CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 306 F-B
Pourvoi n° K 22-11.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
La société Kronenbourg, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-11.482 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre de l'exécution - JEX), dans le litige l'opposant à M. [V] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kronenbourg, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 octobre 2021), par acte notarié du 8 avril 2011, une banque a consenti un prêt à la société Chez Aldo, garanti par le cautionnement solidaire de la société Kronenbourg (la caution), engagement lui-même garanti par le sous-cautionnement solidaire de M. [E].
2. Sur le fondement de cet acte, la caution a fait pratiquer, le 27 août 2020, une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [E].
3. Le juge de l'exécution d'un tribunal judiciaire a débouté M. [E] de sa demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-attribution, par un jugement du 15 janvier 2021, dont il a relevé appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La caution fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée par elle le 27 août 2020 sur le compte ouvert par M. [E] dans les livres de la banque Kolb, ainsi que de l'ensemble des actes subséquents et d'ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 27 août 2020, alors « que la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié donne force exécutoire à tous les engagements qu'il comporte ; qu'en l'espèce, l'acte notarié du 8 avril 2011, qui a été signé par M. [E], le désigne comme sous-caution solidaire et détaille ses obligations vis-à-vis de la société Kronenbourg ; qu'en retenant que la société Kronenbourg ne justifiait pas d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre de M. [E], pour la raison qu'elle disposait à son encontre d'une action personnelle distincte de l'action du prêteur, dans les droits duquel elle était subrogée, contre l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et l'article 33 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution et l'article 33 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié confère force exécutoire à l'engagement de sous-cautionnement au bénéfice de la caution, dès lors qu'il figure à l'acte notarié et que la caution, qui a payé le prêteur en raison de la défaillance de l'emprunteur, peut, sur le fondement de ce titre exécutoire, recouvrer sa créance envers la sous-caution, au titre de son action personnelle.
6. Pour prononcer la nullité de la saisie-attribution et en ordonner la mainlevée, l'arrêt relève notamment que la caution qui a payé la banque devient créancière du débiteur principal et dispose contre la sous-caution, garante des engagements de ce dernier, d'une action personnelle en exécution de sa garantie. Il retient que la sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier, et que la caution dispose d'une action personnelle contre la sous-caution tendant à un paiement intégral, fondée sur la convention qui les lie, dans les limites du contrat de sous-cautionnement, et non d'un recours subrogatoire.
7. Il en déduit que l'acte notarié du 8 avril 2011 ne constitue pas un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible en faveur de la caution contre M. [E] dans le cadre d'une action personnelle.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [E] était partie à l'acte notarié fondant la saisie qui comportait l'engagement solidaire de celui-ci au remboursement du prêt à la caution et que la caution avait payé la créance au prêteur en lieu et place de l'emprunteur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la nullité de la saisie-attribution du 27 août 2020 et sa mainlevée entraîne la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [E] à payer à la société Kronenbourg la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.