CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 73 F-D
Pourvoi n° M 23-18.847
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JANVIER 2025
M. [M] [B], domicilié chez [Adresse 4], a formé le pourvoi n° M 23-18.847 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [G], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société d'avocats [G] et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], représentée par son liquidateur amiable, M. [Z] [G],
3°/ à Mme [L] [C], domiciliée maison des Avocats [Adresse 5], ès qualités d'administrateur ad hoc de M. [Z] [G],
4°/ à M. [X] [F], domicilié [Adresse 2], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société d'avocats [G] et associés,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [G], de la société d'avocats [G] et associés, de Mme [C], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mars 2023), M. [G], avocat membre de la société [G] et associés, a assisté M. [B] dans une instance s'étant achevée par une ordonnance du juge de la mise en état du 2 septembre 2013, constatant le désistement d'action notifié par M. [G] le 8 avril 2013.
2. La société [G] et associés a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 29 septembre 2016 et un plan de continuation de dix ans a été homologué par jugement du 9 octobre 2017.
3. Le 17 septembre 2018, M. [B] a assigné en responsabilité la société [G] et associés, M. [G], Mme [C], en qualité d'administrateur ad hoc de M. [G], et M. [F], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [G] et associés, lesquels lui ont opposé la prescription de son action.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité engagée par M. [B] contre son avocat, l'arrêt retient que « la mission de l'avocat a pris fin au jour du prononcé de la décision de justice qui termine l'instance pour laquelle il a reçu mandat d'assister ou de représenter son client et qu'ainsi, la mission de Me [G] a pris fin le 2 septembre 2013, jour du prononcé de l'ordonnance du juge de la mise en état ayant prononcé son désistement, de sorte que l'action en responsabilité contre l'avocat intentée par acte d'huissier de justice du 17 septembre 2018 qui seul interrompt le délai pour agir doit être déclarée prescrite » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les articles 2225 du code civil, 412 et 795 du code de procédure civile et 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile, l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et l'article 776 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 :
5. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.
6. Selon le quatrième, est susceptible d'appel, dans les quinze jours de sa signification, l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur un incident mettant fin à l'instance, ayant pour effet de mettre fin à celle-ci ou en constatant l'extinction.
7. Pour déclarer irrecevable l'action de M. [B], l'arrêt retient qu'en application de l'article 2225 du code civil, la mission de l'avocat prend fin au jour du prononcé de la décision de justice, qui termine l'instance à laquelle celui-ci a reçu mandat d'assister ou de représenter son client et que la mission de M. [G], ayant pris fin le 2 septembre 2013, jour du prononcé de l'ordonnance du juge de la mise en état constatant son désistement, cette action, intentée le 17 septembre 2018, est prescrite.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. [G], la société [G] et associés, représentée par son liquidateur amiable, M. [G], Mme [C], en qualité d'administrateur ad hoc de M. [G], et M. [F], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [G] et associés, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G], la société [G] et associés, représentée par son liquidateur amiable, M. [G], et Mme [C], en qualité d'administrateur ad hoc de M. [G], rejette la demande formée à l'encontre de M. [F], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [G] et associés et condamne M. [G], la société [G] et associés, représentée par son liquidateur amiable, M. [G], et Mme [C], en qualité d'administrateur ad hoc de M. [G], à payer à M. [B] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq.