SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 141 F-D
Pourvoi n° S 22-22.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025
La société Procter & Gamble France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-22.160 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [O], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Procter & Gamble France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 septembre 2022), M. [O] a été engagé en qualité de chef de section au sein de la direction commerciale, classification cadre débutant de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, par la société Procter & Gamble France, par contrat de travail à durée indéterminée du 5 mai 1997.
2. En dernier lieu et depuis le mois de juin 2013, il a occupé le poste de directeur associé commercial au sein de la société Procter & Gamble Israël M.D.O. à Tel Aviv où il s'était installé avec sa famille.
3. Le salarié s'est vu notifier son licenciement le 1er février 2016.
4. Le 18 avril 2016, il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié les sommes de 128 873 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 380 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que les indemnités visant à compenser les frais de logement et de véhicule d'un salarié lors de son expatriation à l'étranger ont la nature de frais professionnels ; que ces indemnités versées au salarié pour couvrir de telles charges spéciales inhérentes à l'emploi en expatriation ne constituent pas un complément de salaire ; qu'en se fondant sur le motif impropre selon lequel ''la fourniture, par l'employeur, d'un logement et d'un véhicule constituent des avantages en nature qu'il y a lieu d'inclure dans le montant de la rémunération du salarié pour le calcul des indemnités de rupture'' pour retenir que les frais de logement et de véhicule de M. [O] lors de son expatriation en Israël au sein de la société Procter & Gamble Israël devaient être qualifiés de salaire et pris en compte pour le calcul de son salaire moyen, sans vérifier s'ils ne correspondaient pas à des charges de caractère spécial inhérentes à l'expatriation en Israël ayant pour but de compenser le coût de la vie engendrée par l'expatriation à l'étranger du salarié et non de rémunérer la prestation de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 3221-3, R. 3243-1 et R. 1234-4 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;
2°/ qu'en réintégrant dans la rémunération du salarié les primes de risque liées à la situation géopolitique en Israël et primes de coût de la vie versées au cours de sa période d'expatriation en Israël aux seuls motifs qu'elles ''doivent de même entrer dans l'assiette de calcul du salaire de référence'', sans vérifier, ni rechercher, si ces indemnités ne visaient pas lors de ces périodes d'expatriation à compenser le coût plus élevé de la vie et la situation géopolitique auxquels était exposé le salarié lors de cette expatriation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 3221-3, R. 3243-1 et R. 1234-4 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;
3°/ que l'article 14 de l'avenant n° 111 du 16 juin 1955 ingénieur et cadres de la convention collective nationale des industries chimiques du 30 décembre 1952, afférent au calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, énonce que ''pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles notamment celles résultant de l'application de l'article 17'' ; qu'en retenant que devaient être pris en compte dans le salaire moyen pris en compte pour le calcul de ses indemnités de rupture, dont l'indemnité conventionnelle de licenciement, la prise en charge des frais de logement et de véhicule, sans vérifier si, comme le soutenait la société Procter & Gamble France, ces prises en charge n'avaient pas la valeur de remboursement de frais exposés en Israël, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de l'avenant n° 111 du 16 juin 1955 Ingénieur et Cadres de la Convention collective nationale des industries chimiques. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article 14.3 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatif aux ingénieurs et cadres attaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, la base de calcul de l'indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement ; elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le préavis de congédiement. Pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, les indemnités n'ayant pas le caractère d'un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou le fait d'un complément de rémunération annuelle, à l'exclusion des gratifications exceptionnelles, notamment celles résultant de l'application de l'article 17.
8. L'arrêt retient que les documents « expatriation compensation statement » font état, outre le salaire de base, de frais de logement (housing allowance, utility allowance, additional utility allowance, below host housing maximum incentive), d'une prime de risque liée à la situation géopolitique en Israël (location premium) et d'une prime de coût de la vie (cost of living allowance), que le salarié bénéficiait d'un véhicule dont le coût était pris en charge par l'employeur, que la fourniture, par l'employeur, d'un logement et d'un véhicule constituent des avantages en nature qu'il y a lieu d'inclure dans le montant de la rémunération du salarié pour le calcul des indemnités de rupture et que la prime de risque et la prime liée au surcoût de la vie en Israël doivent de même entrer dans l'assiette de calcul du salaire de référence.
9. Ayant fait ressortir que ces frais et primes étaient constitutifs de compléments de salaire et déduit qu'ils devaient entrer dans l'assiette de calcul du salaire de référence, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à l'allégation de l'employeur dépourvue d'offre de preuve sur la réalité des dépenses engagées par le salarié liées exclusivement à son expatriation, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Procter & Gamble France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Procter & Gamble France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.