CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 46 F-D
Pourvoi n° A 23-16.330
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [J].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 octobre 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2025
M. [L] [J], domicilié [Adresse 3] (Algérie), a formé le pourvoi n° A 23-16.330 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2022), M. [L] [J], né le 28 juillet 1990 à [Localité 2] (Algérie), auquel un certificat de nationalité française a été refusé, a engagé une action déclaratoire de nationalité en soutenant être français par filiation paternelle.
2. Le ministère public lui a opposé la désuétude prévue par l'article 30-3 du code civil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [J] fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas admis à faire la preuve de ce qu'il a, par filiation, la nationalité française, qu'il est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 30-3 du code civil que la condition de résidence à l'étranger de l'un des ascendants dont l'intéressé tient la nationalité française pendant la période de cinquante ans prévue par l'article 30-3 du code civil n'est pas remplie si l'un de ses ascendants, même indirect, a résidé habituellement en France pendant cette période ; qu'en retenant, pour juger que M. [J] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a par filiation la nationalité française et qu'il est réputé l'avoir perdue le 4 juillet 2012, que "lorsque l'ascendant direct de l'intéressé est né avant le 3 juillet 1962, la condition d'absence de résidence en France pendant plus d'un demi siècle ne doit être appréciée que dans la personne de l'ascendant direct de l'intéressé", cependant que cette condition devait être appréciée au regard de la résidence habituelle en France du grand-père paternel de M. [J], dont il tient la nationalité française, pendant le délai cinquantenaire, la cour d'appel a violé l'article 30-3 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Vu l'article 30-3 du code civil :
5. Aux termes de ce texte, lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.
6. La condition de résidence à l'étranger des ascendants, énoncée par cette disposition, n'est pas limitée aux ascendants directs.
7. Pour dire que M. [J] n'est pas admis à faire la preuve de ce qu'il a, par filiation, la nationalité française et qu'il est présumé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, l'arrêt retient, d'abord, que, lorsque l'ascendant direct de l'intéressé est né avant le 3 juillet 1962, la condition d'absence de résidence en France pendant plus d'un demi-siècle ne doit être appréciée que dans la personne de l'ascendant direct. Il énonce, ensuite, qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte la résidence éventuelle en France du grand-père paternel de M. [J], son père étant né le 10 juin 1960, la condition de résidence à l'étranger pendant plus d'un demi-siècle est remplie en sa personne.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, l'arrêt rendu le 11 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, rejette la demande formée par M. [J] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.