CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 94 F-D
Pourvoi n° V 21-13.120
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
Mme [B] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-13.120 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Hénon, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2021), la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV) a notifié à Mme [H] (la cotisante) une mise en demeure, puis lui a décerné, le 28 janvier 2015, une contrainte pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2011, 2012 et 2013.
2. La cotisante a formé opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel formé par la CIPAV, qui est préalable
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi principal formé par la cotisante, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La cotisante fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son opposition à contrainte, alors :
« 1° / que le cotisant n'a pas antérieurement contesté devant la commission de recours amiable (CRA) la mise en demeure de payer des cotisations et majorations de retard adressée par un organisme de sécurité sociale, il est recevable à contester, dans le cadre de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien fondé des sommes réclamées ; qu'en retenant au contraire en l'espèce que l'opposition à la contrainte de la cotisante était irrecevable en l'absence de contestation préalable devant la CRA de la mise en demeure du 8 septembre 2014, la cour d'appel a violé les articles L. 142- 1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, R. 142-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, R. 133-3, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-988 du 20 août 2009 et R. 142-18 dans sa rédaction issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, du code de la sécurité sociale ;
3°/ que si le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, ne peut plus contester la régularité et le bien fondé des cotisations réclamées dans le cadre d'une opposition à contrainte, ladite opposition à contrainte demeure néanmoins recevable ; qu'en jugeant irrecevable l'opposition à contrainte de la cotisante au prétexte qu'elle n'avait pas contesté devant la commission de recours amiable la mise en demeure qui lui avaient été adressée, cependant que l'absence de contestation des mises en demeure n'avait pas pour effet de rendre irrecevable l'opposition à contrainte, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, dans sa rédaction issue de la loi du 13 février 2008, R. 142-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, R. 133-3, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-988 du 20 août 2009 et R. 142-18, dans sa rédaction issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à l'encontre de laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification.
6. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification.
7. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose de recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte.
8. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.
9. Pour déclarer irrecevable l'opposition à contrainte, l'arrêt retient que sous couvert d'une opposition à la contrainte, la cotisante conteste en réalité le bien-fondé des sommes réclamées préalablement dans la mise en demeure qui lui a été régulièrement notifiée et qui n'a pas été contestée.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de sa demande de radiation au visa de l'article 526 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.