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06/05/2025 | FRANCE | N°23-18.958

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 23-18.958


SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Rejet


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 431 F-D

Pourvoi n° H 23-18.958




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

La société Cetip, société anonyme, don

t le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-18.958 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :

1°...

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Rejet


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 431 F-D

Pourvoi n° H 23-18.958




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

La société Cetip, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-18.958 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cetip, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 mai 2023), M. [R] a été engagé, en qualité de gestionnaire confirmé, à compter du 1er mars 2017 par la société Igestion puis son contrat de travail a été transféré à la société Cetip (la société).

2. Licencié pour faute grave le 30 août 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement et en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner le remboursement par la société à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités, et de la débouter de ses demandes plus amples ou contraires, alors :

« 1°/ que l'employeur a pour obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements dégradant à connotation sexuelle et attentatoire à la dignité, au besoin en procédant au licenciement du salarié auteur de tels agissements ; que constitue ainsi une faute grave justifiant le licenciement tout comportement d'un salarié de nature sexiste ou sexuelle à l'égard d'autres salariés ; qu'en l'espèce, M. [R] a été licencié pour avoir adopté à l'égard d'une de ses collègues de sexe féminin un comportement inconvenant, notamment des propos répétés à connotation ouvertement sexuelle ("Tu m'as bien cerné la dernière fois, je suis un pervers mais un pervers gentil", "On va faire un bébé métisse ensemble"), et une attitude harcelante consistant à la suivre sur le chemin de son trajet travail/domicile en dépit de son refus réitéré ; qu'en écartant la faute grave alors qu'il ressort de ses propres constatations qu'étaient établis le fait que le salarié a proposé le 25 juillet 2019 à sa collègue et supérieure, Mme [H], de prendre un verre avec elle "de manière insistante", qu'il lui avait imposé sa présence sur son trajet de retour dans le train jusqu'à [Adresse 6] en dépit de son refus, qu'une autre collègue également présente à la demande de Mme [H] "a trouvé le salarié « insistant »", et que M. [R] a déclaré en public le 7 août 2019 devant ses collègues que dorénavant il n'accepterait de n'ouvrir que les courriels de Mme [H] à caractère "personnel" par une allusion toute à fait déplacée, circonstances de nature à caractériser un harcèlement sexuel constitutif d'une telle faute grave et à tout le moins d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1153-1, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1142-2-1 du code du travail ;

2°/ que, selon les témoignages de Mme [H] et de Mme [Y], M. [R] a décidé, en dépit du refus réitéré de Mme [H], de la suivre de son lieu de travail de [Localité 4] jusqu'au centre commercial de [Adresse 6] le soir du 25 juillet 2019 ; qu'outre le témoignage de Mme [H] dans lequel elle fait état du comportement de harcèlement sexuel du salarié, Mme [Y] indique également dans son attestation qu' "[X] attendait [S] assis sur le bureau de [Localité 7] pour aller prendre un verre avec elle ; invitation que [S] a décliné devant moi. Mais [X] continuait d'insister et a donc décidé de faire le chemin avec [S] et moi. Arrivée à [Adresse 6], je les ai laissés et je suis allée prendre le RER. Une heure plus tard, je rappelais [S] pour savoir si elle était bien rentrée chez elle. Je trouvais l'insistance d'[X] déplacée" ; qu'une telle attitude du salarié consistant à imposer à sa collègue de rentrer avec elle lors de son trajet de retour en train le soir du 25 juillet 2019 puis, une fois arrivé à destination, de la suivre pendant œ heure au centre commercial [Adresse 6], en dépit du refus clairement exprimé par cette dernière à plusieurs reprises, et à faire preuve d'une insistance déplacée pendant ce trajet, caractérisaient un agissement de harcèlement sexuel et à tout le moins une atteinte aux droits et à la dignité de Mme [H] ; que pour écarter la faute grave l'arrêt s'est fondé néanmoins, d'une part, sur le prétexte selon lequel M. [R] "devait ce jour-là la retrouver à [Adresse 6] pour dîner, sa mère résidant à proximité", cependant que la circonstance qu'il ait retrouvé le même soir sa mère résidant à [Localité 5], ville au demeurant plus proche géographiquement du lieu de travail que du quartier d'affaires [Adresse 6], ne l'autorisait pas à attendre sa collègue à la fin de sa journée de travail, à lui imposer de faire le trajet en train avec elle jusqu'à [Adresse 6] en dépit de son refus réitéré, et à se montrer particulièrement "insistant" durant ce trajet au point de susciter l'inquiétude de son autre collègue alors présente, Mme [Y], qui a rappelé le soir même Mme [H] ; que de même il est retenu par l'arrêt, pour écarter la faute grave, que Mme [H] se serait contredite lors du dépôt de sa main courante auprès du commissariat, parlant de bus et non de RER, et que l'entente s'avérait jusqu'alors bonne entre les deux salariés, circonstances tout autant insusceptibles d'exonérer M. [R] de ses manquements des 25 juillet et 7 août 2019 ; qu'aussi en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à écarter le harcèlement sexuel et la faute grave du salarié, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1153-1, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1142-2-1 du code du travail ;

3°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que pour écarter le harcèlement sexuel et la faute grave en découlant, la cour d'appel s'est fondée sur les motifs selon lesquels il ne serait pas établi que M. [R] s'était rendu avec Mme [H] à [Adresse 6] dans la seule intention de la "suivre" ce dernier devant rejoindre sa mère, que ses propos du 7 août 2019 relatifs à son refus d'ouvrir les courriels de Mme [H] autres que "personnel" avaient été tenus "sur le ton de la plaisanterie", qu'il n'était pas établi que le salarié était alcoolisé le soir du 25 juillet 2019, que Mme [H] s'était contredite dans sa main-courante auprès du commissariat, et que l'entente s'avérait jusqu'alors bonne entre les deux salariés ; qu'en statuant ainsi sans aucunement s'expliquer sur les témoignages de Mme [H] faisant état, d'une part, de la peur qu'a suscité pour elle le comportement et les allusions menaçantes de M. [R] le 25 juillet 2019 ("Étant presque tétanisée de le voir insister à me suivre, j'ai pris la décision de tourner dans le centre commercial afin qu'il ne me suive pas jusqu'à mon domicile à [Localité 8]. Mon quartier se trouve à 5 minutes de [Adresse 6]", "Je sais où tu habites, je t'accompagne, je connais un pote qui vit dans ton quartier, Viens, on va boire un verre, Viens, on va faire un bébé métisse") et, d'autre part, des propos de M. [R] à son égard s'avérant pour certains à connotation ouvertement sexuelle ("Tu devrais essayer de boire un verre avec moi, ça nous fera du bien.", "Je sens qu'il y a quelque chose entre nous, de cette manière çà va briser la glace", "Je reste ici jusqu'à la fin de ton service et on va aller boire un verre ensemble.", "Je ne bouge pas, on va aller boire un verre ensemble.", "Tu m'as bien cerné la dernière fois, je suis un pervers mais un pervers gentil", "On va faire un bébé métisse ensemble"), la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le moyen, sous le couvert de griefs de violation de la loi, de défaut de base légale et de défaut de motivation, ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine de la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a retenu que les faits reprochés au salarié n'étaient pas établis, les juges du fond n'ayant pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties ni à s'expliquer sur les pièces qu'ils décident d'écarter.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cetip aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cetip ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-18.958
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 17


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°23-18.958


Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.18.958
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