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23/01/2025 | FRANCE | N°23-15.983

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation de section, 23 janvier 2025, 23-15.983


CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 79 FS-B+R


Pourvois n°
F 23-16.795
Y 23-15.983 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025


I. L

e Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 23-16.795 contre l'arrêt rendu le 22 février 2023 par la cour d'appel...

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 79 FS-B+R


Pourvois n°
F 23-16.795
Y 23-15.983 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025


I. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 23-16.795 contre l'arrêt rendu le 22 février 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Caisse meusienne d'assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [Y] [I],

3°/ à [C] [I],

4°/ à [N] [I],

ces deux derniers enfants mineurs représentés par l'association La Mouette, prise en qualité d'administrateur ad hoc,

tous domiciliés [Adresse 5],

5°/ à l'association La Mouette, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité d'administrateur ad hoc de [C] et [N] [I],

6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, dont le siège est [Adresse 2],

7°/ à Mme [O] [E], épouse [I], domiciliée [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

II. La caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne a formé le pourvoi n° Y 23-15.983 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [I],

2°/ à [C] [I], enfant mineure représentée par l'association La Mouette, prise en qualité d'administrateur ad hoc,

3°/ à l'association La Mouette, prise en qualité d'administrateur ad hoc de [C] et [N] [I],

4°/ à la Caisse meusienne d'assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle,

5°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

6°/ à [N] [I], enfant mineur représenté par l'association La Mouette, prise en qualité d'administrateur ad hoc,

7°/ à Mme [O] [E], épouse [I],

défendeurs à la cassation.

M. [Y] [I], [C] et [N] [I], mineurs représentés par l'association La Mouette, et l'association La Mouette, en qualité d'administrateur ad hoc de ces deux derniers, ont formé un pourvoi incident dans chaque pourvoi.

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, demandeur au pourvoi principal n° F 23-16.795, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

La caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, demanderesse au pourvoi principal n° Y 23-15.983, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les demandeurs aux pourvois incidents n° 23-16.795 et Y 23-15.983 invoquent, à l'appui de chacun de leurs recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse meusienne d'assurances mutuelles, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Y] [I], de [C] et [N] [I], mineurs représentés par l'association La Mouette, et de l'association La Mouette en qualité d'administrateur ad hoc de ces deux derniers, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Salomon, conseillers, Mmes Brouzes, Philippart, M. Riuné, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F 23-16.795 et Y 23-15.983 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 22 février 2023), le 1er août 2013 est survenu un accident de la circulation impliquant le véhicule, conduit par Mme [E], que M. [I], son époux, avait assuré auprès de la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles (l'assureur). Leurs deux enfants mineurs, [C] et [N] [I], passagers du véhicule, ont été blessés.

3. Se prévalant des fausses déclarations de M. [I] portant sur l'identité du conducteur habituel et sur le relevé d'information sans sinistre qu'il avait produit, l'assureur a invoqué la nullité du contrat d'assurance automobile de responsabilité civile et d'assistance conclu le 16 août 2012, ce dont il a informé M. [I] et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), par lettres du 17 mars 2014.

4. Un juge des tutelles a désigné l'association La Mouette (l'association) en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter les deux enfants mineurs.

5. En l'absence de versement de nouvelles provisions par l'assureur au titre de la procédure d'indemnisation pour le compte de qui il appartiendra, [C] et [N] [I], représentés par l'association, et M. [I], victime par ricochet se prévalant d'un préjudice d'accompagnement, ont assigné Mme [E], l'assureur et le FGAO devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne (la caisse), à fin d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen des pourvois incidents de M. [I], qui est préalable

Enoncé du moyen

6. M. [I] fait grief à l'arrêt de dire que la nullité du contrat d'assurance lui est opposable pour les préjudices qu'il a subi par ricochet et de le débouter de ses demandes à l'encontre de l'assureur, alors « que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes indirectes d'un accident de la circulation ; qu'en estimant néanmoins, pour retenir que la nullité pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d'assurance automobile souscrit par lui auprès de l'assureur lui était opposable pour les préjudices qu'il a subi par ricochet, que sa situation de victime indirecte ne le relève pas de son statut de cocontractant pour lui donner la qualité de victime indirecte à cette assurance et pouvoir bénéficier d'une garantie et qu'il ne pouvait dès lors pas exercer son recours contre l'assureur, cependant que la nullité du contrat ne pouvait s'opposer à la réparation de son préjudice par ricochet lié au préjudice direct subi par ses enfants victimes directes, la cour d'appel a violé les articles L. 113-8 et R. 211-13 du code des assurances, interprétés à la lumière des directives 72/166/CEE du Conseil en date du 24 avril 1972, 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et n° 2009/103 du 16 septembre 2009. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 113-8 et R. 211-13 du code des assurances, interprétés à la lumière de l'article 3, § 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972, de l'article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/ CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 :

7. Selon l'article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans incidence sur le sinistre.

8. Le principe de primauté du droit de l'Union européenne, consacré par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Costa (CJCE, arrêt du 15 juillet 1964, Costa contre E.N.E.L., 6/64), et qualifié de « fondamental » (CJCE, arrêt du 10 octobre 1973, Variola c/ Administration des finances italienne, 34/73, Rec. 981), impose à toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux différentes normes de l'Union, le droit des États membres ne pouvant affecter l'effet reconnu à ces différentes normes sur le territoire de ces États (CJUE, arrêt du 24 juin 2019, Poplawski, C-573/17, point 54).

9. L'obligation d'interprétation conforme, qui contribue à assurer la primauté de la norme européenne sur la norme nationale qui n'aurait pas été mise en conformité avec celle-ci, découle de l'obligation des États membres, en présence d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que de leur devoir en vertu de l'article 5 du Traité, devenu l'article 4.3 du Traité sur l'Union européenne, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation. Elle pèse sur toutes les autorités d'un État membre, en ce compris les autorités juridictionnelles et dans le contexte d'un litige entre particuliers (CJCE, arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, 14/83, point 26). Cette jurisprudence a, depuis, été reprise de manière constante. Elle s'appuie dorénavant sur l'article 288, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 7 août 2018, Smith, C-122/17, point 39).

10. En conséquence, alors qu'elle jugeait que la nullité du contrat résultant de la fausse déclaration de l'assuré était opposable à la victime, dès lors que l'assureur qui déniait sa garantie avait régulièrement mis en cause le FGAO (Crim., 31 mai 1988, pourvoi n° 87-84.010, publié ; Crim., 12 juin 2012, pourvoi n° 11-87.395), la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence par un arrêt du 29 août 2019 (2e Civ., 29 août 2019, pourvoi n°18-14.768, publié) et juge désormais qu'il se déduit des articles L. 113-8 et R. 211-13 du code des assurances, interprétés à la lumière de l'article 3, § 1, de la directive n° 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et de l'article 2, §1, de la deuxième directive n° 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit et que le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime dans un tel cas.

11. Cette nouvelle jurisprudence (2e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-23.381, publié ; Crim., 8 septembre 2020, pourvoi n° 19-84.983, publié) s'inscrit dans la suite de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 20 juillet 2017 (Fidelidade - Companhia de Seguros, C-287/16), qui a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et l'article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat.

12. Complétant sa jurisprudence, en réponse à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation (2e Civ., 30 mars 2023, pourvoi n° 22-70.015), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, notamment, que l'article 3, premier alinéa, et l'article 13, § 1, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, sauf si la juridiction de renvoi constate l'existence d'un abus de droit, à une réglementation nationale qui permet d'opposer au passager d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui est victime de cet accident, lorsque celui-ci est également le preneur d'assurance, la nullité du contrat d'assurance de la responsabilité civile automobile résultant d'une fausse déclaration de ce preneur d'assurance faite lors de la conclusion de ce contrat, quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule concerné (CJUE, arrêt du 19 septembre 2024, Matmut, C-236/23).

13. Elle précise que commet un abus de droit l'assuré qui effectue de fausses déclarations dans le but essentiel de se prévaloir lui-même des articles 3 et 13 de la directive 2009/103 pour contourner une disposition nationale relative aux conditions légales de nullité d'un contrat (CJUE, même arrêt, points 49 à 61).

14. Dans cet arrêt (points 31, 34 et 43), la Cour de justice de l'Union européenne affirme que l'objectif de protection des victimes d'accidents causés par les véhicules terrestres à moteur a constamment été poursuivi et renforcé par le législateur de l'Union (ordonnance du 13 octobre 2021, Liberty Seguros, C-375/20 point 56 et jurisprudence citée) et rappelle qu'il n'existe qu'une seule dérogation à l'obligation faite aux assureurs d'indemniser les tiers victimes d'un accident de la circulation, prévue à l'article 13, § 1, deuxième alinéa, de la directive 2009/103, concernant l'hypothèse où les tiers lésés ont, de leur plein gré, pris place dans le véhicule utilisé ou conduit par des personnes n'y étant ni expressément ni implicitement autorisées, en sachant que celui-ci avait été volé (ordonnance Liberty Seguros précitée, point 60 et jurisprudence citée).

15. La question se pose de savoir si la nullité du contrat d'assurance peut être opposée à une victime par ricochet, auteur de la fausse déclaration intentionnelle à l'origine de cette nullité.

16. A cet égard, la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 du Parlement européen et du Conseil définit la « personne lésée » comme celle « ayant droit à la réparation du dommage causé par des véhicules ».

17. Il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L.113-8 du code des assurances n'est pas opposable à la victime par ricochet qui est également le preneur d'assurance, à l'origine de la fausse déclaration, sauf si elle a commis un abus de droit tel que défini au paragraphe 13.

18. Pour dire que la nullité du contrat d'assurance est opposable à M. [I], l'arrêt constate que ce dernier était partie à ce contrat en qualité de souscripteur bénéficiaire et retient que le fait qu'il soit une victime par ricochet ne le relève cependant pas de son statut de cocontractant, qui le prive, en raison de la faute contractuelle qu'il a commise, de la qualité de tiers victime à l'égard de l'assureur.

19. En statuant ainsi, alors que, sauf abus de droit qu'elle aurait commis en qualité de souscripteur, la nullité du contrat d'assurance est inopposable à la victime par ricochet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° F 23-16.795 formé par le FGAO, et sur le moyen du pourvoi n° Y 23-15.983 formé par la caisse, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son moyen, le FGAO fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès de l'assureur, de le débouter de sa demande de mise hors de cause et de le condamner à relever et garantir l'assureur de toutes ses condamnations envers les victimes directes [C] et [N] [I] en principal et intérêts au taux légal simple, alors « qu'il résulte de l'article L. 113-8 du code des assurances, ensemble l'article R. 211-13 du même code, interprétés à la lumière de l'article 3, § 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et de l'article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/ CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Conseil du 16 septembre 2009, tels qu'interprétés par la Cour de justice dans son arrêt Fidelidade (C-287/16), que la nullité du contrat d'assurance n'est pas opposable, par l'assureur de responsabilité civile automobile, à la victime d'un accident de la circulation ou à ses ayants droit ; qu'en jugeant toutefois que la nullité pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d'assurance souscrit par M. [Y] [I] auprès de l'assureur était opposable à ce dernier et au FGAO, aux motifs que « les directives européennes n'ont un effet direct que « vertical » et non « horizontal », soit que les particuliers qui peuvent les invoquer à l'encontre de la puissance publique et ses services, ne peuvent pas le faire envers d'autre personnes physiques ou morales particulières comme en l'espèce, des individus contre une société privée d'assurance ; que la jurisprudence dite Fidelidade n'a eu de force obligatoire qu'à l'égard de la Cour suprême du Portugal et qu'il en résulte que la mise en cause du FGAO était fondée », la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe de primauté du droit européen. »

21. Par son moyen, la caisse fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement dans les limites de l'appel, de dire que la nullité du contrat d'assurance lui est opposable et de la débouter de toutes ses demandes, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, § 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et que l'article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983, devenus respectivement articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Conseil du 16 septembre 2009, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes d'un accident de la circulation la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance ; qu'il s'en déduit qu'interprétée à la lumière des dispositions des directives susvisées, la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit, et donc aux tiers payeurs subrogés dans les droits des victimes ; qu'en estimant néanmoins, pour retenir que la nullité pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d'assurance automobile souscrit par M. [I] auprès de l'assureur était opposable à la caisse, que les directives européennes n'ont qu'un effet direct vertical, que la jurisprudence dite « Fidelidade » n'a de force obligatoire qu'à l'égard de la Cour suprême du Portugal, et que la caisse ne pouvait dès lors pas exercer son recours contre l'assureur pour les prestations ou indemnités non garanties par le FGAO, la cour d'appel a violé les articles L. 113-8 et R. 211-13 du code des assurances, interprétés à la lumière des directives susvisées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 113-8 et R. 211-13 du code des assurances, interprétés à la lumière de l'article 3, § 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972, de l'article 2, § 1, de la deuxième directive 84/5/ CEE du Conseil du 30 décembre 1983 et des articles 3 et 13 de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 :

22. Afin de respecter l'obligation d'interprétation conforme, telle que rappelée aux paragraphes 8 à 12, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'article L. 211-7-1 du code des assurances, les articles L. 113-8 et R. 211-13 du même code doivent s'interpréter à la lumière de la directive n° 2009/103 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (2e Civ., 29 août 2019, pourvoi n° 18-14.768, publié ; 2e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-23.381, publié ; Crim. 8 septembre 2020, pourvoi n° 19-84.983, publié).

23. Par ailleurs, l'assureur ne peut opposer à la caisse, subrogée dans les droits des victimes, la nullité du contrat d'assurance qu'il ne peut opposer à ces dernières.

24. Pour dire que la nullité du contrat d'assurance est opposable au FGAO et à la caisse, débouter le FGAO de sa demande de mise hors de cause, condamner ce dernier à garantir l'assureur des sommes avancées au titre de la mise en oeuvre de la garantie pour le compte de qui il appartiendra et débouter la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de l'assureur, l'arrêt retient que si, par son arrêt Fidelidade du 20 juillet 2017, rendu sur la question préjudicielle posée par la Cour suprême du Portugal, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé contraire à la réglementation communautaire la législation d'un Etat membre aux termes de laquelle la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration du souscripteur concernant l'identité du conducteur habituel serait opposable aux tiers victimes, cette jurisprudence n'a, cependant, eu de force obligatoire qu'à l'égard de la Cour suprême du Portugal, en l'absence de tout effet direct horizontal s'attachant aux directives.

25. L'arrêt relève ensuite que, s'agissant de l'inopposabilité aux tiers victimes et à leurs ayants droit de la nullité du contrat d'assurance, la quatrième directive automobile 2009/103/CE du 16 septembre 2009 n'a été transposée, en droit français, que par la loi du 22 mai 2019 entrée en vigueur le 24 mai suivant, qui a créé le nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances.

26. Il en déduit que la mise en cause du FGAO, en 2014, était fondée, puisque, en application de l'article 2 du code civil, l'article L. 211-7-1 précité n'était pas alors applicable.

27. Il ajoute que la seule garantie pour compte à laquelle l'assureur est tenu ne permet pas à la caisse d'exercer son recours subrogatoire à l'encontre de celui-ci, pour les prestations d'assurance maladie qu'elle a servies aux victimes, dès lors que l'assureur ne pourrait pas en obtenir ensuite le remboursement auprès du FGAO, compte tenu du caractère seulement subsidiaire de l'intervention de ce fonds.

28. En statuant ainsi, alors que la nullité du contrat d'assurance était inopposable aux victimes et à la caisse, subrogée dans leurs droits, et, qu'en conséquence, seul l'assureur était tenu de les indemniser, le FGAO devant être mis hors de cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

29. Par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif ayant infirmé le jugement, dit que la nullité du contrat d'assurance est opposable au FGAO et à M. [I] pour les préjudices qu'il a subis par ricochet ainsi qu'à la caisse, débouté le FGAO de sa demande de mise hors de cause, dit que le FGAO devra relever et garantir l'assureur de toutes ses condamnations envers les victimes directes [C] et [N] [I] en principal et en intérêts au taux légal simple, débouté M. [I] de toutes ses demandes à l'encontre de l'assureur et débouté la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de l'assureur, entraîne la cassation des dispositions condamnant l'assureur, seulement au titre de sa garantie pour compte, à payer les sommes mises à la charge de Mme [E] au profit de [C] et [N] [I], déboutant le FGAO de sa demande au titre de l'article L. 112-14 [lire L. 211-14] du code des assurances contre l'assureur, condamnant le FGAO à payer à l'assureur la somme de 2 000 euros au titre de ses frais de défense en première instance et en appel et déboutant toutes les autres parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

30. En revanche, la cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

Mise hors de cause

32. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause M. [I] et [C] et [N] [I], ces derniers représentés par l'association la Mouette, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- infirme le jugement,
- dit que la nullité du contrat d'assurance est opposable à M. [I] pour les préjudices qu'il a subis par ricochet, à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
- déboute le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de sa demande de mise hors de cause,
- dit que, dans les chefs de dispositif ci-après, ce même Fonds doit relever et garantir la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles de toutes les condamnations prononcées à son encontre envers les victimes directes [C] et [N] [I] en principal et en intérêts au taux légal simple,
- condamne la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles, au titre de sa garantie « pour compte », à payer :
• à [C] [I] représentée par l'association La Mouette : 2 960 euros au titre des frais divers, 7 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 15 000 euros au titre des souffrances endurées, 26 270 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 et au double du taux légal sur la somme de 46 810 euros entre le 1er avril 2014 et le 25 février 2019, qui seront capitalisés par année entière chaque 9 novembre,
• à [N] [I] représenté par l'association La Mouette : 465 000 euros de provision à valoir sur l'indemnisation de tous les postes de son préjudice corporel, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,

- déboute M. [I] de toutes ses demandes à l'encontre de la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles,
- déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne de toutes ses demandes à l'encontre de la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles,
- déboute le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de sa demande au titre de l'article L. 112-14 [lire L. 211-14] du code des assurances contre la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles,
- condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles la somme de 2 000 euros au titre de ses frais de défense en première instance et en appel,
- déboute toutes les autres parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 22 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse meusienne d'assurances mutuelles à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne la somme de 3 000 euros, au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros, et à M. [Y] [I] ainsi qu'à [C] et [N] [I], mineurs représentés par l'association La Mouette, et à l'association La Mouette en qualité de mandataire ad hoc de ces deux derniers, la somme globale de 3 000 euros et rejette toutes les autres demandes ;


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-15.983
Date de la décision : 23/01/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation de section, 23 jan. 2025, pourvoi n°23-15.983, Bull. civ.Publié au Rapport
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au Rapport

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.15.983
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