SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 mars 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 314 F-D
Pourvoi n° K 23-14.200
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 MARS 2025
M. [X] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-14.200 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société LT 65, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SCP Boullez, avocat de la société LT 65, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 2 février 2023), M. [P] a été engagé en qualité d'assistant technique administratif le 1er juillet 2004 par la société LT 65 (la société). Il occupait en dernier lieu le poste de préparateur physique et analyste vidéo après avoir été entraîneur de l'équipe professionnelle de rugby.
2. Le contrat de travail a été rompu le 16 septembre 2019, à l'issue du délai de réflexion dont il disposait, après qu'il a adhéré au contrat de sécurisation qui lui avait été proposé, lors de l'entretien préalable.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen des moyens
Sur le second moyen qui est préalable
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que la durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, telle que définie par l'article L. 1233-3, 1°, a) à d), du code du travail, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que ''la production des bilans des années 2018 et 2019 font état des éléments suivants : une baisse du chiffre d'affaires sur plusieurs trimestres, une baisse du résultat net comptable importante en 2018 et un peu moins en 2019" et que les pièces comptables produites par l'employeur établissaient ''les difficultés économiques ayant rendu nécessaire la suppression de poste du salarié'', sans procéder à une appréciation du niveau du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que ''la production des bilans des années 2018 et 2019 font état des éléments suivants : une baisse du chiffre d'affaires sur plusieurs trimestres, une baisse du résultat net comptable importante en 2018 et un peu moins en 2019" et que les pièces comptables produites par l'employeur établissaient ''les difficultés économiques ayant rendu nécessaire la suppression de poste du salarié'' sans caractériser une baisse significative à la date de la rupture du contrat de travail d'un indicateur économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable.
6. Cependant, le moyen qui est fondé sur un défaut de base légale est né de l'arrêt.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
8. Selon ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarie résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment, à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
9. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'une part, que les bilans des années 2018 et 2019 font état d'une baisse du chiffre d'affaires sur plusieurs trimestres et d'une baisse du résultat net comptable importante en 2018 et un peu moins en 2019, d'autre part, que le document produit par le salarié, en l'espèce un communiqué de presse ne peut en aucun cas contredire les pièces comptables produites par l'employeur et qui établissent les difficultés économiques ayant rendu nécessaire la suppression de poste du salarié.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'évolution des indicateurs économiques retenus était significative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société LT 65 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société LT 65 et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.