CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 359 F-B
Pourvoi n° G 22-18.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-18.173 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 avril 2022), M. [Y] (la victime) a été victime de deux accidents pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse).
2. Une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, indemnisé la victime et fixé au maximum la majoration de la rente à lui verser.
3. En application de ce jugement, la caisse a notifié à la victime, par une décision du 26 mars 2008, le montant mensuel de la rente à 2 068,12 euros, puis, par une décision du 13 novembre 2015, à 1 603,57 euros. Elle lui a également notifié, le 18 décembre 2015, un indu de 15 659,92 euros correspondant à la somme trop-perçue.
4. La victime a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse fait grief à l'arrêt, d'une part, de la débouter de sa demande en reconnaissance du bien-fondé de sa décision du 13 novembre 2015 et de dire que cette décision ne peut produire aucun effet, d'autre part, de la débouter de son action en répétition de l'indu dirigée contre la victime et de la condamner à régulariser le règlement de la rente majorée de la victime à compter de novembre 2015, alors « que l'autorité de chose décidée, attachée à une décision émise par un organisme de sécurité sociale et devenue depuis lors définitive, ne s'oppose pas à ce que ce dernier rectifie l'erreur de calcul dans la liquidation qui l'affecte ; qu'en décidant le contraire, pour, d'une part, dire que la décision de la caisse en date du 13 novembre 2015, rectifiant pour l'avenir l'erreur de calcul qui affectait la décision du 26 mars 2008, ne pouvait produire aucun effet, et d'autre part, annuler l'indu réclamé au titre du trop-perçu correspondant à ladite erreur, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de chose décidée, et les articles R. 142-1 et R. 142-18 anciens du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 133-4-1, alinéa 1er, L. 431-2, L. 434-2, alinéa 2, L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, le deuxième dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004, le troisième dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicables au litige :
6. Selon le troisième de ces textes, la victime d'un accident du travail, dont l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.
7. Il résulte des deux derniers de ces textes que la victime ou ses ayants droit ont droit, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, à une majoration de rente, dont le montant est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
8. Selon le premier, en cas de versement indu d'une prestation, l'organisme chargé de la gestion d'un régime d'accidents du travail récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré dans les cas et selon les modalités qu'il précise.
9. Selon le deuxième, l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la décision qui procède à la liquidation de la majoration de rente ne fait obstacle, ni au recouvrement de l'indu versé à la suite d'une erreur de calcul de l'organisme payeur, dans les conditions fixées à l'article L. 133-4-1 et les limites de la prescription applicable, ni à la rectification de la décision affectée de l'erreur.
11. Pour débouter la caisse de ses demandes en reconnaissance du bien-fondé de sa décision du 13 novembre 2015 et en paiement de l'indu, et la condamner à régulariser le règlement de la rente majorée de la victime à compter du mois de novembre 2015, l'arrêt énonce que la décision attributive de la rente majorée du 26 mars 2008 présente un caractère définitif lui conférant l'autorité de la chose décidée, qui, en l'absence de fraude de la victime ou de révision de son taux d'incapacité, fait obstacle à toute modification du montant de la rente par la caisse et prive, par voie de conséquence, de tout effet la décision du 13 novembre 2015 prise après rectification de l'erreur de calcul.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement 20162467/6320 en tant qu'il rejette la fin de non-recevoir opposée par M. [Y] à la demande en paiement de la caisse, déclare recevable la caisse en sa demande en paiement et déboute M. [Y] de sa demande en dommages et intérêts et confirme le jugement 20160725/6326 en tant qu'il déboute M. [Y] de sa demande tendant à la constatation de la prescription de l'action de la caisse dans la modification du calcul de sa rente, l'arrêt rendu le 26 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.