N° R 24-84.382 FS-B
N° 00429
SL2
30 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025
Mme [I] [O], épouse [C], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 juillet 2024, qui, dans l'information suivie, notamment, contre elle des chefs d'abus de confiance et blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 17 octobre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [I] [O], épouse [C], les observations de la SCP Spinosi, avocat de la Fondation [2] et de M. [G] [C], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Wyon, Samuel, de Lamy, Mme Clément, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, M. Micolet, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 20 juillet 2009, l'administrateur provisoire de la Fondation [2] (la Fondation) a dénoncé des faits constatés au cours de son mandat, susceptibles de constituer les délits d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance, commis au préjudice de la Fondation.
3. Le 27 juillet 2009, une information a été ouverte contre personne non dénommée, suivie de réquisitoires supplétifs les 12 décembre 2017 et 26 juin 2018, des chefs d'abus de confiance, recel d'abus de confiance, et blanchiment d'abus de confiance.
4. Une demande d'entraide pénale internationale a été envoyée aux Etats-Unis le 6 janvier 2020, suivie d'un complément de demande le 4 février 2021 puis le 10 mars 2023, demandes accompagnées d'ordonnances de perquisition et saisie.
5. Le 13 avril 2023, Mme [O] a été mise en examen aux Etats-Unis des chefs d'abus de confiance et blanchiment.
6. Le 10 octobre 2023, elle a déposé une requête en nullité, sollicitant l'annulation de plusieurs actes de procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'interrogatoire de première comparution à l'issue duquel Mme [O] a été mise en examen, ainsi que de l'ensemble des actes subséquents, alors :
« 1°/ que si le juge d'instruction français peut, en vertu de l'article 9 de la Convention d'entraide régissant les rapports entre la France et les Etats-Unis d'Amérique en date du 10 décembre 1998, assister aux auditions dont il demande l'exécution aux autorités étatsuniennes, il ne peut pas, sans excéder ses pouvoirs, procéder à un acte de procédure, telle une mise en examen, sur le territoire des Etats-Unis ; qu'en écartant la nullité de l'interrogatoire de première comparution à l'issue duquel Mme [O] avait été mise en examen cependant que cet acte avait été diligenté, par les magistrats français, sur le territoire des Etats-Unis, la chambre de l'instruction a violé cet article 9 de la convention précitée de la convention précitée et les articles 93 et 93-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 93-1 du code procédure pénale :
9. Il résulte de ce texte que, si les nécessités de l'instruction l'exigent, le juge d'instruction, agissant dans le cadre d'une commission rogatoire adressée à un Etat étranger et avec l'accord des autorités compétentes de l'Etat concerné, lorsqu'il se transporte avec son greffier sur le territoire de cet Etat, ne peut procéder lui-même qu'à des auditions.
10. Pour écarter le moyen de nullité de l'interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen de Mme [O] auquel il a été procédé par le juge d'instruction français sur le territoire des Etats-Unis, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que l'article 1er du Traité de coopération entre la France et les Etats-Unis du 10 décembre 1998, prévoyant une entraide la plus large possible, permet de demander un acte d'enquête qui ne serait pas visé expressément dans le traité, ce dernier n'ayant pas vocation à préciser tous les actes prévus dans les législations des deux pays.
11. Les juges retiennent que l'article 9 de ce traité, en ce qu'il ne constitue pas une liste limitative des actes possibles mais évoque certaines procédures particulières, n'interdit nullement un interrogatoire de première comparution.
12. Ils relèvent qu'un soit-transmis en date du 12 avril 2023 a été adressé par les magistrats instructeurs aux autorités américaines dans le cadre des demandes d'entraide pénale sollicitant l'autorisation de procéder à l'interrogatoire de première comparution de Mme [O] lors de leur déplacement à [Localité 1] et qu'il mentionne l'accord des autorités judiciaires américaines pour qu'ils procèdent eux-mêmes à cet interrogatoire en langue française.
13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
14. En effet, si la lettre du traité ne prévoit pas que le juge d'instruction instrumente sur le territoire des Etats-Unis, les autorités américaines ne se sont pas opposées à la demande des juges d'instruction de procéder eux-mêmes à l'interrogatoire de première comparution à [Localité 1] de Mme [O].
15. Toutefois, si l'audition au sens de l'article 93-1 du code de procédure pénale s'entend aussi d'un interrogatoire, ce texte exclut de son champ d'application l'interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen, acte créateur de droits et rendant possible la comparution devant une juridiction pénale.
16. Il en résulte que les juges d'instruction français ne pouvaient, sans méconnaître cette disposition, se transporter aux Etats-Unis aux fins de procéder eux-mêmes à l'interrogatoire de première comparution de Mme [O] suivi de sa mise en examen.
17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen de Mme [O] et aux actes subséquents. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 juillet 2024, mais en ses seules dispositions relatives à l'interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen de Mme [O] et aux actes subséquents, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.