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19/03/2025 | FRANCE | N°22-17.315

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation plénière de chambre, 19 mars 2025, 22-17.315


SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 mars 2025




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 301 FP-B

Pourvoi n° A 22-17.315


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025

La société Swinkels Family Brewers France, société à responsabilitÃ

© limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Brasseries Bavaria, a formé le pourvoi n° A 22-17.315 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2022 par la cour d'app...

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 mars 2025




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 301 FP-B

Pourvoi n° A 22-17.315


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025

La société Swinkels Family Brewers France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Brasseries Bavaria, a formé le pourvoi n° A 22-17.315 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2022 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à M. [V] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [O] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, sept moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Swinkels Family Brewers France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, M. Rinuy, Mmes Cavrois, Ott, Degouys, MM. Barincou, Seguy, Mme Lacquemant, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Valéry, Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 avril 2022), M. [O] a été engagé en qualité de chef des ventes par la société Brasseries Bavaria devenue la société Swinkels Family Brewers France à compter du 15 juin 1998.

2. Les 19 juillet 2017 et 8 juin 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.

3. Le 16 octobre 2019, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, les troisième, cinquième et septième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le deuxième moyen du pourvoi incident du salarié

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à faire constater un défaut de saisine de l'appel interjeté par le salarié à l'encontre du jugement et en conséquence de statuer, alors « que selon l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique ; que l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel ne prévoit pas l'éventualité d'une pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel ; qu'en application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul et que l'appelant ne peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer qu'en cas d'empêchement d'ordre technique ; qu'à défaut, et en l'absence de régularisation dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, l'acte d'appel est dépourvu d'effet dévolutif ; que ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que l'acte d'appel établi le 7 août 2019, sous l'empire de l'arrêté du 30 mars 2011, mentionnait seulement au titre de l'objet ou de la portée de l'appel : "appel partiel : selon pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel" et que les chefs de jugement critiqués n'étaient mentionnés que dans une annexe, sans que l'appelant ne justifie d'une impossibilité technique de mentionner tous les chefs de jugement dans le corps de la déclaration d'appel ; qu'en affirmant cependant que la déclaration d'appel emportait dévolution des chefs de jugement critiqués énoncés dans l'annexe faisant corps avec elle et que la cour était régulièrement saisie d'un recours en réformation du jugement déféré, peu important que l'appelant ne justifie pas d'une impossibilité technique de mentionner tous les chefs de jugement dans le corps de la déclaration d'appel, dès lors que l'intimée avait eu entière connaissance en temps utile de l'étendue et des termes du débat et qu'une telle exigence ajouterait à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et que la sanction de son inobservation par un défaut d'effet dévolutif de l'appel constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par fausse application. »

Réponse de la Cour

6. Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 a modifié l'article 901, 4°, du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « comportant le cas échéant une annexe ». L'article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours.

7. L'arrêté du 25 février 2022 a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. L'article 3 de ce texte prévoit qu'il entre en vigueur le lendemain de sa publication et qu'il est applicable aux instances en cours.

8. Il en résulte que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

9. L'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022, sont applicables à la présente instance qui s'est achevée par l'arrêt du 5 avril 2022, de sorte que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait joint à sa déclaration d'appel une annexe comportant les différents chefs de dispositif du jugement critiqués, en a exactement déduit que cette déclaration d'appel constituait un acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos et de part variable, outre congés payés afférents, alors « qu'en tout état de cause, seuls doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié, c'est-à-dire constituant la contrepartie directe du travail effectué par ce dernier, ce qu'il lui incombe d'établir ; qu'en affirmant, pour intégrer la gratification annuelle dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires, que le salarié percevait cette gratification pour le paiement de laquelle la société ne démontrait ni même n'alléguait l'existence de conditions, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 3121-28 et L. 3121-36 du même code dans leur rédaction issue de la loi précitée. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a, d'abord, énoncé à bon droit qu'il incombait à l'employeur d'inclure dans le salaire horaire servant de base au calcul des majorations pour heures supplémentaires les gratifications annuelles lorsqu'elles constituaient la contrepartie directe du travail effectué.

13. Elle a, ensuite, relevé que le salarié percevait une gratification annuelle pour le paiement de laquelle l'employeur ne démontrait ni même n'alléguait l'existence de conditions.

14. Faisant ainsi ressortir que ce paiement n'était soumis à aucune autre condition que l'exécution par le salarié de son contrat de travail, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que cette gratification devait être prise en compte dans le salaire horaire servant de base de calcul aux majorations pour heures supplémentaires.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le sixième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

16. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre des congés payés afférents à la prime de gestion des grossistes nationaux et pétroliers pour l'année 2016, alors « que les primes allouées pour l'année entière, période de travail et période de congés confondues, n'ont pas à être incluses dans l'assiette de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la prime de gestion des grossistes nationaux et pétroliers revêtant un caractère salarial, elle sera majorée des congés payés afférents ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, tenant à la nature salariale de la prime, sans rechercher si elle n'était pas allouée globalement pour l'année, périodes de travail et de congés confondues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3141-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 3141-24 du code du travail dans sa rédaction issue de cette loi. »

Réponse de la Cour

17. Ayant relevé que la prime de gestion des grossistes nationaux et pétroliers était, selon l'employeur, directement et exclusivement liée à la gestion par le salarié des clients nationaux, faisant ressortir qu'elle était directement liée à l'activité déployée par le salarié, la cour d'appel, devant laquelle il n'avait pas été soutenu que cette prime n'était pas affectée par les congés du salarié et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu décider qu'elle serait assortie d'une somme au titre des congés payés afférents.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

19. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement de rappel de salaire sur la part variable antérieure au 14 mars 2016 pour être prescrite, alors « que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription à l'égard de toutes les demandes du salarié relatives au même contrat de travail ; que pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en paiement de rappel de salaire sur la part variable antérieure au 14 mars 2016, l'arrêt, après avoir relevé qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, retient que le salarié a formulé cette demande en paiement de rappel de salaire pour la première fois dans ses écritures du 14 mars 2019 ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 19 juillet 2017 même si la demande de rappel de salaires avait été présentée en cours d'instance, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

20. En principe, l'effet interruptif de la prescription attaché à une action judiciaire ne s'étend pas à une nouvelle action formée au cours de la même instance, sauf l'hypothèse d'une demande qui, bien qu'ayant une cause distincte, tend au même but que la demande initiale de sorte qu'elle est virtuellement comprise dans celle-ci.

21. La Cour de cassation retenait cependant que si, en principe, l'interruption de la prescription ne pouvait s'étendre d'une action à une autre, il en était autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernaient l'exécution du même contrat de travail (Soc., 8 avril 2010, pourvoi n° 08-42.307, Bull. civ., V, n° 91 ; Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.470).

22. Cette exception résultait de la règle de l'unicité de l'instance prud'homale prévue par l'ancien article R. 1452-6 du code du travail abrogé par l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, et qui n'est demeurée applicable, en application de l'article 45 de ce décret, qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

23. Le moyen, qui énonce un principe de droit qui n'est plus applicable, dès lors que l'instance a été introduite devant le conseil de prud'hommes le 19 juillet 2017, n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

24. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité d'occupation du domicile personnel à des fins professionnelles, alors « que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles constitue une action portant sur l'exécution du contrat de travail, et se prescrit donc, en application de l'article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail, par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en jugeant qu'il s'agissait d'une action indemnitaire soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé ce dernier texte par fausse application, et, par refus d'application, l'article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1er, et l'article L. 1222-9 I, alinéa 1er, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 :

25. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

26. Selon le second, qui figure dans le chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail, intitulé « Exécution et modification du contrat de travail », le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication.

27. L'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ou qu'il a été convenu que le travail s'effectue sous la forme du télétravail. L'action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d'exécution du contrat de travail est soumise au délai biennal de l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail.

28. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité au titre de l'occupation du domicile à des fins professionnelles, l'arrêt retient que l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail. L'arrêt ajoute que la demande en paiement de cette indemnité, destinée à compenser le préjudice en résultant, ne constitue pas une action portant sur l'exécution du contrat de travail soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, mais une action indemnitaire soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil.

29. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

30. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'origine professionnelle de son inaptitude ainsi que sur les demandes subséquentes en paiement d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, ces chefs de demande faisant l'objet d'une instance pendante devant la juridiction prud'homale saisie le 13 octobre 2020, alors « que le salarié se prévalait de l'origine professionnelle de son inaptitude et sollicitait le paiement d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail ; qu'en disant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'origine professionnelle de l'inaptitude et qu'elle ne pouvait se prononcer sur le bien-fondé de ces chefs de demandes, dont se trouvait parallèlement saisie la juridiction prud'homale de Clermont-Ferrand suivant une requête du 13 octobre 2020, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 12 du code de procédure civile et l'article L. 1226-14 du code du travail :

31. Selon le premier de ces textes, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

32. Aux termes du second, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

33. Le salarié, dont l'inaptitude est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et dont le contrat de travail fait l'objet d'une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, est en droit de prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail.

34. Pour dire n'y avoir lieu de statuer sur l'origine professionnelle de l'inaptitude, l'arrêt retient qu'ayant fait droit à la demande principale en résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande subsidiaire en contestation du licenciement pour inaptitude, dont l'origine résulterait d'un comportement fautif de l'employeur, ni sur l'origine professionnelle de l'inaptitude, dès lors que cette demande présentée pour la première fois en cause d'appel fait en outre l'objet d'une instance pendante devant la juridiction prud'homale saisie le 13 octobre 2020.

35. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur la demande formée à titre principal par le salarié en reconnaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude et sur les demandes indemnitaires subséquentes qui lui étaient soumises, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

36. Les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Swinkels Family Brewers France à payer à M. [O] la somme de 3 360 euros net à titre d'indemnité d'occupation du domicile personnel à des fins professionnelles pour la période comprise entre les 1er juillet 2014 et 31 décembre 2017, et dit n'y avoir lieu de statuer sur l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. [O] ainsi que sur les demandes subséquentes en paiement d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt rendu le 5 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Swinkels Family Brewers France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Swinkels Family Brewers France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation plénière de chambre
Numéro d'arrêt : 22-17.315
Date de la décision : 19/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation plénière de chambre, 19 mar. 2025, pourvoi n°22-17.315, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.17.315
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