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07/05/2025 | FRANCE | N°23-19.264

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation de section, 07 mai 2025, 23-19.264


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 273 FS-B

Pourvoi n° Q 23-19.264

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 octobre 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le s...

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 273 FS-B

Pourvoi n° Q 23-19.264

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 octobre 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 23-19.264 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [X] [T], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à Mme [V] [T], épouse [R], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi principal, trois moyens de cassation, et à l'appui du pourvoi additionnel, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Crédit foncier de France, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [X] [T], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, substituée à l'audience par M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Corneloup, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Rennes, 7 février 2023 et 31 mai 2023), à la suite d'une offre de prêt viager hypothécaire du 15 juillet 2008, le Crédit foncier de France (la banque) a consenti, par acte notarié du 10 septembre 2008, un prêt viager hypothécaire à [O] [T] (l'emprunteuse).

2. L'emprunteuse est décédée le [Date décès 2] 2017, laissant pour héritières ses deux filles, Mmes [X] [T], épouse [Z] et [V] [T] épouse [R].

3. N'ayant pas été réglée de sa créance, la banque a fait délivrer à chacune d'elles un commandement de payer valant saisie immobilière, puis les a fait assigner, les 24 et 26 septembre 2019, en vente forcée de l'immeuble.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal dirigé contre l'arrêt du 31 mai 2023 et le pourvoi additionnel dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 7 février 2023

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi principal, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ni sur le moyen unique du pourvoi additionnel qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler la clause d'anatocisme insérée à l'acte authentique de prêt viager hypothécaire du 10 septembre 2008, alors :

« 1°/ que revêt un caractère interprétatif de dispositions anciennes le texte qui se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant, qu'une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, de sorte qu'il s'applique aux contrats en cours à sa date d'entrée en vigueur ; que la loi du 4 août 2008 présente un caractère interprétatif puisqu'elle reconnaissait simplement un droit préexistant pour n'avoir pas été exclu, celui d'inclure une clause d'anatocisme dans les contrats de prêts viagers hypothécaires ; qu'en jugeant que le contrat était soumis aux dispositions antérieures à la loi du 4 août 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 314-1 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

2°/ qu'aucun texte n'interdit aux parties à un prêt viager hypothécaire de prévoir une clause de capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil ; que si la capitalisation annuelle des intérêts dans le prêt viager hypothécaire a été expressément reconnue par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 applicable à compter du 6 août 2008, cela ne signifie pas pour autant que ladite capitalisation des intérêts aurait été antérieurement exclue dans le cadre de ce mécanisme ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1154 du code civil en sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 314-1, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :

6. Aux termes du premier de ces textes, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

7. Le second dispose que « [l]e prêt viager hypothécaire est un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d'un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l'emprunteur à usage exclusif d'habitation et dont le remboursement-principal et intérêts capitalisés annuellement ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils surviennent avant le décès. »

8. Dès lors qu'aucune disposition spéciale du code de la consommation ne faisait obstacle, avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, à l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil aux intérêts échus durant le cours d'un prêt viager hypothécaire, l'adjonction par cette loi, au sein de l'article L. 314-1 du code de la consommation, de la mention relative à la capitalisation des intérêts, revêt un caractère purement interprétatif.

9. Pour annuler la clause d'anatocisme, l'arrêt relève que la capitalisation annuelle des intérêts dans le prêt viager hypothécaire, dont le régime est d'ordre public, a été rendu possible par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 applicable à compter du 6 août 2008 et, constatant qu'à la date de l'offre de prêt le 15 juillet 2008, cette capitalisation n'était pas autorisée, il en déduit qu'elle ne pouvait être insérée à l'acte authentique de prêt établi par devant notaire le 10 septembre 2008 et qu'étant entachée de nullité elle est réputée non écrite.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, de fixer à la somme de 64 000 euros sa créance en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2008, date du contrat, alors « que la cassation à intervenir du chef du deuxième moyen de cassation portant sur la nullité de la clause d'anatocisme emportera cassation du chef de dispositif ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts en raison de ce que le TEG prenait en considération la capitalisation annuelle des intérêts, stipulée par une clause précédemment annulée, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, entraîne la cassation par voie de conséquence de la disposition de l'arrêt, critiquée par le troisième moyen, qui a prononcé la déchéance du droit aux intérêts en raison de ce que le TEG prenait en considération la capitalisation annuelle des intérêts.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la clause d'anatocisme insérée à l'acte authentique de prêt viager hypothécaire du 10 septembre 2008, prononce la déchéance du droit aux intérêts et fixe à la somme de 64 000 euros la créance du Crédit foncier de France en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2008, l'arrêt rendu le 31 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mme [X] [T], épouse [Z] et Mme [V] [T], épouse [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-19.264
Date de la décision : 07/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation de section, 07 mai. 2025, pourvoi n°23-19.264, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.19.264
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