CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 314 F-D
Pourvoi n° Z 23-22.953
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [H] [B] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 janvier 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025
Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-22.953 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant à M. [H] [B] [P], domicilié [Adresse 3] (Italie), défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, avocat de Mme [Y], de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [B] [P], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 septembre 2023), le 25 avril 2019, M. [B] [P], ayant consenti, par convention verbale, à Mme [Y] un prêt à usage d'un appartement, l'a assignée en résiliation de ce prêt, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [Y] fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; que le terme du prêt au sens de ce texte renvoie non seulement au terme explicite, qu'il soit précisément fixé ou fixé par référence à un événement déterminé, mais également au terme implicite, c'est-à-dire au terme naturel prévisible déterminable par référence à un usage ponctuel convenu ; qu'en retenant, pour juger que M. [B] [P] était en droit de mettre fin au prêt de l'appartement, que le prêt avait été consenti sans qu'aucun terme n'ait été convenu entre les parties ni ne soit prévisible, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'un terme naturel prévisible déterminable par référence à un usage ponctuel convenu, privant sa décision de base légale au regard des articles 1888 et 1889 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; que le terme du prêt au sens de ce texte renvoie non seulement au terme explicite, mais également au terme implicite, c'est-à-dire au terme naturel prévisible déterminable par référence à un usage ponctuel convenu, qu'en retenant, pour juger que M. [B] [P] était en droit de mettre fin au prêt de l'appartement, que le prêt avait été consenti sans qu'aucun terme n'ait été convenu entre les parties ni ne soit prévisible, cependant qu'elle avait retenu que le prêt du logement au bénéfice de Mme [Y] avait été effectué afin que celle-ci puisse venir se soigner dans un établissement adapté, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1888 et 1889 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; qu'aux termes de l'article 1889 du code civil, si, pendant ce délai, ou avant que le besoin de l'emprunteur ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de sa chose, le juge peut, suivant les circonstances, obliger l'emprunteur à la lui rendre ; qu'en retenant, pour juger que M. [B] [P] était en droit de mettre fin au prêt de l'appartement, que lorsqu'aucun terme convenu ni prévisible n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent tel qu'un appartement, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable, la cour d'appel a violé les articles 1888 et 1889 du code civil ;
4°/ qu'à supposer que, lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable, cette faculté n'existe toutefois pour le prêteur qu'à la condition qu'aucun terme naturel soit prévisible ; qu'en jugeant que la chose prêtée était d'un usage permanent pour lequel aucun terme naturel n'était prévisible au seul motif qu'il s'agissait d'un prêt d'appartement, et qu'un tel prêt serait par nature permanent et dénué de terme naturel prévisible, alors même qu'elle avait retenu que l'état de santé de l'emprunteur, Mme [Y], gravement malade, en l'occurrence atteinte du VIH, et la nécessité pour elle de bénéficier des soins continus prodigués à l'hôpital d'[Localité 1], avaient motivé ce prêt, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, la privant de base légale au regard des articles 1888 et 1889 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Après avoir constaté que M. [B] [P] avait mis à disposition de Mme [Y], de nationalité italienne, l'appartement en considération de l'état de santé de celle-ci afin de lui permettre de recevoir des soins adaptés dans un établissement hospitalier en France, la cour appel a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le prêt à usage consenti sans terme convenu avait un caractère permanent, sans qu'aucun terme naturel, tel que le décès de l'intéressée, soit prévisible.
4. Sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, elle en a exactement déduit que M. [B] [P] était en droit de mettre fin au contrat à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.