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29/01/2025 | FRANCE | N°23-19.263

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 29 janvier 2025, 23-19.263


SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2025




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° P 23-19.263






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2025

La

société MDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-19.263 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, ...

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2025




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° P 23-19.263






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2025

La société MDF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 23-19.263 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société MDF, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 juin 2022), M. [O] a été engagé en qualité de charpentier bardeur par la société MDF, le 1er mars 2013, par contrat à durée indéterminée de chantier. Ce contrat, qui contenait une clause par laquelle le salarié s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions, s'est poursuivi après la fin du chantier pour lequel il avait été conclu.

2. Le salarié ayant refusé son affectation à un autre chantier, l'employeur l'a licencié pour faute grave.

3. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à ce dernier des sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnités de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en considérant que la clause du contrat de travail signé le 1er mars 2013, selon laquelle le salarié s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions", avait perdu de son effet obligatoire" en raison de la fin du chantier de Seyssins, seul visé dans le contrat de travail, tout en constatant cependant que ce contrat de travail n'avait pas été résilié à la fin du chantier de Seyssins et qu'il s'était poursuivi avec l'affectation du salarié sur d'autres chantiers", ce dont il résultait nécessairement que la clause litigieuse continuait à faire la loi des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce et l'article L. 1121-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de sommes de ce chef ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage, l'arrêt retient que le contrat de travail, qui n'a pas été résilié à la fin du chantier de [Localité 4], s'est poursuivi avec l'affectation du salarié sur d'autres chantiers et que, dès lors, la clause par laquelle le salarié s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions, en ce qu'elle définit des déplacements par rapport à un lieu de travail fixe, lequel faisait référence à un chantier terminé depuis plusieurs années, avait perdu son effet obligatoire.

7. En statuant ainsi, alors que la clause du contrat selon laquelle le salarié s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions n'avait pas perdu son effet obligatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique ; qu'en considérant qu'il ne pouvait être reproché au salarié son refus de rejoindre sa nouvelle affectation sur le chantier Urban Lodge, au motif que la clause par laquelle il s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions était dénuée de tout effet obligatoire, cependant qu'à supposer même cette clause privée d'effet obligatoire, celui-ci n'en restait pas moins tenu, en raison de la spécificité des fonctions qu'il exerçait, de se déplacer dans l'intérêt de l'entreprise sur les chantiers confiés à celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 1221-1 du code du travail :

9. Il résulte de ces textes qu'un déplacement occasionnel peut être imposé à un salarié lorsqu'il s'inscrit dans le cadre habituel de son activité, qu'il est justifié par l'intérêt de l'entreprise et que le salarié a été prévenu dans un délai raisonnable et informé de la durée prévisible de la mission.

10. Pour dire que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de sommes de ce chef et au remboursement des indemnités de chômage, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait refusé son affectation sur un chantier situé hors du bassin grenoblois, retient que la clause par laquelle ce dernier s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions était dénuée de tout effet obligatoire et que l'employeur qui soutient que la clause de déplacement est inhérente à l'activité de chantier ne justifie pas pour autant avoir informé son salarié des conditions de prise en charge des frais de déplacement pour ce chantier situé hors de son bassin d'emploi, de sorte qu'il ne peut lui faire grief d'un refus.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat stipulait expressément que le salarié s'engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions et que le déplacement refusé par le salarié s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de charpentier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement du salarié était dénué de cause réelle et sérieuse, condamnant l'employeur à payer à ce dernier des sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité de préavis, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et condamnant l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formée par M. [O], en ce qu'il annule l'avertissement notifié le 2 mars 2018 et en ce qu'il rejette la demande de la société MDF fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-19.263
Date de la décision : 29/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble 13


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 29 jan. 2025, pourvoi n°23-19.263


Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.19.263
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