SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 135 F-D
Pourvoi n° G 23-11.369
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025
M. [H] [Z], domicilié [Adresse 5], [Localité 4], a formé le pourvoi n° G 23-11.369 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Alliance MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], représentée par M. [I] [J], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Doniclean,
2°/ au CGEA d'[Localité 9], dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6],
3°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7], anciennement dénommé Pôle emploi,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Alliance MJ, ès qualités, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 novembre 2022), M. [Z] a été engagé en qualité de chef d'équipe par la société Doniclean (la société) le 3 avril 2018.
2. Le 4 mars 2019, il a été nommé président de cette société.
3. Le 1er octobre 2019, la société a été placée en liquidation judiciaire et la société Alliance MJ, prise en la personne de M. [J], désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
4. Le 14 octobre 2019, l'intéressé a été licencié pour motif économique.
5. Il a saisi la juridiction prud'homale pour se voir reconnaître la qualité de salarié dès son embauche jusqu'à la date d'expiration du préavis et obtenir la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. L'intéressé fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail a été nové en contrat de mandataire social et qu'il ne peut plus prétendre au versement d'un salaire à compter du mois de mars 2019, de le débouter de ses demandes en reconnaissance de sa qualité de salarié du 3 avril 2018 au 14 novembre 2019, en inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société de diverses sommes lui revenant à la suite de son licenciement intervenu le 14 octobre 2019 et à titre de dommages-intérêts pour non-délivrance de l'attestation Pôle emploi, de ses demandes de remise de bulletins de salaire de septembre à novembre 2019, d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un reçu de solde de tout compte sous astreinte, de sa demande en garantie de l'AGS et que la décision à intervenir soit opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 9] et que l'AGS et le CGEA compétent garantissent les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Doniclean et de le condamner à rembourser à la société Allianz MJ, ès qualités, une somme au titre des salaires perçus à compter du 4 mars 2019 et de rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale, alors « que la novation se présume pas ; que la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte ou de circonstances dépourvues d'équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé, par motifs propres comme adoptés, que l'intention de nover le contrat de travail de l'intéressé en mandat social résultait de l'article 11 des statuts mis à jour de la société [qui] dispose que le Président est nommé pour une durée indéterminée [et] confirme que les fonctions sociales ont effectivement absorbé les fonctions salariales qui n'existaient donc plus postérieurement au 3 mars 2019", de l'extrait Kbis de la société désignant l'intéressé en tant que dirigeant, du courrier de la Société générale désignant ce dernier comme seul signataire autorisé à faire fonctionner le compte de la société, et l'absence d'élément justifiant d'un travail effectif à compter du 4 mars 2019 ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs seulement relatifs à l'exercice, par l'intéressé, de ses fonctions de direction de la société, sans caractériser une volonté dépourvue d'équivoque de nover son contrat de travail en mandat social, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si aucune des parties n'avait expressément prévu la novation du contrat de travail en mandat social et si les circonstances éventuellement tirées de l'absence de cumul entre ce contrat de travail et le mandat social ne devait pas conduire à retenir que le contrat de travail avait été seulement suspendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1330 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail :
8. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
9. Selon le second, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord dans certaines conditions.
10. Sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin.
11. Pour débouter l'intéressé de ses demandes liées à la poursuite du contrat de travail, l'arrêt retient que celui-ci a été nové en mandat social à compter du mois de mars 2019, en relevant que l'intéressé n'exerçait plus de fonctions techniques distinctes du mandat social et que sa désignation dans les statuts comme président pour une durée indéterminée confirmait l'absorption des fonctions salariales par les fonctions sociales et démontrait cette intention novatoire.
12. En se déterminant ainsi, sans caractériser la volonté claire et sans équivoque des parties de mettre fin au contrat de travail en raison de l'exercice du mandat social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
13. Le second moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision rejetant l'exception d'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt que le moyen n'est pas susceptible d'atteindre.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare M. [Z] recevable en son appel et qu'il rejette l'exception d'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale, l'arrêt rendu le 8 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Alliance MJ, prise en la personne de M. [J], désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Doniclean aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alliance MJ, prise en la personne de M. [J], désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Doniclean et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.