SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 avril 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 389 F-D
Pourvoi n° V 23-22.121
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025
Mme [R] [K], domiciliée [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° V 23-22.121 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale section B), dans le litige l'opposant à la Mutuelle Ociane, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations écrites de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Mutuelle Ociane, et après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 septembre 2023), Mme [K] été engagée en qualité d'agent temporaire par le groupement d'intérêt économique Ociane développement par contrat à durée déterminée du 25 janvier 1999. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 25 juillet suivant. Son contrat de travail a été transféré à la Mutuelle Ociane à compter du 1er janvier 2007.
2. Le 4 mai 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
3. Estimant avoir subi un harcèlement moral et reprochant à son employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité, la salariée a contesté le bien- fondé de son licenciement devant la juridiction prud'homale, qu'elle a saisie le 10 août 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de reconnaissance du caractère abusif de son licenciement consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à cette obligation, alors :
« 1°/ que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que ce n'est qu'au début du mois de mars 2017 que l'employeur a eu connaissance des faits de harcèlement dénoncés par la salariée et qu'il a agi immédiatement ; que l'arrêt relève que "Mme [K] expose avoir abordé dès 2012 auprès de Mme [P] les difficultés qu'elle rencontrait liées au management de sa responsable ainsi qu'avec Mme [L], toutes deux personnels de la direction des ressources humaines. Cependant, aucun témoignage ou attestation n'étaye ces déclarations d'autant qu'elle reconnaît que ces propos ont été tenus lors de ses démarches en vue des formations qu'elle réalisait au sein de l'entreprise. Elle évoque en outre en avoir parlé avec le médecin du travail le 26 juin 2014. Celui-ci fait état de telles déclarations dans sa restitution de son entretien avec la salariée. Cependant, il n'est nullement démontré que ce dernier a contacté la direction suite à ces propos d'autant qu'il a déclaré apte la salariée en 2015, plusieurs mois après avoir recueilli ces propos" ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par la salariée, si la preuve de l'entretien de la salariée avec Mme [P], au cours duquel la salariée avait évoqué la situation de harcèlement moral, ne ressortait pas clairement du dossier médical établi par la médecine du travail, régulièrement versé aux débats par la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
2°/ que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que l'employeur qui s'abstient de prendre des mesures à la suite de l'alerte de son salarié concernant les agissements de harcèlement moral de son supérieur hiérarchique manque à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt relève que "dès la connaissance fin mars 2017 du mal-être de la salariée, et dès son retour d'arrêt de travail, elle a mis en place des entretiens et des actions afin d'accompagner Mme [K] (
) Ainsi, le 10 avril 2017 jour de son retour d'arrêt maladie, trois entretiens individuels ont eu lieu entre Mme [K] et : -M. [Z], Directeur Général Délégué d'Ociane Groupe Matmut et Mme [O], -Mme [O] et Mme [P], adjointe à la direction des ressources humaines- Mme [S] et Mme [O]" ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par la salariée, dans quelles conditions s'étaient déroulés les entretiens invoqués par l'employeur au titre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de la salariée, alors même que la salariée faisait valoir que ces entretiens, qui avaient duré plusieurs heures et s'étaient déroulés de manière partiale, sans que cette dernière, fragile psychologiquement, puisse se faire assister, s'étaient apparentés à des mesures d'intimidation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
3°/ que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en l'espèce, en déboutant la salariée de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sans rechercher, comme elle y était invitée par la salariée, si l'employeur avait solliciter les représentants du personnel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.
7. L'arrêt constate que, si la salariée soutenait avoir fait état dès 2012 des difficultés rencontrées avec sa supérieure hiérarchique et de la souffrance que lui causait le « management » de cette dernière, l'employeur n'avait eu connaissance de ce mal-être qu'en mars 2017 et avait dès ce moment mis en place un suivi de la salariée par le médecin du travail et la directrice des ressources humaines, puis diligenté une enquête interne afin d'évaluer les causes des difficultés évoquées par la salariée et de tenter d'y remédier.
8. L'arrêt ajoute qu'il ressortait de cette enquête un mal-être des collègues de la salariée lié au comportement agressif de celle-ci, à l'origine d'une ambiance pesante au sein du service, et que l'employeur avait maintenu au bénéfice de la salariée un dispositif spécifique lors de sa reprise, à savoir un entretien hebdomadaire avec la direction des ressources humaines, un suivi régulier de l'évolution de sa situation et la mise à disposition d'un psychologue.
9. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel qui en a déduit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, de sorte que les demandes de la salariée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité devaient être rejetées, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.