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12/02/2025 | FRANCE | N°23-12.706

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 12 février 2025, 23-12.706


CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 février 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 98 F-D

Pourvoi n° M 23-12.706




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 FÉVRIER 2025

1°/ la société Jb Solar, société par

actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dont le siège est [Adresse 4],

2°/ Mme [B] [W], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 23-12.706 contre l'ar...

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 février 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 98 F-D

Pourvoi n° M 23-12.706




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 FÉVRIER 2025

1°/ la société Jb Solar, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dont le siège est [Adresse 4],

2°/ Mme [B] [W], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 23-12.706 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2023 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Jb Solar, et de Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 janvier 2023) le 24 février 2010, la société JB Solar a conclu avec la société One Network Energies (le vendeur) un contrat portant sur l'achat d'une centrale photovoltaïque.

2.Par acte sous seing privé du 29 mars 2010, la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] (la banque) a consenti à la société JB Solar (l'emprunteur), un prêt professionnel scindé en deux crédits, ayant pour objet, pour l'un, l'achat de matériel, pour l'autre, son installation. Par acte séparé du même jour Mme [K], née [W] (la caution), présidente de la société JB Solar, s'est portée caution solidaire de ces deux prêts professionnels.

3. L'emprunteur ayant cessé de faire face au remboursement de ses prêts, la banque, après déchéance du terme de chacun d'eux, a assigné l'emprunteur et la caution en paiement.

4. Parallèlement, par un jugement du 10 février 2020, le contrat d'achat de la centrale photovoltaïque a été résolu.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5.L'emprunteur et la caution font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les déboute de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et en ce qu'il les condamne, respectivement en tant que débitrice et caution, à payer à la banque différentes sommes au titre des crédits augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement, alors « que sont indivisibles, comme participant d'une opération unique, le contrat de prêt qui n'a été consenti qu'en considération de la prestation promise par un tiers à l'emprunteur qu'il est destiné à financer et qu'il mentionne spécifiquement, et le contrat conclu entre l'emprunteur et ce tiers ; qu'en l'espèce, les exposants avaient rappelé que le vendeur, fournisseur de la centrale photovoltaïque aux termes d'un contrat « clé en main », a négocié directement auprès de la banque les prêts que celle-ci a accordés à l'emprunteur pour « l'installation d'une centrale photovoltaïque », objet spécifiquement mentionné dans le contrat de crédit qui stipulait que les fonds prêtés ne pouvaient servir qu'à l'installation de la centrale à peine de déchéance du terme ; qu'ils avaient également souligné qu'à titre de garantie de remboursement du prêt, la banque avait exigé que lui soit consentie une cession de créances Dailly sur les redevances dues par EDF au titre du contrat d'achat d'électricité que le vendeur devait obtenir dans le cadre de l'exécution du contrat d'installation de la centrale photovoltaïque ; qu'en écartant toute indivisibilité ou interdépendance de ces contrats, au motif erroné que l'interdépendance des contrats est une notion concrète en ce que l'un des contrats ne peut s'exécuter indépendamment de l'autre, sans rechercher s'il ne résultait pas des conditions de conclusion des contrats et des mentions qui y figuraient que les parties aux contrats de prêt et d'installation de la centrale photovoltaïque avaient entendu qu'ils soient indivisibles comme participant d'une opération unique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1218 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 :

6. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

7. Il en résulte que lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, si l'autre partie en avait connaissance.

8. Pour dire que les contrats n'étaient ni interdépendants ni indivisibles et que la résolution du contrat de vente par un jugement désormais définitif n'entraînait pas la caducité non plus que la résolution des contrats de prêt, l'arrêt relève que l'interdépendance est une notion concrète qui suppose que l'un des contrats ne puisse s'exécuter indépendamment de l'autre. Il retient que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le contrat d'achat a été conclu un mois avant la souscription des contrats de prêts, qu'aucune condition suspensive d'obtention de financement bancaire n'y était mentionné et que les fonds prêtés n'avaient pas été versés directement au vendeur par la banque sur présentation d'une facture validée par l'emprunteur mais virés directement sur le compte de l'emprunteur, en une fois, de sorte que si le vendeur avait interrompu les travaux l'emprunteur aurait pu utiliser les fonds empruntés pour les faire terminer par une autre entreprise, aucune disposition contractuelle ne s'y opposant.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne résultait pas des conditions dans lesquelles les contrats avaient été directement négociés par le vendeur auprès de la banque, des dispositions contractuelles décrivant la nature du projet financé et prévoyant l'affectation des fonds prêtés à l'installation de la centrale à peine de déchéance du terme, ainsi que de l'engagement de cession par l'emprunteur à la banque, sous forme de bordereaux Dailly, des redevances procurées par la vente d'électricité, que les parties avaient entendu faire de ces contrats un ensemble contractuel indivisible comme participant d'une opération unique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la banque, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en déclarant prescrite la demande de dommages-intérêts de l'emprunteur contre la banque cependant que celle-ci n'avait formulé aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action que ce soit dans la discussion ou dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4, alinéa 1er, et 5 du code de procédure civile :

11. Il résulte du premier de ces textes que l 'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et du second que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

12. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts formée par l'emprunteur contre la banque, l'arrêt constate que cette dernière soulève la prescription de cette action au motif que les manquements allégués sont antérieurs à la formation du contrat, daté du 7 février 2010 et soumis à la prescription quinquennale. Il relève que l'action principale a été introduite par la banque les 19 et 25 octobre 2016 et la demande indemnitaire présentée reconventionnellement ensuite, et en déduit qu'elle est donc prescrite et irrecevable.

13 En statuant ainsi, en l'état de conclusions demandant de confirmer le jugement en ce qu'il avait jugé prescrite la demande reconventionnelle de la caution au titre d'un manquement au devoir de mise en garde de la banque et rejeté les demandes indemnitaires de l'emprunteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation des chefs de dispositif ayant infirmé le jugement, en ce qu'il a débouté l'emprunteur de sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts formée par l'emprunteur contre la banque, et ayant confirmé le jugement, en ce qu'il a condamné l'emprunteur et la caution au paiement de diverses sommes à la banque et rejeté leurs demandes, n'emporte pas celle du chef de dispositif infirmant le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts de la caution.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement pour avoir déclaré irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts de Mme [K] et, statuant à nouveau, déclare cette demande recevable, l'arrêt rendu le 17 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel de [Localité 3] et la condamne à payer à la société JB Solar et à Mme [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-12.706
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes 02


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 12 fév. 2025, pourvoi n°23-12.706


Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.12.706
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