CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 265 F-B
Pourvoi n° S 23-14.643
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
Le département des Côtes d'Armor, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-14.643 contre l'arrêt rendu le 8 février 2023 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre de la securité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction régionale des finance publiques (DRFIP) de la région Bretagne et du département Ille et Vilaine, dont le siège est [Adresse 3], représentée par son directeur régional pris en qualité de curateur de la succession de [M] [R], décédé,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat du département des Côtes d'Armor, de la SCP Foussard et Froger, avocat de direction régionale des finance publiques (DRFIP) de la région Bretagne et du département Ille et Vilaine, et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 février 2023), par ordonnance du 5 mars 2015, rendue sur requête du département des Côtes d'Armor (le département), le président d'un tribunal de grande instance a constaté la vacance de la succession de [M] [R], décédé le 2 mars 2013, et a confié sa curatelle à la direction des finances publiques de Bretagne (la DRFIP).
2. Le 14 avril 2015, le département a déclaré une créance, relative aux aides sociales perçues par [M] [R], auprès de la DRFIP, qui a refusé d'en effectuer le règlement au motif qu'elle était prescrite.
3. A la suite du rejet de sa réclamation préalable auprès de la DRFIP, le département a formé un recours devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le département fait grief à l'arrêt de dire prescrite sa créance sur la succession de [M] [R] au titre de l'aide sociale et, en conséquence, de déclarer irrecevables ses demandes tenant au recouvrement de sa créance, alors « que l'ouverture de la vacance a pour effet de suspendre l'exercice des poursuites individuelles des créanciers sur l'actif héréditaire qui ne peuvent que déclarer leur créance au curateur ; que dès lors, en retenant, pour considérer que la créance du département était prescrite, après avoir pourtant constaté qu'il avait déclaré sa créance au curateur dès le 14 avril 2015, que l'ouverture de la vacance et la désignation du curateur n'empêchait aucunement le département d'émettre un titre exécutoire et en déniant tout effet suspensif à ladite déclaration de créance renouvelée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 810-4 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
7. Selon les articles 809-3, 810-4 et 810-5 du code civil, en cas de succession vacante, le curateur, auprès de qui est faite la déclaration de créances, est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il dresse un projet de règlement du passif qui prévoit le paiement des créances dans l'ordre prévu à l'article 796 du même code et ne peut payer, sans attendre ce projet, que les frais nécessaires à la conservation du patrimoine, les frais funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt, les loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent.
8. Ces textes n'édictent aucune interdiction, pour les créanciers, tenus de déclarer leur créance au curateur, de saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire, dont l'exécution sera différée jusqu'à l'établissement du projet de règlement du passif.
9. Après avoir énoncé qu'aucun texte ne prévoit la suspension de la prescription lors de l'ouverture d'une succession vacante, la cour d'appel en a exactement déduit que le fait qu'en vertu de l'article 810-4 du code civil, le curateur ne puisse payer, avant l'établissement du projet de règlement de la succession, que certains frais et dettes successorales dont le règlement est urgent, n'empêchait nullement le département d'émettre un titre exécutoire pour garantir sa créance, de sorte que, n'ayant pas émis un tel titre avant l'expiration du délai de prescription, sa créance est prescrite.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le département des Côtes d'Armor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur et Mme Vignes, greffier de chambre.