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10/04/2025 | FRANCE | N°25-70.002

France | France, Cour de cassation, Autre - formation de section, 10 avril 2025, 25-70.002


Demande d'avis
n°F 25-70.002

Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris




SM15





Avis du 10 avril 2025



n° 15010 P+B








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Troisième chambre civile


Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

La troisième chambre civile de la C

our de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires, et l'avis écrit de Mmes Morel-Coujard et Compagnie, avocats g...

Demande d'avis
n°F 25-70.002

Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris




SM15





Avis du 10 avril 2025



n° 15010 P+B








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Troisième chambre civile


Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires, et l'avis écrit de Mmes Morel-Coujard et Compagnie, avocats généraux, et les observations orales de Mme Morel-Coujard, avocat général ;

Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 1], et de la SARL Gury & Maître, avocat de la société civile immobilière Hugoben et de M. [V] ;

Énoncé de la demande d'avis

1. La Cour de cassation a reçu le 22 janvier 2025, une demande d'avis formée le 15 janvier 2025 par le tribunal judiciaire de Paris, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant la Ville de [Localité 1] à la société civile immobilière Hugoben et M. [V].

2. La demande est ainsi formulée :

« 1°/ Lorsqu'une amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation est sollicitée sur le fondement d'un changement d'usage illicite intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, la détermination de l'usage d'habitation du local prévue par l'article L. 631-7 du même code doit-elle s'effectuer à l'aune des critères de la loi nouvelle ou de la loi ancienne ?

2°/ Dans l'hypothèse de l'application de la loi nouvelle aux faits antérieurs de changement d'usage illicite, les nouveaux critères de l'usage d'habitation sont-ils applicables aux instances en cours ou le sont-ils aux seules instances introduites postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 ? ».

Examen de la demande d'avis

3. Dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, l'article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l'habitation, disposait :

« Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. »

4. L'article 5, I, 1°, d, de la loi précitée du 19 novembre 2024 a modifié cet alinéa qui dispose désormais :

« Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n'importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d'autorisation préalable au changement d'usage ou la contestation de l'usage dans le cadre des procédures prévues au présent livre, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article. Cet usage peut être établi par tout mode de preuve, la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer un usage illicite. Toutefois, les locaux construits ou ayant fait l'objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf autorisation ultérieure mentionnée au même quatrième alinéa. »

5. Selon les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans leur version antérieure à celle issue de la loi du 19 novembre 2024, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage et toute personne qui ne respecte pas les conditions imposées par la loi pour un changement d'usage est condamnée à une amende civile qui ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. Selon ces mêmes textes dans leur version issue de la loi du 19 novembre 2024, le fait de louer un local meublé à usage d'habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, qui définit les meublés de tourisme comme des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois, constitue un changement d'usage et toute personne qui ne respecte pas les conditions imposées par la loi pour un changement d'usage est condamnée à une amende civile qui ne peut excéder 100 000 euros par local irrégulièrement transformé.

6. L'amende civile ainsi prévue constitue une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 11 juillet 2024, pourvoi n° 23-10.467, publié).

7. Le Conseil constitutionnel décide que le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus dure qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition (décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982).

8. Pour répondre à la demande d'avis, il importe donc de déterminer si la loi du 19 novembre 2024 en ce qu'elle modifie l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation pose une nouvelle règle de fond, et, dans l'affirmative, si elle doit être regardée comme plus sévère.

9. Cette loi modifie les éléments à prendre en considération pour réputer un local à usage d'habitation, en substituant à la seule date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes d'une durée respective de sept et trente ans.

10. Elle affecte donc les règles de fond qui définissent les conditions dans lesquelles la location d'un local meublé à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile peut être qualifiée de changement d'usage et a pour effet de soumettre à un régime d'autorisation préalable le changement d'usage de locaux qui n'en relevaient pas en l'état du texte dans sa rédaction antérieure.

11. En conséquence, cette loi doit être regardée comme plus sévère et ne peut faire l'objet d'une application rétroactive.





PAR CES MOTIFS, la Cour :

EST D'AVIS QUE :

Lorsqu'une amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation est sollicitée sur le fondement d'un changement d'usage illicite intervenu avant l'entrée en vigueur de l'article 5, I, 1°, d, de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, la détermination de l'usage d'habitation du local prévue par l'article L. 631-7 du même code doit s'effectuer à l'aune des critères de la loi ancienne.

La réponse à la première question rend la seconde sans objet.

Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 10 avril 2025, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 8 avril 2025 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Teiller, président, Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires rapporteurs, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mmes Morel-Coujard et Compagnie, avocats généraux, et Mme Maréville, greffier de chambre ;

Le présent avis est signé par les conseillers rapporteurs, le président et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Autre - formation de section
Numéro d'arrêt : 25-70.002
Date de la décision : 10/04/2025
Sens de l'arrêt : Avis

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Paris


Publications
Proposition de citation : Cass. Autre - formation de section, 10 avr. 2025, pourvoi n°25-70.002, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:25.70.002
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