CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 264 F-D
Pourvoi n° D 22-20.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
M. [V] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-20.929 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2022 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), dans le litige l'opposant :
1°/ au Fonds commun de titrisation Absus, dont le siège est [Adresse 1], ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, venant aux droits de la société MCS et associés venant aux droits de la société BNP Paribas,
défenderesse à la cassation.
En présence de :
1°/ à Mme [F] [D], domiciliée [Adresse 5] (Belgique),
2°/ à Mme [E] [D], domiciliée [Adresse 3] (Belgique),
3°/ à Mme [R] [D], domiciliée [Adresse 4] (Belgique),
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [D], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du Fonds commun de titrisation Absus, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte au Fonds commun de titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS et associés, de ce qu'il reprend l'instance aux lieu et place de celle-ci.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er juillet 2022), un jugement du 10 décembre 2004 a condamné M. [D], en qualité de caution, à payer une certaine somme à la société BNP Paribas.
3. Par acte authentique du 17 janvier 2018, M. [D] a consenti à ses trois filles, Mmes [F], [E] et [R] [D], la donation de l'usufruit de l'ensemble des parts des sociétés civiles immobilières W Retreat et Country Base (les SCI), dont il leur avait précédemment donné la nue-propriété par acte authentique du 14 octobre 2000.
4. La société MCS et associés, venant aux droits de la société BNP Paribas, a assigné M. [D] et Mmes [F], [E] et [R] [D] aux fins de lui voir déclarer inopposable la donation du 17 janvier 2018.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [D] fait grief à l'arrêt de dire inopposables à la société MCS et associés les donations du 17 janvier 2018, alors :
« 1°/ que l'action paulienne ouverte au créancier requiert notamment un acte d'appauvrissement du patrimoine du débiteur ; qu'en cas de démembrement de parts sociales, l'usufruitier, conformément à l'article 582 du code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n'a droit qu'aux dividendes distribués ; qu'il s'ensuit que pour ouvrir droit à l'action paulienne du créancier aux fins de voir déclarée inopposable la donation, par le débiteur, de l'usufruit de parts sociales, il doit établir l'existence effective d'une telle distribution de dividendes ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'appauvrissement du patrimoine de M. [D], débiteur, était établi à partir de la donation de l'usufruit de parts sociales selon acte du 17 janvier 2018, la cour d'appel a retenu que le fait que les dividendes n'aient pas été effectivement distribués (
) est sans incidence sur la valeur du droit à les percevoir" ; qu'en appréciant ainsi la valeur de l'usufruit des parts sociales au regard du droit à percevoir des dividendes quand il lui incombait de constater l'existence d'une distribution effective de dividendes pour caractériser l'appauvrissement du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 1341-2 du code civil, ensemble l'article 582 du même code ;
2°/ que pour considérer qu'en janvier 2018, les parts sociales des deux SCI et donc" l'usufruit de celles-ci avaient une valeur qui ne pouvait être nulle, après avoir relevé que notamment, le passif de la SCI Country Base mentionnait des emprunts et dettes auprès des établissements de crédit d'un montant de 1 852 000 euros, que les deux SCI disposaient d'un patrimoine immobilier non négligeable, la dette conséquente de la société Cortefiel France à leur encontre étant éteinte depuis plus d'un an, la cour d'appel a retenu qu' une large part de leur passif était constituée par les comptes courants d'associés" ; qu'en statuant par un tel motif, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à caractériser la valeur positive des parts sociales des deux SCI, de sorte qu'elle a violé l'article 1341-2 du code civil, ensemble l'article 582 du même code. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 1341-2 du code civil que la fraude paulienne peut être réalisée par tout acte dont il résulte l'appauvrissement du débiteur.
7. La cour d'appel a relevé que les SCI dont les parts faisaient l'objet de la donation en cause avaient réalisé des bénéfices sociaux au cours des exercices antérieurs à l'acte de donation et que celles-ci, en dépit de leur passif respectif, disposaient, en janvier 2018, d'un patrimoine immobilier non négligeable.
8. Ayant ainsi fait ressortir la distribution possible de dividendes futurs, elle en a souverainement déduit que le fait que les dividendes des SCI n'aient pas été effectivement distribués était sans incidence sur la valeur du droit à les percevoir et que les parts sociales avaient une valeur qui ne pouvait être nulle.
9. Par ces seuls motifs, caractérisant la valeur positive de l'usufruit des parts sociales objet de la donation litigieuse et, partant, l'appauvrissement de M [D] qui en est résulté, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer au Fonds commun de titrisation Absus, venant aux droits de la société MCS et associés, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur et Mme Vignes, greffier de chambre.