COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Cassation sans renvoi
M. PONSOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 182 FS-D
Pourvoi n° X 23-22.537
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 AVRIL 2025
1°/ Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],
2°/ le directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° X 23-22.537 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. [C] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. [X], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, Mmes Ducloz, de Lacaussade, MM. Thomas, Gauthier, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Bonthoux, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 5 septembre 2023), [F] [X] est décédé le [Date décès 4] 2014 en laissant pour lui succéder Mme [T], son épouse, et son fils unique, M. [C] [X]. Mme [T] a opté pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession et déposé une déclaration de succession imputant la totalité du passif de celle-ci sur la part de M. [X].
2. Estimant que le passif de la succession aurait dû être réparti entre les deux héritiers, les services fiscaux ont notifié à M. [X] une proposition de rectification portant sur les droits d'enregistrement pour un montant de 3 409 euros, outre des intérêts de retard.
3. M. [X] a assigné l'administration fiscale en décharge des droits réclamés.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que les droits de mutation à titre gratuit sont déterminés sur la part nette revenant à chaque ayant-droit, ce dernier étant personnellement tenu des dettes et charges de la succession pour sa part successorale ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que les dettes de la succession de [F] [X] devaient être déduites de la seule part de M. [C] [X] tout en constatant que Mme [E] [X] avait opté pour la totalité de l'usufruit de la succession en tant que conjointe survivante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 757 et 873 du code civil, ensemble les articles 669 et 777 du code général des impôts ;
2°/ qu'au stade de la contribution à la dette, le conjoint survivant, usufruitier légal du quart des biens de la succession en présence d'un enfant issu du mariage, est tenu, à proportion de sa vocation, des seuls intérêts de la dette successorale, qui sont la charge des fruits, à l'exclusion du capital ; qu'en considérant que les règles prévues par l'article 612 du code civil en matière de contribution à la dette en présence d'un démembrement de propriété modifiaient la dévolution successorale et le calcul de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, les juges du fond ont violé par fausse application l'article 612 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 612 et 870 du code civil et les articles 669 et 777 du code général des impôts :
5. Selon l'article 777 du code général des impôts, les droits de mutation à titre gratuit sont fixés, pour la part nette revenant à chaque ayant droit, aux taux indiqués dans le tableau figurant à cet article.
6. Selon l'article 669 du code général des impôts, pour la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière, la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème qu'il fixe.
7. Aux termes de l'article 870 du code civil, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes, qu'en l'absence de partage pur et simple et lorsque l'actif de la succession, grevée d'une dette, a fait l'objet d'un démembrement des droits de propriété, la part nette revenant à l'usufruitier et au nu-propriétaire doit être fixée en répartissant cette dette selon les proportions prévues par l'article 669 du code général des impôts, lequel institue une règle fiscale spéciale de détermination de la valeur des parts successorales de l'usufruitier et du nu-propriétaire, en vue de leur imposition aux droits de mutation à titre gratuit.
9. Pour rejeter la demande de l'administration fiscale, l'arrêt déduit de l'article 612 du code civil qu'en cas de démembrement des droits de propriété, l'usufruitier n'est pas tenu au passif successoral, lequel incombe au nu-propriétaire et doit être intégralement déduit de la part de celui-ci pour déterminer l'assiette des droits de mutation dont il doit s'acquitter.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 669 du code général des impôts et, par fausse application, l'article 612 du code civil.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Il résulte de ce qui est dit au point 8 que l'administration fiscale a fait une juste application de la règle de détermination de la part nette de M. [X], constituant l'assiette des droits de mutation à titre gratuit. Dès lors, sa demande de décharge est rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement ;
Rejette la demande de M. [X] ;
Condamne M. [X] aux dépens en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et au directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.