SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 173 F-D
Pourvoi n° R 23-13.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
La société Usp nettoyage, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-13.929 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale, A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi, direction régionale Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Usp nettoyage, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société USP nettoyage du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2023), le contrat de travail de M. [U] a été transféré à la société USP nettoyage (la société) qui a repris le 1er mars 2017 le marché de nettoyage de la gare de [Localité 4], avec une reprise d'ancienneté au 30 novembre 1987.
3. La société lui a notifié une mise à pied disciplinaire par lettre du 23 février 2018 pour deux refus successifs d'effectuer un travail et d'appliquer les consignes.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette sanction, invoquant en outre l'existence d'un harcèlement moral et d'une difficulté relative au coefficient qui lui avait été appliqué et sollicitant diverses indemnités à ce titre.
5. Convoqué le 26 juillet 2018 à un entretien préalable à une éventuelle sanction, la société lui a notifié le 19 septembre 2018 son licenciement pour faute grave.
6. Le salarié a ajouté à ses prétentions originaires des demandes additionnelles relatives à la contestation de ce licenciement.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents et en conséquence, d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire correspondant à ces condamnations, alors :
« 1°/ que la classification professionnelle du salarié est déterminée par les fonctions réellement exercées par lui lesquelles doivent être comparées aux conditions fixées par la convention collective ; que, selon les avenants numéros 100 et 101 des 10 octobre 2016 et 28 septembre 2017 à la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, relatifs aux salaires garantis et aux primes pour les années 2017 et 2018, l'évolution du coefficient d'un salarié au sein de la catégorie d'ouvrier qualifié dépend de ses années d'ancienneté au sein de cette catégorie ; que, pour accéder au coefficient 181, le salarié doit justifier de dix-huit années dans cette catégorie ; qu'en l'espèce, pour placer le salarié au coefficient 181 de la catégorie ouvrier qualifié, la cour d'appel a relevé que, selon les bulletins de salaire produits par le salarié, celui-ci bénéficiait de la classification d'ouvrier qualifié auprès de son ancien employeur, dont l'activité a été reprise par la société USP nettoyage en janvier 2017, au coefficient 172, et considéré qu'à cet égard, la production des bulletins de salaire antérieurs par le salarié, réclamée par l'employeur, n'apparaissait pas nécessaire ; qu'elle a, par suite, constaté qu'après le changement d'employeur, le 1er mars 2017, le salarié est demeuré au coefficient 172 jusqu'au 1er juin 2017, date à laquelle il est passé au coefficient 181 jusqu'au 1er février 2018, que, dans son courrier explicatif du 30 mars 2018, dans lequel il expose qu'un trop perçu serait récupéré, l'employeur s'est excusé d'une erreur et que le coefficient 181 a été rétabli dès le 1er mars 2018 jusqu'à la rupture du contrat de travail le 19 septembre 2018 ; qu'elle en a conclu que les retenues sur salaire, opérées en considération d'un trop-perçu et d'une erreur qui a perduré après que l'employeur l'a pourtant constatée, apparaissaient injustifiées ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le salarié disposait de l'ancienneté nécessaire dans la catégorie d'ouvrier qualifié pour bénéficier du coefficient 181, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970 ;
2°/ que la classification professionnelle du salarié est déterminée par les fonctions réellement exercées par lui lesquelles doivent être comparées aux conditions fixées par la convention collective ; qu'il revient au salarié d'établir qu'il remplit les conditions de la classification à laquelle il prétend appartenir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que, même si M. [U] n'avait pas fourni les éléments demandés, il appartenait à l'employeur de justifier la qualification de son salarié et de faire les recherches nécessaires ; qu'elle a conclu que la société USP nettoyage étant défaillante dans ses recherches, le coefficient devait être le coefficient 181 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;
3°/ qu'en l'espèce, pour placer le salarié au coefficient 181 de la catégorie ouvrier qualifié, la cour d'appel a relevé que, selon les bulletins de salaire produits par le salarié, celui-ci bénéficiait de la classification d'ouvrier qualifié auprès de son ancien employeur, dont l'activité a été reprise par la société USP nettoyage, en janvier 2017, au coefficient 172, et considéré qu'à cet égard, la production des bulletins de salaire antérieurs par le salarié, réclamée par l'employeur, n'apparaissait pas nécessaire, estimant disposer d'un point de repère sur la situation de l'intéressé avant son incorporation au sein de la société USP nettoyage qui a repris son contrat de travail le 1er mars 2017 ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour affirmer qu'elle disposait d'un point de repère sur la situation du salarié avant son incorporation au sein de la société USP nettoyage, et sans préciser quel était ce point de repère ou encore l'ancienneté du salarié au jour du transfert, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que, sauf volonté claire et non équivoque de l'employeur de reconnaître au salarié une qualification supérieure, celle-ci correspond aux fonctions réellement exercées par lui ; qu'en l'espèce, pour placer le salarié au coefficient 181 de la catégorie ouvrier qualifié, la cour d'appel a constaté qu'après le changement d'employeur, le 1er mars 2017, le salarié est demeuré au coefficient 172 jusqu'au 1er juin 2017, date à laquelle il est passé au coefficient 181 jusqu'au 1er février 2018, que, dans son courrier explicatif du 30 mars 2018, dans lequel il expose qu'un trop perçu serait récupéré, l'employeur s'est excusé d'une erreur et que le coefficient 181 a été rétabli dès le 1er mars 2018 jusqu'à la rupture du contrat de travail le 19 septembre 2018 ; qu'elle a, au surplus, relevé que la société USP nettoyage soutenait toujours, en cause d'appel, que l'augmentation de salaire accordée à M. [U] l'avait été par erreur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'attribution du coefficient 181 résultait d'une erreur de l'employeur, exclusive d'une volonté claire et non équivoque de surclasser le salarié, ce qui devait la conduire à rechercher les conditions réelles d'accomplissement des fonctions, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a d'abord constaté que les bulletins de salaire mentionnaient à compter du 1er juin 2017 jusqu'au 1er février 2018, un coefficient 181, puis que dans un courrier explicatif du 30 mars 2018, dans lequel il exposait qu'un trop perçu serait récupéré, l'employeur s'excusait d'une erreur.
10. Elle a ensuite relevé que le coefficient 181 avait pourtant été rétabli dès le 1er mars 2018 jusqu'à la rupture du contrat de travail le 19 septembre 2018 et en a déduit que les retenues sur salaire opérées en considération d'un trop-perçu et d'une erreur qui avait perduré après que l'employeur l'avait pourtant constatée étaient injustifiées.
11. En l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressortait que le niveau de rémunération conventionnelle au coefficient 181 avait été reconnu par l'employeur, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche concernant les fonctions réellement exercées par le salarié que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'irrecevabilité des demandes liées au licenciement et, en conséquence, de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents et à titre d'indemnité de licenciement et d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire correspondant à ces condamnations, alors :
« 1°/ que les demandes additionnelles par lesquelles une partie modifie ses prétentions antérieures, ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, il est constant que M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours le 23 mai 2018 de demandes relatives à la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre le 23 février 2018, à un harcèlement moral et d'une difficulté relative au coefficient qui lui a été appliqué ; que la cour d'appel a retenu que les demandes de M. [U] afférentes à son licenciement, présentées au cours de la procédure de première instance, présentent un lien suffisant avec ses demandes initiales, afférentes au même contrat de travail ; qu'elle en a conclu que, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, cette demande était donc recevable ; qu'en statuant ainsi, alors que les demandes originaires, relatives à l'exécution du contrat de travail, et les demandes additionnelles, relatives à la rupture de ce contrat, faute de poursuivre les mêmes fins, ne pouvaient présenter entre elles un lien suffisant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile ;
2°/ que les demandes additionnelles, par lesquelles une partie modifie ses prétentions antérieures, ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, il est constant que M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours le 23 mai 2018 de demandes relatives à la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre le 23 février 2018, à un harcèlement moral et d'une difficulté relative au coefficient qui lui a été appliqué ; que la cour d'appel a retenu que les demandes de M. [U] afférentes à son licenciement, présentées au cours de la procédure de première instance, présentent un lien suffisant avec ses demandes initiales, afférentes au même contrat de travail ; qu'elle en a conclu que, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, cette demande était donc recevable ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que les demandes étaient relatives au même contrat de travail, la cour d'appel a derechef violé l'article 70 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
14. Selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ou reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
15. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes au titre du licenciement notifié le 19 septembre 2018, formées par le salarié dans l'instance initialement introduite en vue d'obtenir la nullité de la mise à pied notifiée le 23 février 2018 et le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre du coefficient de 181 de la classification conventionnelle et de dommages-intérêts pour harcèlement moral, a pu en déduire, dès lors que les motifs visés dans la lettre de licenciement étaient en lien avec les faits invoqués par le salarié au titre du harcèlement moral, que les demandes additionnelles se rattachaient par un lien suffisant à ses prétentions originaires et qu'elles étaient recevables.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société USP nettoyage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Usp nettoyage ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.