CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 215 F-D
Pourvoi n° V 23-22.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [X] [U], domiciliée C/o M. [I] [U], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-22.167 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 septembre 2023), Mme [U], née le 12 avril 1970 à Chlef, en Algérie, a introduit une action déclaratoire de nationalité en se prévalant d'une chaîne de filiation avec [M] [J], de statut civil de droit commun par double droit du sol comme étant née le 4 août 1882 à [Localité 3] d'une mère, [M] [T], elle-même née en 1862 à [Localité 3] (Algérie).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [U] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas française, de rejeter ses demandes et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, alors :
« 1°/ que si la preuve de l'admission à la citoyenneté française d'une personne originaire d'Algérie, ayant initialement le statut civil de droit local, ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en jugeant le contraire et en considérant, que [M] [J], dont il était soutenu qu'elle était née le 4 août 1882 en Algérie alors département français, d'une mère étrangère qui y était elle-même née, n'aurait pu bénéficier du droit civil de droit commun que si elle s'était vu accorder ce statut par un jugement d'admission au statut civil de droit commun ou un décret, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, si la preuve de l'admission à la citoyenneté française d'une personne originaire d'Algérie, ayant initialement le statut civil de droit local, ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en considérant, que [M] [J], n'aurait pu bénéficier du droit civil de droit commun que si elle s'était vu accorder ce statut par un jugement d'admission au statut civil de droit commun ou un décret, sans rechercher si elle n'était pas née 4 août 1882 dans un département français d'une mère étrangère, qui y était elle-même née, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-1 du code civil.
3°/ que si la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun, tel n'est pas le cas d'une personne française, pour être née en Algérie alors département français, d'un parent étranger qui y était lui-même né ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la personne bénéficie, du fait du droit du sol, du droit civil de droit commun ; qu'en jugeant toutefois que les règles relatives au droit du sol n'avaient pas d'incidence sur le bénéfice du statut civil de droit commun, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 30, alinéa 1er, du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
4. Aux termes de l'article 32-1 de ce même code, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.
5. Il s'en déduit, d'une part que la preuve de la qualité de Français ne se confond pas avec celle du statut civil de droit commun et, d'autre part, que
la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun.
6. La cour d'appel relève d'abord qu'aucun décret ou jugement d'admission au statut civil de droit commun de [M] [J], aïeule de la requérante n'est produit. Elle constate ensuite qu'aucun des documents d'état civil versés aux débats concernant celle-ci, que ce soit son acte de naissance, le registre d'état civil, la copie intégrale de son acte de naissance du 31 août 2021, son acte de mariage avec [P] [Z] (registre d'état civil et copie intégrale) et son livret de famille, ne mentionne l'existence d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun. Enfin, elle relève que la mère de l'intéressée, [N] [Z], née en 1949, n'a pas souscrit de déclaration recognitive à compter de l'indépendance de l'Algérie.
7. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la preuve du statut civil de droit commun de l'aïeule de Mme [U] n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui a jugé à bon droit que le bénéfice de ce statut ne pouvait se confondre avec la qualité de Français pouvant résulter de l'application de la règle du double droit du sol, et qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, en a exactement déduit qu'en l'absence de déclaration recognitive de nationalité souscrite par sa mère Mme [N]
[Z] à compter de l'indépendance de l'Algérie, celle-ci avait perdu la nationalité française et n'avait pu la lui transmettre.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.