrément pour accueillir les volontaires du service civique", quand l'Autorité du service public exerce, au contraire, un contrôle sur le fonctionnement des organismes d'accueil français et étrangers, et sur l'organisation des missions des volontaires, tant dans le cadre de la procédure d'agrément, que dans le cadre de son pouvoir de surveillance annuelle de l'activité des organismes, et de son pouvoir de sanction par le retrait de l'agrément délivré, la cour d'appel a violé les articles L. 120-1, R. 121-33, R. 121-43, R. 121-44 et R. 121-45 du code du service national, ensemble la règle de droit public suivant laquelle la responsabilité de la puissance publique peut être mise en cause - toute recherche d'une faute étant exclue - lorsque le collaborateur occasionnel d'un service public ou ses ayants droit ont subi un dommage ;

4°/ que, lorsqu'elle délivre un agrément à un organisme d'accueil, l'Autorité du service civique contrôle qu'il dispose "y compris lorsque les missions se déroulent à l'étranger, d'une organisation et des moyens compatibles avec la formation, l'accompagnement et la prise en charge des volontaires qu'ils envisagent d'accueillir ou de mettre à disposition" (art. R. 121-33 du code du service national) ; qu'elle "peut à tout moment contrôler les conditions d'exercice de la mission" du volontaire (art. R. 121-44 du code du service national) ; qu'enfin, elle peut retirer l'agrément si elle constate des "conditions d'accueil ou d'exercice des activités constituant un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers" (art. R. 121-45 du code du service national) ; qu'en affirmant néanmoins que
"l'Etat français n'avait […] aucun contrôle sur le logement mis à la disposition de [G] [B] par l'association Issaaf Jerada au Maroc, sous la responsabilité de celle-ci", quand l'Autorité de service civique dispose, au contraire, du pouvoir de contrôler, en amont, dans le cadre de la procédure d'agrément, comme en aval, lors de l'exécution de la mission par le volontaire, les conditions d'accueil dans lesquels il exerce sa mission, et notamment le logement mis à sa disposition, la cour d'appel a violé les articles L. 120-1, R. 121-33, R. 121-44 et R. 121-45 du code du service national, ensemble la règle de droit public suivant laquelle la responsabilité de la puissance publique peut être mise en cause - toute recherche d'une faute étant exclue - lorsque le collaborateur occasionnel d'un service public ou ses ayants droit ont subi un dommage ;

5°/ que la qualité de collaborateur occasionnel du service public est reconnue au volontaire dont la coopération au service public a été, même tacitement, acceptée par l'autorité administrative ; que, outre son pouvoir de contrôle, de surveillance et de sanction sur les organismes d'accueil du volontaire en service civique, l'Autorité du service civique a plus généralement pour mission de "promouvoir et de valoriser le service civique auprès notamment des publics concernés, des organismes d'accueil et d'orientation des jeunes, des établissements d'enseignement et des branches professionnelles", de "favoriser la mise en relation des personnes intéressées par un service civique avec les personnes morales agréées proposant un contrat de service civique" et de "contrôler et d'évaluer la mise en oeuvre du service civique" (art. L. 120-2 du code du service national) ; que, pour refuser la qualification de collaborateur du service public à [G] [B], la cour d'appel a affirmé que ni "l'Etat, ni aucune personne publique n'intervient pour solliciter les participants ni même pour accepter la collaboration du volontaire en service civique", et que "cette acceptation relève de la compétence d'associations, certes agréées par un ministère de l'Etat pour accueillir des volontaires au titre de missions d'intérêt général reconnues prioritaires pour la Nation", "mais non de l'Etat lui-même", et que "l'Etat, d'ailleurs, n'est pas partie à la convention de mobilité ni au contrat d'engagement de service civique, conclus entre l'Adice et [G] [B], ni au Partnership Agreement, conclu entre l'Adice, l'association Issaaf Jerada et la jeune fille" ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte, au contraire, des missions et pouvoirs confiés à l'Autorité du service civique, placée sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, que l'Etat accepte, et même encourage activement, la collaboration des volontaires dans le cadre du service civique, la cour d'appel a violé les articles L. 120-1 et L. 120-2 du code du service national, ensemble la règle de droit public suivant laquelle la responsabilité de la puissance publique peut être mise en cause - toute recherche d'une faute étant exclue - lorsque le collaborateur occasionnel d'un service public ou ses ayants droit ont subi un dommage. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, relèvent seuls de la compétence de la juridiction judiciaire les litiges relatifs aux contrats de service civique ou de volontariat associatif.

6. En second lieu, dès lors que, se fondant sur l'examen des contrats conclus avec les associations ADICE et Issaaf Jerada Solidarité et Développement, la cour d'appel a relevé que la mission confiée à [G] [B], bien que d'intérêt général, ne relevait pas du service public de l'enseignement, qu'elle était accomplie en exécution de ces contrats et sous la responsabilité des associations, sans intervention de l'Etat, que l'intéressée, dont le statut s'apparentait à celui d'un étudiant, n'était pas placée sous l'autorité et le contrôle de celui-ci ni de l'ASC mais de ses cocontractants, de sorte qu'accomplie hors tout service public, cette mission ne pouvait conférer à [G] [B] la qualité de collaborateur occasionnel ou permanent du service public, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté les demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] [S] et MM. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-11.639
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris H1


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai. 2025, pourvoi n°24-11.639


Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.11.639
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