La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2025 | FRANCE | N°23-14.978

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 23-14.978


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 435 F-D

Pourvoi n° F 23-14.978




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

M. [Y] [W], domicilié [Adresse 2]

, a formé le pourvoi n° F 23-14.978 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Citya Bai...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 435 F-D

Pourvoi n° F 23-14.978




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

M. [Y] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-14.978 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Citya Baie des Anges, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Tordo - TSM immogestion, exerçant sous l'enseigne Citya Tordo, défenderesse à la cassation.

La société Citya Baie des Anges a formé un pourvoi incident.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Citya Baie des Anges, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 janvier 2023), M. [W] a été engagé en qualité de directeur, le 13 janvier 2014, par la société Tordo-TSM immogestion, exerçant sous l'enseigne Citya Tordo, devenue la société Citya Baie des Anges.

2. Licencié pour faute grave par lettre du 27 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement, de demandes en paiement de diverses sommes subséquentes ainsi que de demandes en nullité ou en inopposabilité de la clause de non-concurrence.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal du salarié

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que la clause de non-concurrence est valable et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'une contrepartie financière dérisoire de la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle ; qu'est dérisoire la contrepartie financière fixée à 15 % de la rémunération brute d'un salarié directeur d'agence, statut cadre, lorsque la clause de non-concurrence a une durée de deux ans et porte sur un secteur géographique très large, étendu aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir'' ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le montant de la contrepartie financière était ''certes modeste pour un cadre'' avant de considérer que ''si la contrepartie financière apparaît modeste au regard du statut de cadre du salarié, elle demeure proportionnée aux restrictions géographiques limitées apportées à la liberté de travail'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;

2°/ qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise quant à sa limitation géographique et qui ne permet pas au salarié, au moment de la conclusion du contrat de travail, de connaître le secteur réellement protégé ; qu'au cas présent, la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail du salarié s'étendait aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera ramené à intervenir'' ; qu'une telle clause ne permettait pas au salarié de connaître le secteur réellement protégé au moment de la conclusion de son contrat de travail ; qu'en jugeant au contraire que la clause était ''claire, précise, et le secteur géographique auquel elle est limitée est aisément déterminable, dès qu'elle s'étend aux départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir et qu'elle se retrouve ainsi limitée au périmètre d'activité du salarié'', tandis que le salarié n'était pas en mesure, en présence d'une telle clause, de connaître, à la date de la signature de son contrat de travail, le secteur qui sera à l'avenir automatiquement intégré et protégé par ladite clause, la cour d'appel a violé l'article 1121-1 du code du travail ;

3°/ qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise quant à sa limitation géographique ; qu'est imprécise et nulle la clause de non-concurrence qui s'étend aux ''départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir'' et qui doit être interprétée ; qu'en l'espèce, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, la cour d'appel a énoncé que ''la clause est bien limitée dans le temps : 2 ans et dans l'espace : les Alpes maritimes car la société Tordo ayant son siège à [Localité 3], [le salarié] n'est intervenu que dans le département des Alpes maritimes. L'essentiel étant que la limitation géographique soit déterminable (…) Le conseil étant souverain dans l'appréciation des faits, considère que la contrepartie financière n'est pas dérisoire car la clause de non-concurrence du salarié s'applique sur un seul département et non pas plusieurs'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a interprété la clause de non-concurrence pour en déduire qu'elle ne s'appliquait que sur un seul département ; qu'en écartant pourtant la nullité de la clause de non-concurrence, tandis que cette dernière n'était pas claire et précise et devait être interprétée quant à sa délimitation géographique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1121-1 du code du travail ;

4°/ que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'est nulle la clause de non-concurrence qui est imprécise et a pour effet de mettre le salarié dans l'impossibilité d'exercer une activité normale conforme à son expérience professionnelle ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir qu'il avait toujours travaillé dans le secteur de l'immobilier et exerçait depuis plus de 10 ans comme directeur, de sorte que la clause lui interdisait de travailler dans un emploi conforme à sa formation et à ses connaissances ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si la clause de non-concurrence était illicite car disproportionnée en ce qu'elle empêchait le salarié de travailler dans un emploi conforme à sa formation et à ses connaissances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, est limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

6. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, dont elle a déduit que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail ne faisait pas obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle par le salarié, que la contrepartie financière prévue n'était pas dérisoire et était proportionnée à la mesure de l'interdiction et qu'elle était justifiée tant par ses limites géographique et temporelle que par la nécessité de protéger les intérêts de l'entreprise.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors « que la société fondait son action principalement sur la clause de non-concurrence et subsidiairement -pour le cas où la clause aurait été jugée illicite comme le demandait le salarié- sur le droit commun de la concurrence déloyale ; qu'après avoir jugé que la clause de non-concurrence était licite, la cour d'appel avait l'obligation de s'assurer qu'elle n'a pas été violée par le salarié postérieurement à la rupture de son contrat de travail comme l'affirmait la société ; qu'en déboutant la société de sa demande au motif qu'elle n'était pas fondée sur la violation de la clause de non-concurrence la cour d'appel a méconnu l'objet de la demande tel qu'il résultait des prétentions de la société, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

10. Pour débouter la société de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, l'arrêt retient que, s'il est établi que le salarié a, postérieurement à la rupture du contrat de travail, commis un acte de démarchage, au profit d'une entreprise concurrente, d'une copropriété gérée par son ancien employeur, ce dernier n'a pas fondé sa demande dirigée contre son ancien salarié sur la violation de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail.

11. En statuant ainsi, alors que l'employeur faisait valoir que le salarié avait violé sa clause de non-concurrence puisqu'il avait concurrencé immédiatement la société Tordo sur [Localité 3] en travaillant pour le compte de la société CDS Gestion, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Citya Baie des Anges de sa demande en dommages-intérêts pour concurrence déloyale et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-14.978
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence 17


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°23-14.978


Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.14.978
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award