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13/02/2025 | FRANCE | N°22-11.778

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 13 février 2025, 22-11.778


CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 février 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 152 F-D

Pourvoi n° H 22-11.778







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025


1°/ la société Bee Design, sociét

é par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en la perso...

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 février 2025




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 152 F-D

Pourvoi n° H 22-11.778







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025


1°/ la société Bee Design, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en la personne de M. [T] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bee Design,

3°/ la société BMA administrateurs judiciaires, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de M. [K] [W], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bee Design,

ont formé le pourvoi n° H 22-11.778 contre l'arrêt n° RG : 21/01106 rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société La Coutellerie de Laguiole - Honoré Durand, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société La Coutellerie de Laguiole - Christophe Durand, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Bee Design, en redressement judiciaire, de la société MJS Partners, agissant en la personne de M. [T] [X], en qualité de liquidateur judicaire de la société Bee Design, de la société BMA administrateurs judiciaires, agissant en la personne de M. [K] [W], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bee Design, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société La Coutellerie de Laguiole - Honoré Durand et de la société La Coutellerie de Laguiole - Christophe Durand, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société BMA administrateurs judiciaires, prise en la personne de M. [W], de sa reprise d'instance en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bee Design.

2. Il est donné acte à la société M.J.S. Partners, représentée par M. [X], de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bee Design.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 novembre 2021) et les productions, sur demande des sociétés La Coutellerie de Laguiole - Honoré Durand et La Coutellerie de Laguiole - Christophe Durand (les Coutelleries de Laguiole), un arrêt du 15 mai 2020 de la cour d'appel de Montpellier a condamné la société Bee Design à cesser, sous astreinte, « toute pratique commerciale trompeuse sur son site internet ou tout autre support de communication (blog, brochure, etc.) et notamment, d'utiliser les expressions "boutique officielle Laguiole", "site officiel Laguiole", "protège de la contrefaçon", "boutique en ligne officielle de la marque Laguiole", et de se présenter sous l'expression générique "Laguiole". »

4. Saisi par les Coutelleries de Laguiole, un juge de l'exécution a prononcé la liquidation de l'astreinte provisoire, a condamné la société Bee Design à leur payer la somme de 92 000 euros assortie d'intérêts de retard et a ordonné la reconduction de l'astreinte provisoire.

5. La société Bee Design a été placée en redressement judiciaire puis a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation. La société M.J.S. Partners, prise en la personne de M. [X], et la société BMA administrateurs judiciaires, prise en la personne de M. [W], ont été désignées respectivement mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société Bee Design.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa neuvième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et septième branches

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 3 septembre 2024, où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre.

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et huitième branches

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, après débats à l'audience publique du 3 septembre 2024, où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

8. La société Bee Design fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la liquidation de l'astreinte provisoire fixée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 15 mai 2020 à la somme de 92 000 euros pour une période d'inexécution de 92 jours consécutifs, du 9 août 2020 au 8 novembre 2020 inclus, condamné en conséquence la société Bee Design à payer aux sociétés Coutelleries de Laguiole la somme de 92 000 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal et ordonné la reconduction de l'astreinte provisoire à hauteur de 2 500 euros par jour de retard, sans condition de durée, pour assurer le strict respect de l'injonction judiciaire, telle que fixée par les dispositifs combinés du jugement du tribunal de commerce de Rodez du 2 mai 2017 et de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 15 mai 2020, et ce, à compter du lendemain de la signification du jugement, alors :

« 4°/ que si le juge statuant sur la liquidation de l'astreinte doit déterminer l'étendue exacte de l'obligation assortie de celle-ci et dire si cette obligation a été ou non remplie, il doit cependant s'en tenir à cette vérification, sans pouvoir porter une nouvelle appréciation sur les faits ni mettre à la charge du débiteur de l'astreinte de nouvelles obligations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que l'injonction faite à la société Bee Design ne se limitait pas à s'abstenir d'utiliser les quatre expressions" visées dans les dispositifs des décisions rendues au fond, mais s'étendait au-delà à toute autre expression consistant en une pratique commerciale trompeuse sur son site internet ou tout autre support de communication" ; qu'en conséquence, la cour d'appel ne s'en est pas tenue à la vérification de l'exécution de l'obligation assortie de l'astreinte, mais a été conduite à apprécier de nouveaux faits comme un juge du fond pour déterminer si l'usage des expressions incriminées constituait ou non des pratiques commerciales trompeuses ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs de juge de l'exécution et violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

5°/ que le juge de l'exécution ne peut modifier ni l'obligation assortie de l'astreinte ni le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que l'injonction faite à la société Bee Design ne se limitait pas à s'abstenir d'utiliser les quatre expressions" visées dans les dispositifs des décisions rendues au fond, mais s'étendait au-delà à toute autre expression consistant en une pratique commerciale trompeuse sur son site internet ou tout autre support de communication" ; que cette lecture de l'injonction litigieuse a conduit la cour d'appel à devoir elle-même qualifier de nouvelles pratiques mises en œuvre par la société Bee Design pour déterminer si celles-ci pouvaient ou non être sanctionnables au titre des pratiques commerciales trompeuses et, par voie de conséquence, à modifier le dispositif des décisions ayant prononcé la condamnation, ces décisions n'ayant pas tranché la question du caractère trompeur ou non de l'utilisation des expressions litigieuses, telles que modifiées par la société Bee Design ; qu'en liquidant néanmoins l'astreinte, cependant que cette liquidation ne pouvait se faire sans modifier le dispositif des décisions de justice servant de fondement aux poursuites, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

6°/ que le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ; qu'en l'espèce, tandis que les décisions ayant prononcé l'astreinte litigieuse visaient exclusivement, au titre des pratiques commerciales trompeuses imputées à la société Bee Design, les articles L. 120-1, L. 121-1, L. 121-1-1 et suivants du code de la consommation, la cour d'appel, par motifs adoptés du premier juge, a retenu que cette pratique commerciale trompeuse judiciairement sanctionnée au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation, (…) constitue le cœur de l'interdiction qui lui est faite" et, par motifs propres, a fait application de ce dernier texte pour déterminer si l'expression Boutique officielle de la marque Laguiole" caractérisait une pratique commerciale trompeuse ; qu'en appréciant au regard de ce texte, n'ayant pas servi de fondement aux décisions rendues au fond, l'existence et l'exécution des obligations mises à la charge de la société Bee Design, la cour d'appel a violé les articles L. 131-4 et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

8°/ qu'il appartient au créancier de l'injonction prononcée sous astreinte d'apporter la preuve de l'inexécution de l'injonction judiciaire ; qu'en énonçant en l'espèce, par motifs adoptés du premier juge, que la société Bee Design, sur qui pèse désormais la charge de la preuve, n'est pas convaincante à démontrer qu'elle a exécuté les décisions du tribunal de commerce et de la cour d'appel" et qu'elle ne démontre pas que les indications figurant sur son site internet ne caractérisent plus une pratique commerciale trompeuse qui induit en erreur le public sur les qualités substantielles de ses produits, leur origine et leur mode de fabrication, ainsi que sur les droits et aptitudes du professionnel", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

10. Si, en application de l'article R. 121-1, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, il lui appartient d'en fixer le sens.

11. Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Bee Design utilisait sur son site internet et sur des supports de communication des expressions correspondant partiellement ou totalement à celles qu'elle devait cesser d'utiliser, l'arrêt retient que la condamnation à cesser les actes litigieux était plus large que l'utilisation des quatre expressions « boutique officielle Laguiole », « site officiel Laguiole », « protège de la contrefaçon » et « boutique en ligne officielle de la marque Laguiole », précisément visées dans le dispositif du jugement. Il ajoute que l'utilisation de l'adverbe « notamment » signifie que cette énumération d'expressions illustre la prohibition générale et n'est pas limitative et qu'ainsi d'autres expressions sont également interdites si celles-ci caractérisent aussi des pratiques commerciales trompeuses.

12. Par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient encore qu'en utilisant sur son site internet les expressions « Laguiole attitude. Boutique en ligne officielle de la marque Laguiole » et « Laguiole-Attitude.com, site officiel de vente en ligne des produits de la marque Laguiole », la société Bee Design a poursuivi une pratique commerciale trompeuse de nature à induire en erreur le public sur les qualités substantielles de ses produits, leur origine et leur mode de fabrication, ainsi que sur les droits et aptitudes du professionnel.

13. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas modifié le dispositif de la décision dont l'exécution était poursuivie mais a souverainement déterminé l'étendue de l'obligation mise à la charge de la société Bee Design au regard des motifs de cette décision a, sans inverser la charge de la preuve, retenu à bon droit que la société Bee Design avait poursuivi les pratiques commerciales trompeuses que la cour d'appel de Montpellier avaient interdites.

14. Inopérant en sa sixième branche, qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société M.J.S. Partners, prise en la personne de M. [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bee Design, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-11.778
Date de la décision : 13/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier 5A


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 13 fév. 2025, pourvoi n°22-11.778


Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.11.778
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