CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 94 F-D
Pourvoi n° W 23-16.648
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 FÉVRIER 2025
1°/ M. [V] [H], domicilié [Adresse 2],
2°/ la société Léa, société civile immobilière (SCI), dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° W 23-16.648 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [K] [P], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société [H] BLMS, société à responsabilité limitée (SARL), dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société PN Béton [Localité 5], société à responsabilité limitée (SARL), dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société PN Béton [Localité 6], société à responsabilité limitée (SARL), dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à Mme [O] [B], domiciliée [Adresse 4], en qualité de liquidateur de la SCI Martin ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [H], et de la société Léa, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [H] et à la société Léa du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés [H] blms, Pn béton [Localité 5], Pn béton [Localité 6], et Mme [B] en qualité de liquidateur de la société Martin.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 avril 2023), par acte sous seing privé du 5 juillet 2010, les sociétés [H] Blms, Pn béton Bolbec, Pn béton [Localité 6], appartenant au groupe [H], ont cédé à la société Holcim bétons leur activité de fabrication et de commercialisation de béton prêt à l'emploi par la vente des fonds de commerce dans lesquels elle était exploitée. Il n'était pas stipulé de clause d'indivisibilité.
3. La vente a été réitérée par acte authentique du 6 octobre 2010, reçu par M. [P], notaire (le notaire), auquel les sociétés civiles immobilières Léa et Martin sont intervenues en qualité de propriétaires des immeubles permettant l'exploitation des fonds cédés.
4. L'annulation de la vente du fonds de commerce de la Sarl Pn béton [Localité 6] ayant été prononcée par jugement du 16 mai 2011 confirmé par arrêt du 13 septembre 2012, M. [H], les sociétés [H] Blms, Pn béton [Localité 5], Pn béton [Localité 6], Léa et Martin, ainsi que Mme [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pn Béton [Localité 6], ont assigné le notaire, Mme [Y], en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire des sociétés [H] Blms et Pn béton [Localité 5], ainsi que M. [U], en qualité d'administrateur au redressement judiciaire des sociétés [H] Blms et Pn béton [Localité 5] pour voir condamner le notaire en paiement de dommages et intérêts notamment pour n'avoir proposé aucune alternative aux formes de la cession des fonds de commerce et ne s'être pas assuré de l'efficacité et de la régularité de la cession de branche d'activité, qui s'était avérée partiellement remise en cause s'agissant du fonds de la Sarl Pn Béton [Localité 6].
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses deuxième à huitième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [H] et la société Léa font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, quand bien même l'engagement des parties procéderait d'un accord antérieur ; que le notaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en l'espèce, il était constant que Me [P] avait instrumenté l'acte authentique du 6 octobre 2010 ; que la cour d'appel a toutefois retenu que Me [P] n'avait pas été sollicité pour l'élaboration de la cession des fonds de commerce, et que les parties avaient signé le compromis de vente sous seing privé le 5 juillet 2010 sans consultation du notaire ; qu'elle en a déduit que celui-ci n'avait pas commis de manquement à son devoir de conseil, dans la mesure où il n'était pas démontré que les parties recherchaient encore une réflexion sur le projet d'acte en exécution du compromis ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a méconnu la portée du devoir de conseil du notaire, qui est toujours dû même lorsque les parties se sont préalablement mises d'accord sur leur engagement, et a en conséquence violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir relevé que l'annulation de la vente du fonds de commerce de la Sarl Pn béton [Localité 6] avait été prononcée pour dol en raison de la dissimulation d'injonctions de travaux de mise en conformité émises par l'administration et non suivies d'effet, l'arrêt retient que l'absence de clause d'indivisibilité n'avait pas été préjudiciable aux cédants mais avait, au contraire, permis de limiter les enjeux du litige.
8. La cour d'appel ayant ainsi fait ressortir qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués, le moyen qui soutient qu'elle a méconnu l'étendue du devoir de conseil du notaire est inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H] et la société Léa aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et la société Léa et les condamne à payer à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.