CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 214 F-D
Pourvoi n° G 23-20.707
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 AVRIL 2025
Mme [J] [S], épouse [G] [X], domiciliée [Adresse 2] (Algérie), a formé le pourvoi n° G 23-20.707 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2023), Mme [J] [S], se disant née le 26 mai 1934 à Bordj Bou Arréridj (Algérie), a introduit une action déclaratoire de nationalité se prévalant de sa filiation avec [Z] [F] [S], né en 1878 à M'sila (Algérie), son père, admis à la qualité de citoyen français par décret du 17 mai 1908.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [S] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'est pas française, alors « qu'aux termes de l'article 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 la preuve d'un décret de naturalisation résulte de la production de ce décret ou de celle d'une attestation concernant l'existence du décret, délivrée par le ministre chargé des naturalisations à la demande de l'intéressé ou de son représentant légal ; qu'en affirmant que la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'une décision authentique d'admission au statut civil de droit commun rendue à l'époque par les autorités françaises pour dénier toute valeur probante à l' attestation, produite par Mme [J] [S], délivrée par la sous-direction des naturalisations, direction de la population et des migrations, du ministère de l'aménagement du territoire de la ville et de l'intégration, attestant de l'admission de son père, [Z] [F] [C] [S], aux droits de citoyen français par décret du 17 mai 1908, la cour d'appel a violé l'article 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 30, alinéa 1er, du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.
4. Aux termes de l'article 32-1 de ce même code, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.
5. Il s'en déduit que la preuve de l'admission d'une personne originaire d'Algérie à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut civil de droit commun et que les modes de preuve propres aux décrets de naturalisation envisagés par l'article 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ne sont pas applicables.
6. Ayant relevé que pour justifier de l'admission de [Z] [F] [S], père de l'intéressée, au statut civil de droit commun, Mme [S] produisait une lettre du ministère de l'aménagement du territoire de la ville et de l'intégration, sous-direction des naturalisations, portant admission à la qualité de citoyen français par décret du 17 mai 1908 de [Z] [F] [S], la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de production dudit décret, la preuve du bénéfice de la citoyenneté française n'était pas rapportée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Second moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [S] fait grief à l'arrêt de dire, par confirmation du jugement entrepris, qu'elle n'est pas française, alors :
« 1°/ que Madame [S] faisait valoir dans ses conclusions que les mentions relatives à l'identité de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte, ainsi que celles relatives à l'âge et à la profession des parents, peuvent être omises, selon la pratique administrative algérienne, sans entacher d'irrégularité l'acte délivré par application du droit algérien ; qu'en confirmant le jugement sans répondre à ce moyen des conclusions de Madame [S], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Madame [S] produisait en appel de nouvelles pièces discutées par le ministère public, parmi lesquelles une copie récente de son acte de naissance ; qu'en disant qu'elle n'est pas française, sans avoir examiné ces nouvelles pièces produites devant elle, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Dès lors qu'une personne originaire d'Algérie qui revendique la nationalité française par filiation doit établir, à défaut de déclaration récognitive, l'admission de l'un de ses ascendants au statut civil de droit commun et l'existence d'une chaîne de filiation légalement établie, le rejet du premier moyen dirigé contre le chef de l'arrêt qui a dit que Mme [S] ne justifiait pas de l'admission à la citoyenneté française de son père, rend inopérant le second moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.