CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 mars 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 219 F-B
Pourvoi n° Q 23-10.961
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025
La société Assurance du Crédit mutuel IARD, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-10.961 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [P] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Assurance du Crédit mutuel IARD, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 novembre 2022), M. [Y], exploitant un fonds de commerce de café-bar-restaurant, a assuré son activité auprès de la société Assurances du Crédit mutuel IARD (l'assureur).
2. Le 11 janvier 2019, un incendie s'est déclaré dans les lieux assurés.
3. L'assureur s'étant prévalu des dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances en raison d'une fausse déclaration intentionnelle de l'assuré, celui-ci a saisi un tribunal le 6 juillet 2020 afin de voir constater qu'il n'avait pas procédé à une fausse déclaration et d'obtenir la condamnation de l'assureur à prendre en charge les conséquences du sinistre.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande d'indemnisation de M. [Y] et de le condamner à prendre en charge le sinistre du 11 janvier 2019 conformément aux dispositions contractuelles, alors « que dans le cadre d'une assurance incendie, si l'expertise n'est pas terminée dans les six mois à compter de la remise de l'état des pertes par l'assuré, chacune des parties peut procéder judiciairement ; que l'action introduite par l'assuré avant l'expiration de ce délai est irrecevable et ne peut être régularisée en cours de procès ; qu'en l'espèce, M. [Y], assuré, a introduit une action afin de faire constater que le contrat d'assurance incendie qu'il avait conclu avec l'assureur n'était pas nul sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances, et pour faire condamner l'assureur à prendre en charge l'intégralité du sinistre résultant de l'incendie survenu dans son établissement ; que la cour d'appel a constaté qu'à la date de l'assignation, le 6 juillet 2020, l'assuré n'avait pas remis d'état de pertes à l'assureur, ce document n'ayant été communiqué à l'assureur que le 18 octobre 2021, en cause d'appel ; qu'en jugeant toutefois que l'action introduite par M. [Y] contre l'assureur était recevable au motif qu'elle ne tendait pas au paiement d'une indemnité d'assurance, ce qui était inexact puisque l'assuré sollicitait que l'assureur soit condamné à prendre en charge le sinistre, et au motif erroné que l'action de l'assuré avait été régularisée par la production de son état de pertes en cours de procès, la cour d'appel a violé l'article L. 122-2 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 122-2 du code des assurances :
6. Aux termes de ce texte, les dommages matériels résultant directement d'un incendie ou du commencement d'un incendie sont seuls à la charge de l'assureur, sauf convention contraire. Si, dans les trois mois à compter de la remise de l'état des pertes, l'expertise n'est pas terminée, l'assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n'est pas terminée dans les six mois, chacune des parties peut procéder judiciairement.
7. Il en résulte que les parties ne sont pas recevables à saisir le juge avant l'expiration d'un délai de six mois suivant la remise de l'état des pertes à l'assureur, sauf si l'expertise amiable a pris fin avant l'expiration de ce délai.
8. Cependant, lorsque l'assureur a fait connaître son refus de garantie, l'assuré peut saisir le juge pour contester cette décision, sans être tenu de respecter la procédure prévue par l'article L. 122-2 du code des assurances.
9. Par ces motifs de pur droit, substitués d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui, après avoir constaté qu'aucun état des pertes consécutives à l'incendie n'a été remis à l'assureur avant la saisine du juge, relève que l'assureur a indiqué à l'assuré qu'il entendait se prévaloir de la nullité du contrat en application de l'article L. 113-8 du code des assurances, se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Assurances du Crédit mutuel IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances du Crédit mutuel IARD et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.