SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 507 F-D
Pourvoi n° C 23-22.105
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
La société Clinique [3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-22.105 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à Mme [M] [N], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Clinique [3], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2023), Mme [N] a été engagée le 6 novembre 2006 en qualité de psychologue clinicienne par la société Clinique [3].
2. Elle a été élue le 6 avril 2016 membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail et le 28 décembre 2017, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, irrecevable en sa deuxième branche et qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation pour le surplus.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée devait bénéficier d'une valorisation de sa qualification professionnelle au statut cadre B à compter du 1er février 2017, de dire que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul, de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de salaire sur la base d'une classification statut cadre niveau B coefficient 380 à compter du mois de février 2017 et des congés payés afférents, de rappel de salaire sur prime de politique salariale à compter du mois de février 2017, d'indemnité pour violation de son statut protecteur et des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts en réparation du préjudice psychologique subi du fait du harcèlement moral, et à lui remettre sous astreinte un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conforme aux condamnations prononcées, alors « que selon l'article 44 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, l'ancienneté s'entend comme le temps pendant lequel le salarié, lié par un contrat de travail, a été occupé dans l'entreprise et les périodes d'arrêt maladie de droit commun ne sont pas considérées comme des temps pendant lesquels le salarié est occupé dans l'entreprise ; qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait dit que Mme [N] devait bénéficier d'une valorisation de sa qualification professionnelle au statut cadre B à compter du 1er février 2017, et en estimant que les périodes d'absence de Mme [N] pour arrêt maladie de droit commun devraient être considérées comme des périodes de présence dans l'entreprise pour le calcul de l'ancienneté, la cour d'appel a violé l'article 44 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 44 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 :
6. Selon ce texte, l'ancienneté, pour l'application des dispositions de ladite convention collective, s'entend comme le temps pendant lequel le salarié, lié par un contrat de travail, a été occupé dans l'entreprise, quelles que puissent être les modifications intervenues dans la nature juridique de cette dernière, et sont considérées comme temps de présence continue dans l'établissement, pour le calcul de l'ancienneté, les périodes assimilées légalement à du temps de travail effectif.
7. Pour dire que la salariée devait bénéficier d'une valorisation de sa qualification professionnelle au statut cadre B à compter du 1er février 2017 et condamner l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt retient que les périodes d'absences pour maladie de droit commun ont été prises en compte par l'employeur pour apprécier l'ancienneté nécessaire chez cette salariée pour accéder au coefficient supérieur pour la période antérieure au mois de février 2016, et que, si l'employeur avait maintenu ce mode de décompte, la salariée aurait dû accéder au niveau B du statut cadre à compter du mois de février 2017, compte tenu de son ancienneté et des dispositions de l'article 95 de la convention collective applicable.
8. L'arrêt en conclut qu'il est acquis que la salariée n'a pas accédé au niveau B à compter du mois de février 2017 en raison d'un changement par l'employeur, plus défavorable, dans l'appréciation de l'ancienneté requise.
9. En statuant ainsi, en intégrant dans le calcul de l'ancienneté les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie ou accident de droit commun, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation des chefs de dispositif disant que la salariée devait bénéficier d'une valorisation de sa qualification professionnelle au statut cadre B à compter du 1er février 2017 et condamnant l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de salaire sur la base d'une classification statut cadre niveau B coefficient 380 à compter du mois de février 2017 et des congés payés afférents, et de rappel de salaire sur prime de politique salariale à compter du mois de février 2017 n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt disant que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul et condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice psychologique subi du fait du harcèlement moral.
11. La cassation prononcée n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la prise d'acte par Mme [N] de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul, condamne la société Clinique [3] à payer à Mme [N] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice psychologique subi du fait du harcèlement moral, déboute Mme [N] de sa demande en dommages-intérêts pour manquement de la société Clinique [3] à son obligation légale de sécurité, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.