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29/01/2025 | FRANCE | N°23-15.842

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation de section, 29 janvier 2025, 23-15.842


COMM.

FM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2025




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 42 FS-B

Pourvoi n° V 23-15.842




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025

La société Ekip', société d'exe

rcice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [L] [G], agissant en qualité de liquidateur de la société La Source, a formé le pourvo...

COMM.

FM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2025




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 42 FS-B

Pourvoi n° V 23-15.842




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025

La société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [L] [G], agissant en qualité de liquidateur de la société La Source, a formé le pourvoi n° V 23-15.842 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Crédit agricole Leasing et Factoring, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréfigny, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Ekip', ès qualités, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Crédit agricole Leasing et Factoring, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tréfigny, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 mars 2023), la société La Source a obtenu de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) diverses facilités de paiement pour ses filiales, lesquelles ont aussi conclu des contrats d'affacturage avec la société Crédit agricole Leasing et Factoring (l'affactureur).

2. Soutenant que la banque et l'affactureur avaient commis une faute contractuelle tenant à l'inadaptation des contrats d'affacturage et l'avaient maintenue, ainsi que ses filiales, en situation de dépendance économique, au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, la société La Source les a assignées devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

3. Le 24 décembre 2020, la société La Source a formé appel du jugement ayant rejeté ses demandes devant la cour d'appel de Bordeaux. Après sa mise en liquidation judiciaire le 25 avril 2022, la société Ekip', désignée liquidateur, est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Ekip', ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que, pour l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce encadrant les pratiques restrictives de concurrence, le siège et le ressort des juridictions compétentes sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du livre IV du code de commerce et que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ; qu'au cas présent, la cour d'appel de Bordeaux a prononcé l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société La Source et justifié cette sanction par un défaut de pouvoir juridictionnel ; qu'en ayant prononcé l'irrecevabilité de l'appel quand le législateur a explicitement placé la question sur le registre de la compétence, ce qui aurait dû nécessairement induire le prononcé d'une décision d'incompétence, faute pour l'appelant d'avoir saisi la cour d'appel de Paris seule désignée compétente par la loi, la cour d'appel de Bordeaux a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, en leur rédactions applicables à la cause, ensemble l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et l'article 5 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et D. 442-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2021-211 du 24 février 2021 :

5. Selon le premier de ces textes, les litiges relatifs à l'application de ses dispositions sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. Aux termes du second, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

6. La chambre commerciale de la Cour de cassation juge depuis 2013 (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.089, Bull. 2013, IV, n° 138) que, la cour d'appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la méconnaissance de ce pouvoir juridictionnel exclusif est sanctionnée par une fin de non-recevoir, laquelle doit être relevée d'office (Com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, Bull. 2015, IV, n° 59). Elle a, par la suite, étendu ce principe aux juridictions du premier degré désignées dans l'annexe de l'article D. 442-3 précité. Cette règle a été appliquée à toutes les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'article L. 442-6 précité, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées.

7. Elle a ensuite jugé qu'en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 précités, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées étaient portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartenait aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui n'étaient pas désignées par le second texte ; qu'il en était ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci avaient, à tort, statué sur l'application du premier, auquel cas elles devaient relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables (Com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-15.337, Bull. 2017, IV, n° 48).

8. Toutefois, dans son arrêt du 18 octobre 2023 (pourvoi n° 21-15.378, publié), la chambre commerciale a considéré que cette construction jurisprudentielle complexe, qui ne correspondait pas à la terminologie des articles D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce, devenus depuis, respectivement, les articles D. 442-2 et D. 442-3 de ce code, lesquels se réfèrent à la compétence de ces juridictions et non à leur pouvoir juridictionnel, aboutissait à des solutions confuses et génératrices, pour les parties, d'une insécurité juridique quant à la détermination de la juridiction ou de la cour d'appel pouvant connaître de leurs actions, de leurs prétentions ou de leur recours, qu'elle donnait lieu, en outre, à des solutions procédurales rigoureuses pour les plaideurs qui, à la suite d'une erreur dans le choix de la juridiction saisie, pouvaient se heurter à ce que certaines de leurs demandes ne puissent être examinées, en raison soit de l'intervention de la prescription soit de l'expiration du délai de recours, qu'au surplus, sa complexité de mise en œuvre ne répondait pas aux objectifs de bonne administration de la justice, et qu'enfin, elle était en contradiction avec l'article 33 du code de procédure civile dont il résulte que la désignation d'une juridiction en raison de la matière par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières relève de la compétence d'attribution.

9. Ce constat l'a conduite à modifier sa jurisprudence.

10. Elle juge désormais que la règle d'ordre public découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2, du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 de ce code, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir (Com., 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15.378, publié).

11. Le même constat la conduit également à juger désormais que la règle découlant de l'application combinée des mêmes articles, désignant la cour d'appel de Paris seule compétente pour connaître des décisions rendues par lesdites juridictions, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

12. Pour déclarer irrecevable l'appel formé contre le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction mentionnée à l'article D. 442-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, l'arrêt retient que la demande présentée devant la cour d'appel de Bordeaux excède le pouvoir juridictionnel de celle-ci.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne et Crédit agricole Leasing et Factoring in solidum aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne et Crédit agricole Leasing et Factoring et les condamne in solidum à payer à la société Ekip', prise en sa qualité de liquidateur de la société La Source, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq et signé par M. Mollard, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau, président, empêché, le conseiller rapporteur et le greffier de chambre conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-15.842
Date de la décision : 29/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux 02


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation de section, 29 jan. 2025, pourvoi n°23-15.842, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.15.842
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