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09/04/2025 | FRANCE | N°23-21.387

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 09 avril 2025, 23-21.387


CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 avril 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 243 F-D

Pourvoi n° X 23-21.387




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025

Mme [K] [X], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n°

X 23-21.387 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2023 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 2],

2°/...

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 avril 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 243 F-D

Pourvoi n° X 23-21.387




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025

Mme [K] [X], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° X 23-21.387 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2023 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [P] [F], domicilié [Adresse 1],

3°/ à la société Medical Insurance Company (MIC), société de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 5] (Irlande), prise en la personne de son représentant légal en France, la société Cabinet Branchet, sise [Adresse 3],

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mme [X], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de MM. [U] et [F] et de la société Medical Insurance Company, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Bastia, 5 avril 2023), après avoir subi, les 21 mars 2007 et 23 janvier 2008, l'exérèse d'une grosseur au bord externe d'un pied, diagnostiquée comme verrue et récidivante, Mme [X] a consulté, le 10 juin 2014, M. [U], chirurgien orthopédiste, qui lui a prescrit une imagerie nucléaire pour affiner l'étiologie et l'a orientée vers M. [F], chirurgien plasticien, en vue d'une prise en charge chirurgicale. Le 18 septembre 2014, M. [U] a pratiqué une nouvelle exérèse et eu recours à un lambeau de couverture. Mme [X] a présenté une nécrose partielle du lambeau ayant nécessité une reprise chirurgicale effectuée par un autre praticien, puis une infection.

2. Les 29 et 30 juillet 2019, après avoir obtenu une expertise en référé, Mme [X] a assigné en responsabilité et indemnisation MM. [U] et [F] et leur assureur, la société Medical Insurance Company (MIC) et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens

Enoncé du premier moyen

3. Mme [X] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que, tenu par l'article R. 4127-5 du code de la santé publique, d'exercer sa profession en toute indépendance, un médecin ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science ; qu'en retenant, pour juger que l'erreur de diagnostic commise par le docteur [U] n'était pas fautive, que deux de ses confrères avaient, avant lui, commis la même erreur et qu'il "ne pouvait légitimement de facto poser un diagnostic différent de celui de ses prédécesseurs", cependant qu'il appartenait au docteur [U] d'élaborer son propre diagnostic, avec le plus grand soin, sans se borner à entériner le diagnostic erroné posé par deux de ses confrères, la cour d'appel a violé l'article R. 4127-5 du code de la santé publique ;

2°/ que l'obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé ; qu'en retenant, pour juger que l'erreur de diagnostic commise par le docteur [U] n'était pas fautive, qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir cherché à prendre connaissance du rapport anatomopathologique du 7 septembre 2010 faisant état d'un foyer d'hyperkératose cutanée sans caractère de spécificité dès lors qu'il n'était pas démontré que ce praticien avait connaissance de l'existence de ce rapport, ni qu'il avait la possibilité d'y accéder, cependant qu'il appartenait au docteur [U], qui savait que Mme [X] était "prise en charge depuis des mois pour l'aspect d'une verrue plane", pour élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, de s'enquérir des analyses déjà effectuées par sa patiente et, le cas échéant, de solliciter de ses confrères la communication des résultats de telles analyses, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble l'article R. 4127-33 du même code ;

3°/ que l'obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé ; qu'en retenant, pour écarter toute faute du docteur [U] malgré son erreur de diagnostic, que celui-ci avait fait pratiquer un examen complémentaire de type IRM et qu'il n'était pas tenu d'effectuer d'autres recherches pour élaborer son diagnostic, cependant qu'il appartenait pour ce faire à ce médecin, qui savait que Mme [X] était "prise en charge depuis des mois pour l'aspect d'une verrue plane", de s'interroger sur la raison de cette récidive, l'expert judiciaire ayant relevé que "la prise en charge initiale des excisions répétées sans interrogation sur l'origine de ces récidives a permis la persistance de la cause", la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble l'article R. 4127- 33 du même code ;

4°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour juger que l'erreur de diagnostic commise par le docteur [U] n'était pas fautive, que "bien que Madame [X] affirme avec certitude qu'elle souffrait d'hyperkératose, aucune pièce médicale produite ne fait état avec certitude d'un tel diagnostic, l'expert judiciaire ne posant pas clairement un diagnostic", cependant que l'expert judiciaire indiquait dans son rapport, sous la rubrique concernant l'état médical de Mme [X] avant l'acte médical litigieux, qu'« à aucun moment cette pathologie d'hyperkératose d'hyper appui n'a été prise en compte, ce qui [a] abouti à une lésion récidivée » et, en réponse à un dire de l'avocat de Mme [X], que "sur la question de l'hyperkératose […] il n'y a donc pas de question sur le diagnostic", ce dont il ressortait de manière claire et précise qu'avant les actes litigieux, Mme [X] souffrait d'hyperkératose, la cour d'appel a dénaturé ce rapport d'expertise judiciaire en violation du principe susvisé ;

5°/ « que le patient doit être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement libre et éclairé ; qu'en retenant, pour juger que le docteur [F] n'avait pas manqué à son obligation d'information, que "le fait que la consultation préopératoire entre la patiente et le docteur [F] n'ait pu finalement intervenir que le 17 septembre 2014, sans que cette tardiveté ne soit imputable au praticien (en l'état d'un rendez-vous préopératoire prévu en amont, non survenu du fait de la patiente) n'est pas en lui-même de nature à écarter le fait que la patiente ait reçu une information claire, loyale et appropriée", cependant qu'il appartenait au docteur [F] de s'assurer, au besoin en décidant du report de l'opération chirurgicale, que Mme [X] dispose d'un temps suffisant pour apprécier les conséquences et les risques de celle-ci afin d'y consentir de manière éclairée, ce qui ne pouvait être le cas en l'état d'une information reçue dans sa chambre pendant trente minutes la veille au soir de l'intervention chirurgicale, la cour d'appel a violé l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 1111- 4 du même code. »

Enoncé du second moyen

4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires formées contre les docteurs [U] et [F] et leur assureur, alors :

« 1°/ que lorsqu'il est certain que, mieux informé, le créancier d'une obligation d'information aurait évité le préjudice qu'il a subi, celui-ci peut demander la réparation intégrale dudit préjudice, et non une perte de chance ; qu'en retenant, pour débouter Mme [X] de ses demandes indemnitaires fondées sur le manquement des médecins à leur obligation d'information, qu' "elle n'en tire pas de conséquences dans le dispositif de ses écritures en termes de dommages et intérêts sollicités au titre d'une perte de chance d'éviter le dommage, ou au titre d'un préjudice d'impréparation", sans rechercher, comme il lui était demandé, si mieux informée par les médecins, Mme [X] n'aurait pas, de manière certaine, renoncé à l'opération, de sorte qu'elle pouvait demander une réparation intégrale des préjudices subis, et non une perte de chance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

2°/ que l'aggravation d'un état pathologique antérieur due entièrement à une faute médicale doit être indemnisée en sa totalité ; qu'en retenant, pour débouter Mme [X] de ses demandes indemnitaires, que les fautes imputées aux médecins n'étaient en toute hypothèse pas la cause des préjudices dont elle sollicitait l'indemnisation, dès lors que la persistance des douleurs subies par celle-ci n'était pas en rapport avec l'intervention chirurgicale mais avec son état antérieur et que, s'agissant du préjudice esthétique, il y aurait eu quoi qu'il en soit des cicatrices un peu moins importantes en l'absence de nécrose, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'intervention des docteurs [U] et [F] n'avait pas aggravé l'état antérieur de Mme [X] tant d'un point de vue physique qu'esthétique, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à écarter tout lien causal entre les fautes des médecins et les préjudices subis par Mme [X] et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et du principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir écarté l'existence d'une erreur de diagnostic fautive imputable à M. [U] et estimé que M. [F] avait rempli son obligation d'information, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches prétendument omises, a relevé, en tout état de cause, que M. [F] n'avait pas d'autre choix que de proposer un lambeau pour la couverture de la zone plantaire, qu'il n'était pas établi que la prise en charge médicale opératoire et post-opératoire aurait été inadaptée et à l'origine de la nécrose et que l'état séquellaire de Mme [X] était lié à la lésion initiale.

6. Il s'en déduit que sont inopérants le premier moyen, en ses première et troisième branches, contestant l'absence de caractère fautif de l'erreur de diagnostic imputé à M. [U], et, en sa cinquième branche, se prévalant de la tardiveté de l'information délivrée par M. [F] ainsi que le second moyen, en sa seconde branche, critiquant des motifs surabondants et que, pour le surplus, ces moyens ne sont pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-21.387
Date de la décision : 09/04/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 09 avr. 2025, pourvoi n°23-21.387


Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.21.387
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