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06/05/2025 | FRANCE | N°23-14.492

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 23-14.492


SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 429 F-D

Pourvoi n° C 23-14.492


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

La société Losange, société par

actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-14.492 contre l'arrêt rendu le 21 février 2023 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile, ...

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 429 F-D

Pourvoi n° C 23-14.492


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

La société Losange, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-14.492 contre l'arrêt rendu le 21 février 2023 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile, sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [I] [X], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Losange, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 février 2023), M. [X] a été engagé, en qualité de responsable d'édition à compter du 1er octobre 2015 par la société Losange (la société).

2. Par lettre du 17 novembre 2017, la société lui a notifié un avertissement.

3. Licencié pour faute grave le 6 août 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour que son licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner d'office, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle emploi le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées du jour de la rupture du contrat de travail au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ que, si le harcèlement moral exercé par un salarié envers d'autres salariés ne constitue ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'il est établi que cette situation était encouragée par l'employeur, il en est autrement lorsque le salarié, qui occupe une position hiérarchique importante, a persisté dans un comportement caractéristique de harcèlement moral envers les salariés sous sa subordination, ce malgré un avertissement et plusieurs sommations de modifier sans délai son management toxique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que les attestations de plusieurs salariés concordent pour relever un comportement excessivement autoritaire, dénué ou manquant d'empathie, rigide et rugueux de la part de M. [X], qui dévalorisait et exerçait une pression importante sur certains salariés dont il n'était pas satisfait, voire les ''cassait'' psychologiquement et que ce management inadapté a été à l'origine d'une souffrance au travail pour près de la moitié des salariés de l'établissement de [Localité 3] où le salarié exerçait ses fonctions ; qu'elle a également relevé que M. [X] avait été sanctionné d'un avertissement, jugé fondé, du fait de ce comportement mais qu'il a persisté dans cette attitude toxique qui a nui à la santé de plusieurs salariés, ce malgré les sommations de l'employeur de traiter ses subordonnés avec humanité et respect ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement de M. [X] n'était fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, aux motifs inopérants que M. [Y] avait eu une attitude ambiguë, voire flottante dans la mesure où il avait indiqué à M. [X] qu'il gardait toute confiance en ses qualités professionnelles, quand il se déduisait au contraire des circonstances précitées que le harcèlement moral de M. [X] envers ses subordonnés constituait une faute grave dès lors que ce comportement s'inscrivait dans le cadre d'une réitération des faits fautifs malgré un avertissement et avait entraîné une dégradation importante des conditions de travail et de l'état de santé de plusieurs salariés et que l'employeur avait bien ordonné à M. [X] de cesser immédiatement ses agissements et de se comporter avec davantage d'humanité et de respect, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du même code ;

2°/ qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ; que le manquement de l'employeur à ses obligations, notamment de sécurité et de formation, ne dispense pas le salarié de ses propres obligations en la matière ; que commet une faute grave le salarié qui occupe une position hiérarchique importante et persiste dans un comportement caractéristique de harcèlement moral envers les salariés sous sa subordination malgré un avertissement et plusieurs sommations de modifier sans délai son comportement managérial toxique, quand bien même son employeur aurait manqué à ses obligations en s'abstenant de réaliser une enquête sur les faits de harcèlement et n'a pas assisté ou formé le salarié dans l'exercice de ses fonctions managériales ; qu'en jugeant en l'espèce que le licenciement de M. [X] n'était fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, aux motifs que M. [Y] n'avait pas pris la peine, même de façon séparée, d'entendre les chefs de service ainsi que la secrétaire des services généraux sur la situation de souffrance au travail, qu'il n'avait pas organisé d'audit social ni fait appel à des intervenants extérieurs pour obtenir la photographie la plus précise et sincère possible des causes de la dégradation des conditions de travail au sein de la société Losange et qu'il n'avait pas aidé, assisté, formé ou contrôlé M. [X] dans l'exercice de ses fonctions managériales, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à écarter la faute grave du salarié, dont le comportement persistant et répété avait nui à la santé de ses collègues en violation de l'obligation de sécurité qui pesait sur lui, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4122-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1152-1 et L. 4122-1 du code du travail :

5. Il résulte des trois premiers de ces textes que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

6. Selon le quatrième, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

7. Il résulte du dernier que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire cesser notamment les risques liés au harcèlement moral.

8. Pour dire que la persistance d'un management inadapté du salarié après le 17 novembre 2017 ne constituait ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que l'avertissement du 17 novembre 2017 est régulier, justifié et proportionné en ce que les faits reprochés sont établis par les attestations de salariés décrivant un comportement excessivement autoritaire, dénué ou manquant d'empathie, rigide et rugueux qui dévalorisait et exerçait une pression importante sur certains salariés dont il n'était pas satisfait, voire les « cassait » psychologiquement et que les explications du salarié consistant essentiellement à pointer l'absentéisme et le manque d'ardeur au travail, voire l'insubordination, d'une salariée ainsi que la cabale menée par une partie des salariés pour se débarrasser de lui, ne sont pas de nature à contredire les témoignages concordants ainsi que les constatations médicales, quant à l'existence d'un management inadapté du salarié à l'origine d'une souffrance au travail pour près de la moitié des salariés de l'établissement, ce qui est constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat de travail.

9. Il relève ensuite qu'il est établi qu'après le 17 novembre 2017, le management du salarié a continué à causer une situation de souffrance au travail pour certains salariés, dénoncée par deux salariées, les syndicats et le médecin du travail.

10. Il ajoute que, dans le cadre de ses obligations, l'employeur devait non seulement protéger la santé de ses salariés, particulièrement celle de ceux ayant dénoncé une situation de souffrance au travail, mais également permettre au salarié de modifier son management de façon à faire cesser une situation déjà sanctionnée le 17 novembre 2017.

11. Il retient que, cependant, l'attitude de l'employeur a été ambiguë, voire flottante et que, tenu d'effectuer une enquête interne sérieuse, il n'est pas justifié qu'il aurait entendu les chefs de service ainsi que la secrétaire des services généraux sur la situation de souffrance au travail ni organisé d'audit social, ni fait appel à des intervenants extérieurs ou mis en place de médiation et enfin que l'employeur n'a pas aidé, assisté ou contrôlé le salarié dans l'exercice des fonctions managériales après le 17 novembre 2017.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, même après l'avertissement notifié le 17 novembre 2017, les méthodes de management du salarié avaient continué à causer une situation de souffrance au travail, dénoncée notamment par certains salariés et le médecin du travail, ce qui était de nature, quelle qu'ait pu être l'attitude de l'employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [X] de sa demande d'annulation de l'avertissement prononcé le 17 novembre 2017, l'arrêt rendu le 21 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-14.492
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°23-14.492


Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.14.492
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