SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 6 mai 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 461 F-D
Pourvoi n° P 23-13.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société Etablissements ASC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-13.375 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [G], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Compagnie des 2l, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Etablissements ASC, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Etablissements ASC du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Compagnie des 2l.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2022), M. [G] a été engagé en qualité de laborantin, le 19 septembre 1983, par la société Pellorce et Jullien, nouvellement dénommée la société Compagnie des 2l et au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de responsable de fabrication marrons, agent de maîtrise, et exerçait ses fonctions dans des locaux de fabrication situés à [Localité 4] (91).
3. Le 31 janvier 2018, la société Pellorce et Jullien a cédé à la société Etablissements ASC (la société), la branche de son activité où était affecté le salarié dont le contrat de travail a été poursuivi par la société cessionnaire.
4. Le contrat de travail a été rompu le 12 avril 2018, à l'issue du délai de réflexion dont il disposait, après son adhésion, le 3 avril 2018, au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
5. Contestant cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui verser diverses sommes à titre de rappel d'indemnité de licenciement, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à titre de congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de quatre mois des indemnités versées sous déduction de la contribution par elle versée à Pôle emploi pour financer le contrat de sécurisation professionnelle et de lui enjoindre de produire au salarié un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt, alors « que le juge, qui doit respecter le principe du contradictoire, ne peut relever d'office un moyen sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en l'espèce, M. [G] n'a jamais soutenu, dans ses écritures reprises oralement à l'audience, que la société Etablissements ASC aurait dû lui envoyer une lettre de licenciement l'informant du motif économique de son licenciement ; la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que l'employeur "ne justifie pas lui avoir adressé au moins dans les sept jours de l'entretien préalable une lettre de licenciement indiquant les raisons l'ayant conduit à décider de la modification du contrat de travail et le fait que le licenciement intervient à la suite de son refus de voir le contrat modifié" pour juger le licenciement de M. [G] sans cause réelle et sérieuse, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
7. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
8. Pour dire le licenciement non fondé, l'arrêt relève d'abord que selon l'article L. 1235-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement de moins de dix salariés dans une même période de dix jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué.
9. Il constate ensuite, que la société a convoqué le salarié à un entretien préalable le 9 mars 2018, l'entretien a eu lieu le 22 mars 2018, il lui a proposé des postes au titre de son obligation de reclassement le 29 mars 2018, le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 3 avril 2018 et a reçu le solde de tout compte le 12 avril 2018.
10. Il en déduit que la société qui a licencié le salarié pour motif économique ne justifie pas lui avoir adressé au moins dans les sept jours de l'entretien préalable une lettre de licenciement indiquant les raisons l'ayant conduit à décider de la modification du contrat de travail et le fait que le licenciement intervient à la suite de son refus de voir le contrat modifié.
11. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'application de l'article L. 1235-15 du code du travail, quand le contrat de travail avait été rompu par l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieur de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.