CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 67 F-D
Pourvoi n° A 23-19.987
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025
Mme [I] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-19.987 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [X], de la SCP Richard, avocat de M. [P], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2023), le 12 juillet 2016, M. [P] a vendu à [M] [X] un camping-car d'occasion. Le 13 juin 2019, invoquant des dysfonctionnements, Mme [X], venant aux droits de son époux, décédé, a assigné M. [P] en référé afin d'obtenir une expertise. Une ordonnance du 12 juillet 2019, rectifiée le 9 août 2019, a accueilli sa demande et le rapport d'expertise a été déposé le 2 novembre 2020.
2. Le 18 novembre 2021, Mme [X] a assigné en garantie des vices cachés M. [P], qui lui a opposé la forclusion de son action.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors « que le délai pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription, susceptible de suspension ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action diligentée par Mme [X] contre M. [P] en garantie des vices cachés, la cour d'appel a considéré que le délai biennal pour agir en garantie des vices cachés commençant à courir le 22 mars 2018, interrompu par l'assignation en référé délivrée par Mme [X] le 13 juin 2019, avait recommencé à courir le 9 août 2019, date de l'ordonnance rectificative ayant désigné l'expert judiciaire, pour expirer le 9 août 2021 à minuit, de sorte que la prescription de l'action intentée le 18 novembre 2021 était acquise ; qu'en statuant ainsi alors que, comme l'a fait valoir Mme [X], le délai de l'action en garantie des vices cachés, interrompu par l'assignation en référé du 13 juin 2019, avait été suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit le 2 novembre 2020, pour recommencer à courir à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2239 du code civil :
5. Il résulte de ces textes, d'une part, que le délai de deux ans prévu pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription, d'autre part, que, lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, ce délai est suspendu et recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.
6. Pour déclarer irrecevable l'action, l'arrêt énonce que le délai de deux ans prévu à l'article 1648 du code civil est un délai de forclusion qui ne peut être suspendu et retient que, si ce délai a été interrompu par l'assignation du 13 juin 2019, il a recommencé à courir le 9 août 2019, date de l'ordonnance rectificative désignant l'expert judiciaire, et a expiré le 9 août 2021, antérieurement à l'action intentée par Mme [X] le 19 novembre 2021.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq.