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07/05/2025 | FRANCE | N°23-14.896

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation de section, 07 mai 2025, 23-14.896


CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 418 FS-B

Pourvoi n° S 23-14.896




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

M. [E] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 2

3-14.896 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Generali vie, société anonyme, dont le si...

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 418 FS-B

Pourvoi n° S 23-14.896




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

M. [E] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-14.896 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Generali vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [Z], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Generali vie, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, M. Gervais de Lafond, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Salomon, conseillers, M. Ittah, Mme Philippart, M. Riuné, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 décembre 2022) et les productions, afin de garantir le paiement d'un prêt immobilier, M. [Z] (l'assuré) a adhéré en 2007 au contrat d'assurance souscrit par la banque auprès de la société Generali vie (l'assureur). Le contrat prévoyait notamment des garanties « incapacité totale ou partielle de travail » et « invalidité permanente totale ».

2. Un arrêt de travail a été prescrit à l'assuré à compter du 10 novembre 2012.

3. L'assureur a pris en charge les mensualités du prêt au titre de l'incapacité totale de travail mais, le 23 juin 2017, a informé l'assuré de la cessation des garanties au motif que son médecin expert l'avait estimé consolidé et lui avait attribué un taux d'invalidité permanente inférieur au taux de 66 % ouvrant droit à la garantie.

4. L'assuré a obtenu la désignation d'un expert judiciaire puis a assigné l'assureur devant un tribunal à fin d'exécution du contrat.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de son moyen tiré de la nullité de la clause d'exclusion de garantie, de le débouter de sa demande d'interprétation tendant à dire que l'invalidité est exclue si elle a pour cause exclusive des affections cardiaques, vasculaires et des conséquences neurologiques du diabète sur le fondement de l'article L. 211-11 du code de la consommation et de le débouter de sa demande de condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 36 234,30 euros au titre des mensualités couvrant la période du 19 juillet 2019 au 15 mars 2022, outre les échéances postérieures au titre de la garantie invalidité, alors « qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis permettant à l'assuré de connaître l'étendue exacte de la garantie et nécessite interprétation ; qu'en l'espèce, la clause d'exclusion stipule que sont exclues « l'incapacité de travail et (…) l'invalidité totale ou partielle liées aux affections cardiaques, vasculaires et aux conséquences neurologiques du diabète » ; qu'elle ne précise pas si, en cas d'invalidité multifactorielle, l'exclusion ne s'applique qu'à condition de trouver son origine exclusivement dans une des affections listées ou si elle s'applique au contraire dès lors qu'une des affections listées a joué un rôle, même non exclusif ; qu'en considérant que la clause « ne contient pas l'adverbe exclusivement » et qu'« il suffit, en cas d'invalidité multifactorielle, qu'une des affections listées relatives au diabète joue un rôle pour que l'exclusions s'applique », la cour d'appel a procédé à l'interprétation de la clause d'exclusion ; qu'en jugeant néanmoins que la clause était claire, limitée et formelle, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

7. L'arrêt rappelle que le contrat exclut « l'incapacité de travail et l'invalidité totale ou partielle liées aux affections cardiaques ou vasculaires et aux conséquences neurologiques du diabète ».

8. Il retient que cette clause, qui ne contient pas l'adverbe exclusivement, est claire et formelle en ce qu'il suffit, en cas d'invalidité multi-factorielle, qu'une des affections listées relatives au diabète joue un rôle pour que l'exclusion s'applique.

9. La cour d'appel, qui a exactement retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse ne nécessitait pas interprétation, en a déduit à bon droit qu'elle était formelle et devait recevoir application.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de son moyen tiré du caractère abusif de la clause de garantie invalidité totale et permanente et de le débouter de sa demande de condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 36 234,30 euros au titre des mensualités couvrant la période du 19 juillet 2019 au 15 mars 2022, outre les échéances postérieures au titre de la garantie invalidité, alors « que, dans les contrats entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que si l'appréciation du caractère abusif ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, ce n'est que pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; que l'arrêt retient que selon le contrat d'assurance emprunteur, l'invalidité permanente totale « est composée de divers éléments, soit de première part, une réduction permanente totale entraînant une inaptitude de l'assuré à toute activité procurant gain ou profit et, de seconde part, un taux devant être supérieur ou égal à 66 % résultant du croisement de l'incapacité fonctionnelle et l'incapacité professionnelle de l'assuré par application d'un tableau auquel il est expressément renvoyé », qu'il ajoute qu'« il ne s'agit donc pas de s'arrêter au premier terme de la définition pour le confronter au deuxième terme en alléguant une contradiction mais de caractériser chacune des étapes pour arriver au résultat final » et qu'il admet que « la clause présente un certain degré de complexité » ; qu'en jugeant que la clause de garantie invalidité totale et permanente était claire et compréhensible et qu'elle ne présentait aucun caractère abusif, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations qu'elle était ambiguë, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :

12. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui définissent l'objet principal du contrat pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

13. Pour rejeter les demandes de l'assuré, l'arrêt, après avoir retenu que l'invalidité permanente totale est définie par la notice comme la « réduction permanente totale rendant l'assuré inapte à toute activité lui procurant gain ou profit, en raison d'un handicap physique ou psychique résultant d'une maladie ou d'un accident. Le taux d'invalidité doit être supérieur ou égal à 66 %. Ce taux est déterminé par voie d'expertise médicale à l'aide des taux d'incapacité permanente personnelle et professionnelle figurant au tableau intégré dans le contenu des garanties », énonce qu'il ressort de cette définition que l'invalidité permanente totale est composée, d'une part, d'une réduction permanente totale entraînant une inaptitude de l'assuré à toute activité procurant gain ou profit, d'autre part, d'un taux devant être supérieur ou égal à 66 % résultant du croisement de l'incapacité fonctionnelle et de l'incapacité professionnelle de l'assuré par application d'un tableau auquel il est expressément renvoyé.

14. Il ajoute que si la clause présente un certain degré de complexité, en suivant la méthode de la définition, elle ne présente aucune difficulté de compréhension.

15. Il précise que le taux d'invalidité s'obtenant par le croisement des incapacités fonctionnelle et professionnelle présentées par l'assuré, le tableau, indispensable pour comprendre qu'aucune garantie n'est due lorsque l'un quelconque des taux à combiner est inférieur à un certain seuil, assure une compréhension claire et précise à l'assuré et n'encourt aucun grief.

16. L'arrêt en déduit que la clause, claire et compréhensible, ne nécessite aucune interprétation et qu'elle ne présente aucun caractère abusif.

17. En statuant ainsi, alors que la clause litigieuse, qui porte sur l'objet principal du contrat et prévoit que l'invalidité n'est garantie que si elle égale ou excède un certain taux, déterminé en fonction des taux d'incapacité permanente fonctionnelle et professionnelle figurant à un tableau joint, ne contient aucune définition de ces deux incapacités, ni d'élément permettant de comprendre le calcul du taux d'invalidité lorsque ces incapacités ne sont pas évaluées en dizaines, de sorte qu'elle ne comporte pas les informations suffisantes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le calcul du taux d'invalidité déterminant l'octroi de la rente et n'est, dès lors, pas claire et compréhensible, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant, d'une part, qu'il « déboute M. [Z] de son moyen » tiré du caractère abusif de la clause de garantie invalidité totale et permanente, le « déboute de son moyen tiré du caractère incompréhensible » de cette clause, d'autre part, qu'il déboute M. [Z] de sa demande de condamnation de la société Generali vie à lui payer la somme de 36 234,30 euros au titre des mensualités couvrant la période du 19 juillet 2019 au 15 mars 2022, outre les échéances postérieures au titre de la garantie invalidité, l'arrêt rendu le 13 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Generali vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali vie et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-14.896
Date de la décision : 07/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble 01


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation de section, 07 mai. 2025, pourvoi n°23-14.896, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.14.896
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