CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 avril 2025
Cassation sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° P 23-23.219
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 05 octobre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025
Mme [W] [Y], domiciliée chez Mme [G] [C] avocate, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-23.219 contre l'ordonnance rendue le 3 août 2023 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant :
1°/ au centre psychothérapique de l'Ain de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [Y], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 3 août 2023), le 21 juin 2023, Mme [Y] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre psychothérapique de l'Ain par décision du directeur d'établissement, en application de l'article L. 3212-1, II, 1°, du code de la santé publique, à la demande d'un tiers.
2. Le 28 juillet 2023 à 15h10, Mme [Y] a été placée à l'isolement, et cette mesure a été renouvelée le 30 juillet 2023 à 14 heures 47.
3. Par ordonnance du 1er août 2023 à 14h30, un juge des libertés et de la détention, saisi par le directeur du centre psychothérapique de l'Ain, a autorisé le maintien de la mesure d'isolement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Mme [Y] fait grief à l'ordonnance de maintenir la mesure d'isolement, alors « que l'information prévue au premier alinéa du II de l'article L. 3222-5-1 du renouvellement d'une mesure d'isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical ; qu'en retenant qu'« un tiers a été informé de la mesure de placement et l'hospitalisation ayant été faite à la demande d'un tiers dont l'identité figure au dossier », pour en déduire qu'il n'était à déplorer aucune irrégularité de ce chef, cependant que l'identité de la personne prétendument informée du renouvellement n'apparaissait sur aucune pièce du dossier et notamment pas sur celle intitulée « certificat médical renouvellement exceptionnel isolement/contention » établi par le docteur [I] [J] le 30 juillet 2023, de sorte que le renouvellement exceptionnel de la mesure d'isolement était entaché d'irrégularité ; qu'en décidant toutefois du contraire, le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel de Lyon a violé l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique :
5. Selon ce texte, lorsque le médecin renouvelle une mesure d'isolement au-delà de 48 heures, il en informe au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.
6. Il s'en déduit que l'identité de la personne informée du renouvellement de la mesure et son lien avec le patient doivent figurer à la procédure.
7. Pour écarter l'irrégularité invoquée tirée du défaut d'information d'un membre de la famille lors du renouvellement de la mesure d'isolement, l'ordonnance se borne à retenir qu'un tiers a été informé de la mesure de placement.
8. En statuant ainsi, alors que ni l'identité de la personne prévenue du renouvellement de la mesure ni son lien avec la personne placée à l'isolement ne ressortent de la décision ou de la procédure, le premier président a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. Les délais légaux pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 août 2023, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.